Résumé Boule de Suif de Guy de Maupassant avec analyse


Bonjour à tous, je suis Monsieur Miguet, professeur de littérature et passionné par les grands classiques du 19ème siècle. Aujourd'hui, je vous propose d’explorer Boule de Suif, l'une des nouvelles les plus célèbres de Guy de Maupassant, publiée en 1880 dans le recueil collectif Les Soirées de Médan.
Boule de Suif se déroule pendant la guerre franco-prussienne de 1870 et suit un groupe de voyageurs fuyant Rouen occupée. Parmi eux, Élisabeth Rousset, surnommée Boule de Suif, une prostituée au grand cœur, devient rapidement la figure centrale du récit. À travers son histoire, Maupassant explore les thèmes de l’hypocrisie sociale, du patriotisme et du sacrifice.
En dressant un portrait acéré de la société française de son époque, Boule de Suif illustre la cruauté des jugements de classe et la complexité des relations humaines en temps de guerre. Cette œuvre majeure nous pousse à réfléchir sur la notion de moralité et les faux-semblants sociaux.
Boule de Suif est la nouvelle qui a lancé la carrière littéraire de Guy de Maupassant. Publiée dans le recueil Les Soirées de Médan, dirigé par Émile Zola, elle a été saluée pour sa critique sociale incisive et sa capacité à susciter l’empathie envers un personnage souvent marginalisé.
Points clé de ce résumé sur
Boule de Suif
Guy de Maupassant, écrivain français du XIXᵉ siècle, maître de la nouvelle réaliste et naturaliste.
Boule de Suif
1880
Réalisme et Naturalisme
Boule de Suif est publiée en 1880 dans le recueil collectif Les Soirées de Médan, dirigé par Émile Zola. Écrite dans le contexte de la guerre franco-prussienne de 1870, cette nouvelle dénonce l’hypocrisie bourgeoise, la cruauté sociale et les préjugés à travers le personnage d’Élisabeth Rousset, surnommée "Boule de Suif", une prostituée au grand cœur.
La critique sociale : Maupassant dénonce l’hypocrisie et la cruauté des classes sociales, mettant en lumière le traitement injuste réservé à Boule de Suif par les autres voyageurs.
Le patriotisme et le sacrifice : Le personnage principal incarne un profond patriotisme, allant jusqu’au sacrifice de soi pour le bien commun, contrastant avec l’égoïsme des autres personnages.
Les préjugés et la moralité : La nouvelle explore les notions de morale fluctuante selon les intérêts personnels, soulignant l’injustice et l’inhumanité des jugements sociaux.
La condition féminine : Boule de Suif est également un symbole de la femme marginalisée, jugée pour son métier mais dotée d'une noblesse d'âme qui surpasse celle des autres protagonistes.
Boule de Suif est souvent considérée comme l'une des plus grandes nouvelles réalistes françaises.

« Boule de Suif » ou le début de la renommée de Guy de Maupassant
Guy de Maupassant est un auteur français majeur du 19ème siècle, né en 1850 en Seine-Maritime. Il passe son enfance à Étretat, un cadre qui influencera certains de ses récits.
Voici les grandes étapes de sa vie :
- 1870 : Enrôlé dans la campagne militaire de 1870, il en garde des souvenirs marquants qui inspireront plusieurs de ses récits.
- Après la guerre : Employé dans plusieurs ministères, il est rapidement gagné par l’ennui.
- Début dans l'écriture : Encouragé par Gustave Flaubert, ami de sa mère, il se consacre à l’écriture.
- 1880 : Sa carrière prend un tournant décisif avec la parution de "Boule de Suif" dans le recueil "Les Soirées de Médan", qui lui vaut une renommée immédiate.
- Prolificité littéraire : En l’espace de dix ans, il publie de nombreux romans, contes, nouvelles et pièces de théâtre.
- Œuvres majeures : Ses romans les plus célèbres incluent "Une Vie" et "Bel-Ami".
- Collaboration journalistique : Il collabore avec de nombreux journaux et retranscrit fidèlement les travers et les injustices de la société de son temps.
