Lionnerie est un récit d’Edgar Allan Poe, paru initialement en mai 1835. La version française de cette nouvelle du 19ème siècle, traduite par Charles Baudelaire, est incluse dans le recueil Nouvelles histoires extraordinaires.
Résumé détaillé de Lionnerie d’Edgar Allan Poe
Un enfant pas comme les autres
Le narrateur se présente comme s’appelant Robert Jones. Il est né dans la cité de Fum-Fudge. L’une des premières actions de sa vie fut d’empoigner son nez à deux mains. Sa mère le qualifia de génie et son père lui offrit un traité de nosologie. Le narrateur pensa que les hommes disposant d’un nez suffisamment marquant pouvaient arriver “à la diginité de Lion”. Il essaya de le prouver.
Un homme impressionnant doté d’un nez admirable
Un jour, alors qu’il avait atteint sa majorité, son père lui demanda quel était le but de son existence. Le narrateur lui répondit que c’était l’étude des nez. Son père le chassa de la maison pour l’inviter à voler de ses propres ailes en lui recommandant de suivre son nez.
Le narrateur écrivit une brochure sur la nosologie. Tout Fum-Fudge fut impressionné.
Le narrateur présenta son nez à un artiste pour qu’il en fasse un croquis. Grâce à son nez impressionnant, le narrateur était invité et attendu partout dans la ville.
La chute du narrateur
Un jour, alors qu’il arrivait à Almack, il entendit l’électeur de Bluddennhuff grogner. Le narrateur le qualifia de babouin. Ils échangèrent leurs cartes et le lendemain matin, le narrateur lui abattit le nez à Chalk-Farm avant de se rendre chez ses amis. En allant chez ses amis, il fut insulté : “Bête”, “”Sot”, “Butor”, “Âne”, “Benêt”, “Nigaud”. Son septième ami lui demanda de sortir.
En retournant dans sa famille, le narrateur demanda à son père quel était le rôle de son existence. Son père lui expliqua qu’il étudiait toujours la nosologie, mais il lui confia qu’en ayant frappé l’électeur au nez, il avait dépassé son but. Le père clot la nouvelle en disant : “Vous avez un fort beau nez, c’est vrai ; mais Bluddennuff n’en a plus. Vous êtes sifflé, et il est devenu le héros du jour. Je vous accorde que, dans Fum-Fudge, la grandeur d’un lion est proportionnée à la dimension de sa trompe ; – mais, bonté divine ! il n’y a pas de rivalité possible avec un lion qui n’en a pas du tout.”
Présentation des personnages
Robert Jones est le narrateur de cette histoire. C’est un homme qui naît avec un nez impressionnant qu’il qualifie de “trompe”. Il décide de se pencher sur l’étude des nez (nosologie) et pense qu’un homme disposant d’un nez imposant est forcément digne d’un lion. C’est un personnage qui utilise son nez pour élever sa condition. C’est également un imposteur qui s’avère être un “sot” et un personnage égocentrique. Il est piqué dans son orgueil par l’électeur Bluddennuff qu’il décide de provoquer dans un duel où il abat son nez. Finalement, Bluddennuff finira par être le héros et Robert Jones le méchant de l’histoire. Il connaît une ascension rapide dans la société, toutefois, la chute est tout aussi rapide.
Le père de Robert Jones est celui qui offre à son fils un traité de la nosologie. Il pousse son fils à parcourir le monde et à suivre son nez. Lorsqu’il voit son fils revenir à la maison, il lui fait une morale concernant les derniers événements que son fils a vécu.
Bluddennuff est le seul qui ne s’extasie pas devant le nez de Robert Jones ce qui exaspère le narrateur et le contraint à le provoquer en duel. Durant le duel, l’électeur Bluddennuff a le nez abattu. Toutefois, il deviendra le héros de l’histoire parmi les “amis” de Robert Jones.
Analyse de l’oeuvre
Une nouvelle comique à vue de nez
Des jeux de mots avec le nez
Lionnerie est une grosse caricature d’un personnage appelé “Robert Jones” qui a un nez imposant qualifié de “trompe” et qui s’intéresse à la nosologie. Dans le livre, la nosologie est présentée comme l’étude des nez “c’est la Science des Nez”. Dans les notes en bas de page, on peut y lire une notation de Charles Baudelaire précisant “Nose, nez. – Naseaulogie, nosologie”. Toutefois, la réelle définition de ce terme est une “partie de la médecine qui étudie les critères qui servent à définir les maladies afin d’établir une classification.” (Larousse).
La conversation avec son père dès le début de la nouvelle renforce le caractère burlesque de la nouvelle :
“– Le nez, suivant Bartholinus, est cette protubérance, – cette bosse, – cette excroissance, – cette…” Ce à quoi son père répond : “Je suis foudroyé par l’immensité de vos connaissances, – positivement je le suis, – oui, sur mon âme !”. Néanmoins, le père du narrateur le chasse de chez lui. Nous ne savons pas véritablement les raisons qui poussent à envoyer son fils dehors. Il prétend que son “éducation peut être considérée maintenant comme achevée” qu’il doit pousser dans le monde et “suivre son nez”. Le fait de suivre son nez peut faire référence à l’expression suivante : “avoir du flair” signifiant “Clairvoyance, finesse qui porte à deviner, à prévoir quelque chose”.(Larousse)
Hypothèse sur le métier du père du narrateur
Nous ne connaissons pas vraiment le métier du père du narrateur, mais possédant un cabinet, “Quand je fus arrivé à ma majorité, mon père me demanda un jour si je voulais le suivre dans son cabinet.”, nous pouvons penser que le père du narrateur travaille dans le corps médical tout en sachant que son père lui offre le traité de nosologie. Nous pouvons alors supposer que le père du narrateur pensait que son fils le suivrait, mais il se rend vite compte que son fils est un “imbécile”. Toutefois, tout cela ne reste qu’hypothétique dans le fait où il n’y a aucun élément qui permet de justifier cela.
