SECTION I : L’IMPORTANCE DES NORMES DANS LE DROIT
I. Le droit est un ensemble de normes
Tout d’abord, il est important de différencier « propositions » de « normes »
- Normes : « quelque chose doit être » (prescriptive, normative)
- Propositions : « quelque chose est » (indicative, descriptive, assertive)
Signification de cette distinction
a) Opposition entre deux fonctions psychiques différentes : l’une représente une connaissance du monde, l’autre est l’expression d’une volonté.
b) Proposition peut-être vraie ou fausse alors que la norme ne peut que se contenter d’être « valide » (=> en vigueur et donc à respecter), sinon elle n’est pas.
c) Il ne peut y avoir entre les normes et les propositions aucune relation logique (= loi de Hume)
La hiérarchie des normes
Commandement : on peut obéir ou pas. S’il correspond à une loi, le commandement est valide et devient une norme.
Norme fondamentale : source supposée de validité des autres normes, qui n’obéit elle-même à aucune autre norme
On identifie une norme quand on constate qu’une certaine phrase acquiert une signification prescriptive du fait d’un système normatif.
Donc la définition simple de la norme juridique est celle qui appartient au système juridique
Le droit et les autres systèmes normatifs
Le droit possède deux types de critères de distinction par rapport aux autres systèmes normatifs :
- Caractères matériels : assorti à la prescription de comportements des prescriptions de sanctions (bonnes ou mauvaises)
- Caractères formels : le système juridique est hiérarchisé :
- hiérarchie statique (relation entre deux contenus, l’un général l’autre particulier)
- hiérarchie dynamique (la norme supérieure règle la production des normes inférieures => pas de relation de contenu)
Le système juridique est donc caractérisé par une double relation, statique et dynamique
=> définition stipulative (on convient de cette définition au début d’une étude pour être OK sur l’objet lorsqu’il existe différentes définitions lexicales ; elle n’est ni vraie ni fausse, elle est seulement utile, elle confère un instrument commode, et non la nature véritable de l’objet)
Définition réelle : définition qui porte sur une chose et qui la décrit sommairement telle qu’elle est réellement
Définition lexicale : connaître le sens du mot dans une langue donnée et dans un contexte donné (= définitions du dictionnaire : un mot a plusieurs définitions lexicales)
Une définition est un outil intellectuel permettant de construire un raisonnement.
Dogmatique : utilisation des relations entre les normes pour établir quelles sont les normes en vigueur. Elle ne peut se fonder que sur une définition formelle du droit.
II. Le droit constitutionnel comme sous-système
A. Définition matérielle
1. Le droit constitutionnel, droit de l’Etat
Principe : (XVIIIème siècle) pour garantir la liberté, il faut limiter le pouvoir politique (c’est à dire celui de l’Etat) au moyen de quelques règles d’organisation judicieusement combinées.
La constitution et le droit constitutionnel ont donc pour objet l’Etat et les limites de son pouvoir.
Constitution : au sens matériel, ensemble des règles relatives à l’organisation de l’Etat.
Qu’est-ce que l’Etat ? Trois conditions : un territoire, une population, une puissance publique
a) le territoire
Il est une condition indispensable pour que l’autorité publique s’exerce efficacement. C’est l’espace géographique sur lequel l’Etat exerce ses compétences, c’est à dire qu’il y a des règles régissant les hommes et les biens qui s’y trouvent.
ATTENTION : le territoire est un objet à 3D (sol, couche atmosphérique, mers territoriales)
La question de la nature du droit de l’Etat sur son territoire est l’effet d’une métaphore anthropomorphique : l’Etat est considéré comme une personne qui possède un territoire (ressemblances entre normes du droit international et du droit interne), mais on ne peut assimiler ce droit à la propriété car il n’est pas exclusif (il existe des particuliers propriétaires). Ce n’est pas non plus de la souveraineté, car ce concept s’applique aux personnes et non aux choses.
On considère donc qu’il s’agit d’un droit institutionnel réel (son contenu est limité et déterminé par ce qu’exige le service de l’institution étatique, mais il porte directement sur le sol national)
b) la population
On ne peut parler d’Etat que quand un ensemble limité d’hommes est soumis à un ordre juridique déterminé. Cet ensemble d’hommes constitue la population de l’Etat.
Si la population possède une autre caractéristique communes, on peut être en présence d’une nation, mais la nation n’est en aucun cas une condition de l’Etat.
c) la puissance
Pour parler d’Etat, il faut que cette population et ce territoire soient soumis à une forme spécifique de pouvoir politique : c’est la puissance publique, ou souveraineté.
Weber distingue trois types de légitimité :
- selon pouvoir traditionnel (gouvernement du prince)
- selon pouvoir charismatique (gouvernement du chef qualifié par son prestige)
- selon pouvoir rationnel (gouvernement agissant conformément au droit)
Cependant la légitimité n’est pas toujours avérée, donc ce qui caractérise l’Etat c’est qu’il exerce un pouvoir supérieur (en droit, pas forcément en fait) à tous les autres, un pouvoir souverain.
2. Insuffisance de cette définition matérielle
Critique de Kelsen : aucune des trois conditions n’est « naturelle », toutes sont discutables et relatives. Enfin, cette définition présente un caractère tautologique : il existe un Etat quand il existe un peuple, il existe un territoire et une puissance quand il existe un peuple, il existe un territoire et une puissance quand il existe un Etat.