Maupassant est connu pour son regard critique et ironique sur la bourgeoisie. À travers ses œuvres, il dénonce souvent l’hypocrisie et la morale bien-pensante tout en mettant en avant les catégories sociales défavorisées. Il suit ainsi les traces du réalisme de Stendhal et du naturalisme d’Émile Zola.
Malgré son succès, il sombre progressivement dans la folie et décède en 1893.
La nouvelle a été publiée en 1880 dans le recueil collectif "Les Soirées de Médan", aux côtés d'œuvres d'autres auteurs célèbres comme Émile Zola.
Résumé sur Boule de Suif
Résumé court de la nouvelle
Boule de Suif se déroule pendant la guerre franco-prussienne. L’histoire suit dix voyageurs fuyant Rouen occupée par les Prussiens. Parmi eux se trouve Boule de Suif, une prostituée au grand cœur. Initialement méprisée par les autres passagers bourgeois, elle gagne leur reconnaissance en partageant sa nourriture.
Le groupe est bloqué par un officier prussien qui exige que Boule de Suif cède à ses avances pour qu’ils puissent continuer leur route. Après de nombreuses pressions morales et rhétoriques de la part des autres voyageurs, elle accepte à contrecœur.
Ironiquement, une fois le but atteint, ses compagnons la rejettent et la méprisent à nouveau.
À travers ce récit, Maupassant dénonce l’hypocrisie et l’égoïsme des classes bourgeoises et souligne la noblesse de cœur de ceux que la société marginalise.
Gustave Flaubert, mentor de Maupassant, a qualifié "Boule de Suif" de "chef-d'œuvre" lors de sa parution.
Résumé complet de Boule de Suif de Maupassant
"Boule de Suif" est une nouvelle écrite par Guy de Maupassant (1850-1893) et publiée en 1880 dans un recueil collectif intitulé "Les soirées de Médan". Ce recueil rassemble plusieurs auteurs naturalistes réunis autour d’Émile Zola, chef de file du mouvement. Zola, installé à Médan, une petite commune en bord de Seine, convie régulièrement ces écrivains pour échanger et publier des œuvres communes.
Contexte historique
L’intrigue de "Boule de Suif" se déroule à la fin de l’année 1870, pendant la guerre franco-prussienne. La ville de Rouen est alors occupée par les troupes prussiennes. C’est dans ce climat tendu et oppressant que l’histoire prend vie, soulignant la pression exercée par les envahisseurs et les comportements ambigus des citoyens français sous l’occupation.
Résumé de l'intrigue de Boule de Suif
Dix voyageurs décident de fuir la ville de Rouen, occupée par les Prussiens, pour rejoindre Le Havre via Dieppe. Le voyage débute un mardi matin à l’aube, à bord d’une grande diligence. Parmi les passagers, on retrouve :
- Les Loiseau : Un couple de petits commerçants bruyants et opportunistes.
- Les Carré-Lamadon : Un riche industriel et son épouse jeune et coquette.
- Les Bréville : Un couple aristocratique et hautain.
- Cornudet : Un démocrate barbu, fervent républicain.
- Deux religieuses : Dévouées et pieuses, elles voyagent pour soutenir les malades et les blessés.
- "Boule de Suif" : Une prostituée, méprisée par les autres passagers, dont le surnom fait référence à son embonpoint et à ses formes arrondies.
Les tensions sociales
Au départ, "Boule de Suif" est méprisée par les autres passagers. Pourtant, lorsque la faim se fait sentir, elle est la seule à avoir prévu des provisions. Par générosité, elle décide de partager ses vivres avec les autres, brisant temporairement les barrières sociales.
Le dilemme moral
Lors d’une escale à l’hôtel du Commerce à Tôtes, un officier prussien refuse de laisser repartir la diligence tant que "Boule de Suif" n’accepte pas de céder à ses avances. Bien que les passagers se disent initialement outrés par ce chantage, ils finissent par inciter la jeune femme à accepter afin de garantir leur propre départ.
La trahison et l’ingratitude
Après quatre jours d’attente, "Boule de Suif" finit par céder. Le lendemain, la diligence repart, mais la jeune femme est confrontée à l’hypocrisie des autres passagers. Ceux qui l’avaient incitée à agir se montrent désormais distants et ingrats, allant jusqu’à refuser de partager de la nourriture avec elle.