En effet, le père “pleura de joie” lorsqu’il vit son fils empoigner son nez à deux et lui offrit le traité de nosologie. Et il semble être impressionné par les connaissances de son fils. Nous pouvons alors penser que la définition de nosologie partagée par le fils et la même pour le père, soit l’étude des nez.
De plus, lorsque le narrateur précise “La première action de ma vie fut d’empoigner mon nez à deux mains”, cela peut faire référence à l’expression : “les doigts dans le nez”, signifiant ainsi que, dès sa naissance, tout fut facile pour lui.
Cet interrogatoire, dans lequel le père cherche à comprendre les pensées de son fils, fait penser à une célèbre expression : “tirer les vers du nez”.
Le caractère burlesque est également renforcé par les réactions de la populace de Fum-Fudge qui est “sans dessus dessous” après la brochure de nosologie réalisée par le narrateur : “Étonnant génie”, “Admirable physionomiste”, “Habile gaillard”, “Bel écrivain”.
Un narrateur avec un gros nez et un gros melon
Le narrateur prétend ne pas prendre en compte les avis positifs de la populace. Toutefois, nous voyons bien que le nez du narrateur n’est pas la seule chose de gros que dispose le narrateur. Adulé par les autres, le narrateur attrape la grosse tête. Il réalise le croquis de son nez par un artiste et en demande la somme de mille livres. Cette demande saugrenue montre à quel point le narrateur ne se prend pas pour n’importe qui. En effet, il pense être un “Lion”. Ce terme symbolise pour lui la classe élitiste, ceux qui savent et ont des connaissances. Il pense avoir tout à fait sa place dans ce monde comme il l’explique lorsqu’il est invité à un dîner organisé par le Prince de Galles : “Nous étions tous Lions et gens du meilleur ton”.
Néanmoins, il est intéressant de se rendre compte que parmi tous ces Lions, qui disposent d’une connaissance réelle, seul le narrateur qui ne parle que lui et de sa brochure devient la source de curiosité du Prince qui le qualifie de “Heureux homme ! homme miraculeux ! “. Ce passage renforce clairement le comique de la situation de cette œuvre et permet d’illustrer à quel point le narrateur est, en plus d’être un sot, une personne égocentrique. Parmi les lions, le narrateur est clairement un “imposteur”. Cela montre également que le narrateur est la “nouveauté” dans cet univers élitiste, celui que tout le monde parle, celui qu’il faut absolument inviter. Toutefois, ce n’est pas le personnage que l’on veut. Le narrateur vit clairement dans l’ombre de son nez comme nous pouvons le constater lorsque la duchesse convie le narrateur à venir à Almack : “Qui vous parle de votre cœur ! – mais avec votre nez, avec tout votre nez, n’est-ce pas ?”
Les lions ne côtoient pas les babouins
Le narrateur est tellement habitué à être admiré qu’il ne supporte pas les paroles de l’électeur de Bluddennuff. Lorsque ce dernier est qualifié de babouin par le narrateur, prétextant ainsi que ce n’est pas un lion, l’électeur réplique par “Donnerre et églairs”. Le terme “églairs” fait référence au mot “glair” que l’on retrouve en grande quantité dans le nez et dans la gorge. Le narrateur possédant une grande “trompe”, il doit forcément avoir une quantité anormale de “glairs”.
Le duel entre le narrateur et l’électeur est assez comique dans la mesure où le narrateur abat le nez de son adversaire. Disposer d’un nez c’est être digne, n’ayant plus de nez, l’électeur devient indigne. C’est d’ailleurs ce qui fait qu’il devient un héros pour tout le monde dans le sens où le narrateur, étant un lion avec un beau grand nez, ne doit pas rivaliser avec une personne comme l’électeur. En ayant répondu à ses provocations, le narrateur s’est montré “petit” et “indigne”.
Des similitudes avec la vie de l’auteur
Cette ascension rapide s’achève par une chute très brève qui renvoie le narrateur à son point de départ. Il y a une possibilité de voir ici une sorte de référence à la vie de l’auteur. En effet, Edgar Allan Poe (1809-1849) était un écrivain, poète, critique littéraire et éditeur américain qui a connu une ascension rapide et une chute tout aussi rapide au cours de sa vie. Sa première publication importante, “Tamerlane and Other Poems” (“Tamerlan et autres poèmes”), a été publiée en 1827 alors qu’il était encore étudiant à l’université. Cependant, malgré son succès initial, Poe a connu de nombreux revers et difficultés au cours de sa vie. Il a souvent été confronté à des problèmes financiers et a eu du mal à trouver un travail stable. En outre, il a souffert de problèmes de santé mentale et a été confronté à de nombreux problèmes personnels, notamment des problèmes de boisson.
Malgré toutes ces difficultés, Poe a continué à écrire et à publier de nombreuses histoires et poèmes qui ont été largement appréciés par les lecteurs de son époque. Sa chute rapide a été le résultat de sa vie difficile et de ses problèmes de santé mentale, qui ont finalement eu raison de lui. Il est décédé à l’âge de quarante ans en octobre 1849 dans des circonstances mystérieuses qui ont nourri les nombreuses légendes qui ont continué à entourer sa vie et son œuvre.