3. La constitution, système d’organes
Les hommes qui exercent le pouvoir politique exercent une compétence : ils sont des organes de l’Etat (ou autorités/pouvoirs publics), leurs actes sont considérés comme accomplis par et pour l’Etat.
=> La constitution est alors l’organisation de la répartition du pouvoir entre les organes.
B. Définition formelle
Le droit constitutionnel est un ensemble de normes dont la valeur est supérieure à celle de touts les autres normes et qui constitue le fondement ultime de leur validité sans que les normes qu’il contient soient elles-mêmes fondées sur d’autres normes juridiques. La constitution est donc le fondement de la validité de la loi, des décrets, des traités, etc.
Le droit constitutionnel est donc l’ensemble des normes qui occupent le sommet de la hiérarchie du système juridique, qui ne peuvent être modifiées par la loi qu’au terme d’une procédure généralement plus lente et plus difficile à mettre en œuvre que la procédure législative, et qui portent sur des sujets très variés (organisation du pouvoir, droits de l’homme, droits fondamentaux ou même une matière comme l’Hymne ou le drapeau nationaux).
Dans la science du droit constitutionnel, on privilégie le point de vue formel car c’est celui qui est adopté par la pratique juridique.
SECTION II : LE DROIT CONSTITUTIONNEL COMME SCIENCE
I. Jusnaturalisme et positivisme
A. Le jusnaturalisme
Il existe deux droits : le droit positif (droit en vigueur, expression de la volonté de certains hommes qui l’ont « posé »), et le droit naturel (indépendant de toute volonté humaine, immanent à la nature ou produit par la volonté de Dieu).
Le droit naturel est alors considéré comme antérieur et supérieur au droit positif, et prescrit que les hommes doivent produire un droit positif qui réalise la justice.
Il peut alors impliquer le « devoir de désobéissance » (Antigone).
B. Le positivisme juridique
1. Le modèle des sciences empiriques
Il se caractérise par la volonté de construire une science du droit sur le modèle des sciences de la nature. Cependant, pour établir une science, basée sur la raison, il faut exclure tout jugement de valeur.
Conséquences : on risque de considérer tout système juridique comme du droit, ce qui peut aboutir à légitimer n’importe quel système.
Cependant, considérer un système comme juridique ne veut pas dire qu’il est bon. Par ailleurs, le positivisme ‘interdit aucun jugement de valeur, sinon celui énoncé au nom de la science.
2. L’objet de la science du droit est le droit
Il existe deux variantes au positivisme juridique :
- la première considère qu’il existe peut-être un droit naturel mais qu’il est inconnaissable donc la science ne peut rien en dire
- la seconde considère que les seuls objets existants sont les objets empiriques
3. Le contenu de la science du droit, les propositions de droit
Une vraie science du droit doit se composer de propositions, les « propositions de droit ». chacune de ces propositions, quand elles sont vraies, désignent une norme valide.
La science du droit a affaire à des énoncés qui expriment des normes mais pas aux normes elles-mêmes. Elle doit donc découvrir quelles sont ces normes qu’expriment les énoncés. Il faut également faire attention à comprendre la norme à l’aide de l’ensemble des normes auquel elle appartient.
4. Le contenu de la science du droit constitutionnel
Fonction : énoncer des propositions de droit. On peut les comprendre et les décrire complètement dans le système auquel elle appartient.
Il existe trois manières :
- du point de vue formel, une norme se situe à un certain niveau de la hiérarchie de l’ordre juridique
- du point de vue matériel, on doit indiquer ce que signifie la phrase par rapport à une conception d’ensemble, un état d’esprit
- encore d’un point de vue matériel, il faut déterminer le contenu précis de la prescription. L’énoncé peut signifier une prescription, mais cette prescription ne peut être considérée comme une norme qu’une fois établi quelle est la conduite qui doit avoir lieu
II. Droit consitutionnel et science politique
Unité du droit constitutionnel et de la science poilitique
Jusqu’au XXème siècle, le droit constitutionnel et la science politique étaient une même discipline. On ne différenciait pas le point de vue descriptif du point de vue prescriptif.
La science politique avait pour tâche de découvrir le meilleur système de gouvernement (elle avait donc pour contenu un ensemble de prescription). Par ailleurs, décrire l’organisation et le fonctionnement du Pouvoir, c’était décrire les règles effectivement appliquées.
Différences entre droit constitutionnel et science politique
Les deux disciplines se sont séparées quand ces facteurs se sont affaiblis. On a distingué les règles en vigueur (droit positif) de celles dont on souhaitait l’introduction.
=> Différences entre la théorie politique (prescriptive), et la science du droit et
On distingue alors le droit constitutionnel, qui étudie les règles, de la science politique, qui décrit la réalité.
Le renouveau du droit constitutionnel
Modification de la méthodologie : apparition de l’analyse stratégique et de l’analyse systémique.
L’analyse stratégique consiste à expliquer les actions des autorités publiques en les concevant comme des conduites réelles ou probables des autres autorités.
L’analyse systémique envisage le pouvoir comme un ensemble d’interactions entre les éléments, qui ne sont pas invariables, mais qui prennent leur signification et se modifient en fonction de ces interactions.
Par ailleurs, on assiste à l’émergence de la justice constitutionnelle.
Les rapports du droit constitutionnel et de la science politique
Il existe une influence méthodologique et des objets en commun. La dogmatique est cependant propre aux juristes, alors que la science du droit constitutionnel et les juristes sont désormais appréhendés comme acteurs du jeu politique.