La fin tragique
La nouvelle se termine sur une scène poignante. "Boule de Suif", isolée et humiliée, tente de retenir ses larmes mais finit par sangloter silencieusement, marquant la cruauté et l’indifférence dont elle est victime. Ce dénouement met en lumière l’hypocrisie sociale et la lâcheté des classes aisées face à une femme qu’ils jugent inférieure.
« Boule de Suif » est inspirée d'un fait réel survenu pendant la guerre franco-prussienne de 1870. Maupassant, qui a lui-même participé à ce conflit, s'est inspiré de ses expériences pour écrire cette nouvelle, offrant une critique acerbe de la société française de son époque.
L'étude des personnages
de Boule de Suif
Présentation des personnages de ce résumé sur
Boule de Suif
Personnage | Description | Rôle |
---|---|---|
Boule de Suif |
Prostituée généreuse et naïve, véritable héroïne du récit, prête à se sacrifier pour les autres voyageurs malgré leur mépris. | Personnage central et figure de l'héroïsme contrarié. |
Cornudet |
Démocrate et patriote de façade, opposant au régime impérial, il se montre lâche face aux injustices subies par Boule de Suif. | Symbole de l'hypocrisie politique. |
M. Loiseau |
Marchand de vins en gros, parvenu et vulgaire, prêt à tout pour préserver ses intérêts. | Représentant de la bourgeoisie commerçante opportuniste. |
Mme Loiseau |
Épouse acariâtre et sèche de M. Loiseau, complice de son mari dans l'hypocrisie et le mépris envers Boule de Suif. | Participe activement à la pression exercée sur Boule de Suif. |
M. Carré-Lamadon |
Riche industriel normand et notable respecté, mu par ses seuls intérêts financiers. | Symbole de la bourgeoisie provinciale hypocrite. |
Mme Carré-Lamadon |
Femme volage et superficielle, hypocrite envers Boule de Suif tout en flattant l'officier prussien. | Représentante de la fausse respectabilité bourgeoise. |
M. de Bréville |
Aristocrate prétentieux se vantant de son ascendance noble, mais lâche et manipulateur. | Figure de l’aristocratie déchue et corrompue. |
Mme de Bréville |
Épouse de M. de Bréville, faussement polie et condescendante envers Boule de Suif. | Incarnation de l’hypocrisie aristocratique. |
Les deux religieuses |
Figures pieuses mais soumises aux pressions sociales, elles incitent indirectement Boule de Suif à céder. | Symbole de l’hypocrisie religieuse et morale. |
L'officier prussien |
Caricature du militaire victorieux, tyrannique et dominateur, qui impose un chantage cruel à Boule de Suif. | Incarnation de l’oppresseur et du pouvoir arbitraire. |
Le couple Follenville |
Aubergistes complices de l'officier prussien, représentants du petit peuple prêt à tout pour préserver ses intérêts. | Complices passifs du chantage exercé sur Boule de Suif. |
Le personnage de Boule de Suif, de son vrai nom Élisabeth Rousset, est inspiré d'une femme réelle nommée Adrienne Legay. Originaire d'un village près de Fécamp et résidant à Rouen, Adrienne était connue pour sa générosité et sa nature désintéressée. Après des relations avec un officier de cavalerie et un commerçant, elle devint prostituée. Malheureusement, elle vécut dans une pauvreté croissante et mit fin à ses jours six semaines après la mort de Guy de Maupassant.
Analyse des personnages de la nouvelle de Guy de Maupassant
Boule de Suif
Le sobriquet « Boule de Suif » jalonne cette nouvelle. La suif désigne cette graisse animale utilisée pour la confection de produits comme le savon ou bien pour l’assouplissement des cuirs.
Quant au véritable nom de cette prostituée, il n’est connu que tardivement dans le récit, il s’agit d’Elisabeth Rousset. Ce détail est significatif car le nom est une marque de respect.
En lui déniant son identité et en la qualifiant uniquement à partir de considérations physiques, l’auteur tend à souligner qu’elle n’est pas du même rang que les autres protagonistes. Concernant son statut social, elle explique posséder une maison avec « une bonne » à Rouen.
Une demi-mondaine méprisée
Véritable demi-mondaine, ses revenus proviennent de cette bourgeoisie qui la méprise, tout en allant assouvir ses vices cachés auprès d’elle. Boule de Suif est aux antipodes de la rigidité morale prônée par cette classe sociale. Il faut savoir que la figure de la prostituée est très présente dans l’œuvre de Maupassant. On la retrouve dans « Mademoiselle Fifi » ou encore dans « La Maison Tellier ».
L’auteur convoque le champ lexical de la nourriture pour la décrire physiquement. Ses doigts sont « pareils à des chapelets de courtes saucisses », son visage est semblable à « une pomme rouge ». Elle reste « appétissante », tant « sa fraîcheur fait plaisir ». Naïve et généreuse, elle se sacrifie pour des personnes qui ne la respectent pas.
L'hypocrise bourgeoise révélée
Elle partage ses provisions puis offre son corps à l’officier prussien dans le seul but que les autres passagers puissent poursuivre leur voyage. Dépeinte comme une ingénue, elle se révèle à la fois patriote, dévote et pourvue d’idées politiques affirmées. En effet, on apprend qu’elle doit fuir Rouen pour s’être rebellée contre l’ennemi. Se querellant avec Cornudet, elle affiche un ferme soutien à l’Empereur.
Enfin, elle s’adresse aux religieuses de manière respectueuse et ajoute « c’est si bon de prier quelques fois ».

Le personnage principal, Élisabeth Rousset, est surnommée "Boule de Suif" en raison de son embonpoint et de son apparence rondelette.
Cornudet
Cornudet est défini essentiellement par ses opinions politiques. C’est un démocrate qui s’oppose au régime impérial, d’où son surnom de « Cornudet, le démoc ».
Il semble plus sympathique que les autres voyageurs issus de la « bonne société ». Maupassant manie l’ironie en le qualifiant de « terreur des gens respectables ».
Contrairement à Boule de Suif qui fait preuve d’un patriotisme spontané et sentimental, Cornudet trempe « sa barbe rousse dans les bocks de tous les cafés démocratiques » et « parle d’un ton doctrinaire ». Son patriotisme apparaît comme plus réfléchi.
Il est le seul à s’indigner ostensiblement de l’action conduite par les autres voyageurs auprès de Boule de Suif dans le seul but qu’elle cède au chantage prussien.
Si dans le verbe, il fait la démonstration de son patriotisme, il ne fait rien, dans les faits, pour aider cette prostituée.
Farouche contempteur de la bourgeoisie, il en a pourtant certains traits comme la lâcheté et l’égoïsme qui jalonnent l’entièreté de ce récit, sous la plume de Maupassant.

Les couples de la « bonne société »
Trois couples sont présents à bord de la diligence. Ils sont représentatifs des différentes strates sociales qui structurent alors la société.
Les Loiseau, qui ont connu une ascension sociale fulgurante, Les Carré-Lamadon issus de la bourgeoisie marchande et Les Bréville, véritables figures archétypales de l’aristocratie.
Les Loiseau
Ce sont des marchands de vins en gros.
Si M. Loiseau vient du peuple, c’est grâce à sa réussite financière qu’il s’est élevé au rang de bourgeois. C’est un parvenu qui conserve un goût prononcé pour les plaisanteries grivoises. Il fait particulièrement montre de sa vulgarité lors du dîner où il se distingue par ses saillies graveleuses. Maupassant insiste sur sa bassesse morale.
Ses amis le perçoivent comme un « fripon madré ». Si ce dernier vend un vin de piètre qualité, il compte obtenir « une somme formidable » en exigeant le paiement de celui-ci, dès son arrivée au Havre. Si l’argent lui a permis d’acquérir une certaine respectabilité, il ne tarde pas à révéler sa vraie nature.
En effet, la colère se mêle à l’impatience lorsqu’il s’agit de préserver ses intérêts. C’est ainsi qu’il propose aux voyageurs de « livrer pieds et poings liés »
Boule de Suif à l’officier prussien. La malhonnêteté qui le caractérise, le conduit même à tricher aux cartes. Il peut compter sur son épouse qui partage avec lui ce penchant pour la duplicité.
Contrairement à son mari qui a conservé une gouaille populaire et un côté convivial, sa femme est dépeinte comme sèche et acariâtre.
L’auteur précise qu’elle dispose d’une « âme de gendarme », goûtant peu à l’humour de son époux. Cette antinomie entre ces deux caractères se reflète au niveau physique.
M. Loiseau est décrit comme petit, pourvu d’un ventre en ballon et d’une face rougeaude.
Quant à sa femme, elle est grande et forte. Son corps est qualifié de « dure carcasse ». Ils participent tous les deux à la « conspiration » visant à convaincre Boule de Suif de céder aux avances de l’officier prussien.

Les Carré-Lamadon
Ils sont l’incarnation de la bourgeoisie provinciale.
D’une « caste supérieure », ils ont reçu l’éducation et les bonnes manières que ce statut implique.
M. Carré-Lamadon possède des filatures, c’est un riche industriel normand et un notable respecté. À la différence de Boule de Suif ou de Cornudet qui ont des convictions sincères et définies, M. Carré-Lamadon est uniquement mû par ses intérêts et le prestige social attaché à son rang.
Maupassant fustige ainsi les contradictions idéologiques de la bourgeoisie marchande. D’une part, elle s’extasie devant le panache militaire.
De l’autre, sa femme ne cesse de vilipender une armée coûteuse, mobilisant de manière improductive des bras qui pourraient servir à la réalisation de « grands travaux industriels ».
Le cas de Madame Carré-Lamadon est aussi très révélateur de l’hypocrisie de ce milieu. Alors qu’elle affiche un dédain manifeste à l’égard de la jeune prostituée, Maupassant la décrit comme une femme volage servant de « consolation aux officiers de bonnes familles » envoyés à Rouen en garnison.
Sa respectabilité bourgeoise est un leurre, une façade qui peine à masquer sa frivolité apparente lorsqu’elle avoue trouver l’officier prussien « pas mal du tout ». Ils concourent, eux aussi, à jeter cette prostituée dans les bras de l’officier prussien.

Les Bréville
En haut de l’échelle sociale, Les Bréville bénéficient d’une ascendance prestigieuse.
Occupant la fonction de diplomate depuis plusieurs générations, M. de Bréville se vante même d’être un descendant d’Henri IV, auquel il s’efforce de ressembler physiquement.
Dans cette société du paraître, Maupassant dévoile les aspects peu reluisants derrière cette glorieuse légende. En effet, une aïeule du comte de Bréville aurait fauté avec le célèbre souverain et le mari de cette dernière aurait alors bénéficié de nombreux avantages.
Dans ces conditions, le prestige familial repose sur une infidélité conjugale. Au tandem courage et honneur dont se prévaut la noblesse, M. de Bréville y substitue la lâcheté et la soumission lorsqu’il s’agit d’envoyer Boule de Suif répondre positivement aux avances de l’officier prussien.
Il manie le verbe avec aisance et sait employer les mots adéquats pour convaincre son auditoire.
Quant à son épouse, son amabilité avec Boule de Suif n’est qu’apparente et l’on perçoit une évidente condescendance. Elle se complaît dans l’obscénité des plaisanteries de Loiseau.
Cependant, elle dispose de qualités essentielles mêlant ruse et persuasion, elle parvient à convaincre la religieuse de recourir à un argumentaire tiré de la Bible afin que Boule de Suif cède au chantage de l’officier.

Les deux religieuses
Maupassant s’emploie, à travers ces deux religieuses, à démontrer l’antipathie qu’il éprouve à l’égard de l’Église.
Il brocarde cette piété mécanique des deux sœurs qui ne cessent de psalmodier des prières et se montrent prêtes à toutes les soumissions.
En effet, elles contribuent à désarmer la résistance de Boule de Suif face à l’officier victorieux. L’une des deux sœurs, affirme qu’un péché est plus vite pardonné s’il est commis pour des raisons louables.

L’officier prussien
Cet officier prussien est la caricature du militaire victorieux qui abuse de sa position pour exiger des faveurs sexuelles de l’ennemi défait.
Le viol de guerre est adéquat pour expliquer ce qui arrive à la jeune prostituée. Ce terme englobe les actes de viol, d’agression sexuelle et aussi de prostitution forcée, lors d’un conflit ou dans un contexte de guerre.
La violence sexuelle devient une arme de guerre, c’est le lourd tribut que paieront des femmes dans différents conflits. L’attitude de cet officier est à la fois tyrannique et arbitraire.
Il ne conçoit pas que cette jeune femme puisse lui résister et insiste à de nombreuses reprises pour parvenir à ses fins.
Physiquement, Maupassant souligne son côté guindé en le comparant à « une fille dans son corset ». Quant à sa moustache, sa taille est à la mesure de son arrogance.

Les aubergistes : le couple Follenville
Maupassant les portraiture comme de petits bourgeois issus du peuple.
Ils n’ont pas de réelle éducation mais sympathisent rapidement avec M. Loiseau qui provient lui aussi d’un milieu modeste.
Le « bon sens » paysan de Madame Follenville est promu lorsqu’elle livre son avis sur la guerre franco-prussienne aux voyageurs.
Monsieur Carré-Lamadon est impressionné par l’analyse du conflit qu’elle propose. Son mari peine à supporter la liberté de ton de son épouse. Il lui demande plusieurs fois d’arrêter de parler de ces sujets. La franchise de son épouse contraste avec sa lâcheté.
En effet, il devient le messager de l’officier et se fait le relais de ses désirs charnels avec la jeune prostituée. Il se fait ainsi le complice de l’ennemi triomphant. Le sort de la France comme celui de Boule de Suif lui importent peu.
A l’instar des autres couples bourgeois, la préservation de ses intérêts est sa seule boussole.

Le film américain "La Chevauchée fantastique" ("Stagecoach") de 1939, réalisé par John Ford, s'inspire librement de "Boule de Suif", transposant l'histoire dans le Far West.
Boule de Suif : Analyse littéraire
Une nouvelle réaliste de Maupassant
Les Personnages
L’histoire donne « l’illusion complète du vrai ». C’est l’oncle de Maupassant, Charles Cord’homme, qui lui aurait narré ce récit. Les différents personnages sont représentatifs de la réalité sociale de l’époque. L’auteur s’est inspiré d’une prostituée nommée Adrienne Legay pour son héroïne Boule de Suif. Sous les traits de Cornudet, il faut reconnaître l’oncle de Maupassant. Ces deux personnages sont véritablement décrits en profondeur, et la profusion de détails ajoute au caractère réaliste de cette nouvelle.
- Récit bref à l’intrigue simple, où les personnages sont dépeints succinctement.
- Le courant réaliste apparaît dans la seconde moitié du XIXe siècle et s’oppose au romantisme.
- Les thématiques traitées proviennent du réel, avec des auteurs qui s’inspirent de faits divers.
- Les auteurs documentent et mènent des enquêtes comme de vrais journalistes pour retranscrire la réalité.
- Leurs héros sont souvent des ouvriers, des marginaux ou, comme dans cette nouvelle, une prostituée.
Les voyageurs de la diligence représentent diverses classes sociales de l'époque, offrant une satire de la société française du 19ᵉ siècle.
L’histoire et la géographie
L’action est située à la fois de manière géographique et historique. Maupassant connaît chacun des lieux décrits dans cette nouvelle puisqu’il a grandi dans ces terres normandes. L’auberge évoquée existe réellement et témoigne de l’authenticité des décors.
Quant à la guerre 1870, Maupassant y a participé, et cet événement est au centre de toutes les conversations. Chaque personnage est ainsi amené à donner son avis sur ce sujet, renforçant le réalisme et la portée historique de la nouvelle.
La thématique de la guerre : Rouen, ville occupée
Maupassant dépeint l’arrivée dans la ville rouennaise de l’envahisseur prussien et montre comment celui-ci prend part à la vie quotidienne.
Il évoque également le ressenti des habitants face à cette défaite militaire : certains demeurent patriotes, tandis que d’autres ne pensent qu’à la préservation de leurs intérêts.
Ayant participé à la guerre, Maupassant a été le témoin privilégié de la déroute de l’armée française face aux Prussiens, et l’occupation de Rouen en est la conséquence directe.
Cette nouvelle est imprégnée par un fort sentiment d’enfermement : les passagers passent de nombreuses heures confinés dans une diligence, la neige ralentit le voyage, et ils restent bloqués plusieurs jours à l’intérieur d’une auberge, à la merci de l’occupant.
Enfin, Boule de Suif est assiégée par l’ordre d’un officier qui entend obtenir des faveurs sexuelles de sa part. Elle ne trouve aucun soutien chez les autres voyageurs, lesquels, enfermés dans leurs préjugés sociaux, manifestent du mépris et de la condescendance à son égard, souhaitant qu’elle se livre au militaire prussien afin qu’ils puissent repartir.
Boule de Suif : une satire de la bourgeoisie
La dénonciation de l’hypocrisie de la bourgeoisie
Ce 19ème siècle marque le début de la société matérialiste et du commerce qui enrichit les bourgeois. Cette ascension sociale est fulgurante pour certains, elle va de pair avec l’émergence d’une morale bien-pensante.
Derrière cette respectabilité bourgeoise, Maupassant se plaît à dénoncer l’hypocrisie des bourgeois :
- Lâcheté,
- Égoïsme,
- Bassesse morale.
L’auteur se questionne aussi sur le vice et la vertu dans une société où règne le primat de l’apparence.
Il fustige ces bourgeois de Rouen qui :
- Composent rapidement avec les occupants prussiens,
- Ne résistent que par des paroles creuses,
- Exercent une pression sociale sur Boule de Suif pour qu’elle cède.
Dans les faits, seule Boule de Suif adopte un comportement patriote et téméraire en affichant sincèrement ses convictions.
Ses compagnons de route préfèrent :
- User de leur statut social pour la manipuler,
- La mépriser une fois leur objectif atteint,
- L’oublier malgré son acte de bravoure.
Cette analyse met en lumière la critique sociale virulente menée par Maupassant contre une bourgeoisie hypocrite et égoïste.
La prostituée, souvent méprisée, est dépeinte comme la plus morale et la plus généreuse des personnages, contrastant avec les "honnêtes gens".
Le sacrifice de Boule de Suif
Les sanglots de cette prostituée à la fin du récit sont révélateurs du profond pessimisme de Maupassant. Boule de Suif ne reçoit aucune marque de reconnaissance. Son sacrifice est vain et ne permet pas de faire changer les mentalités des couples bourgeois qui voyagent en sa compagnie.
Chaque couple aura usé d’artifices rhétoriques pour la convaincre de céder au chantage :
- Flatteries et faux compliments,
- Arguments moraux déformés,
- Pressions sociales implicites.
Elle se révèle une simple monnaie d’échange pour recouvrer la liberté et demeure une fille de mauvaise vie à mépriser.
Maupassant nous rappelle ici que le sens moral et la valeur d’un homme ne dépendent pas de son rang.
Dans son récit, seule Boule de Suif, une prostituée marginalisée et malmenée, est digne de respect.
Quant aux couples de la « bonne société », ils sont animés uniquement par :
- La défense de leurs intérêts personnels,
- Un patriotisme de façade,
- Des travers matérialistes.
Boule de Suif accepte de se sacrifier pour le bien du groupe, mettant en lumière les contradictions morales des autres personnages.
Fiche de synthèse de ce résumé sur Boule de Suif
- Auteur : Guy de Maupassant
- Titre : Boule de Suif
- Date de publication : 1880 (dans le recueil Les Soirées de Médan)
- Contexte :
- Nouvelle écrite dans le cadre du mouvement naturaliste, influencé par Zola et Flaubert.
- Se déroule pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, illustrant la lâcheté et l’hypocrisie des classes sociales face à l’ennemi.
- Courant littéraire : Réalisme et naturalisme
- Thématiques principales :
- Guerre
- Hypocrisie sociale
- Condition féminine
- Sacrifice
- Injustice
L’histoire suit un groupe de voyageurs, issus de différentes classes sociales, fuyant Rouen occupée par les Prussiens. Parmi eux, Boule de Suif, une prostituée généreuse, qui partage ses provisions avec les autres. Lorsque le groupe est retenu dans une auberge par un officier prussien exigeant qu’elle cède à ses avances pour les laisser partir, ses compagnons la poussent à accepter. Après son sacrifice, elle est méprisée par ces mêmes bourgeois qui profitent de son humiliation.
- L’hypocrisie sociale : Les bourgeois profitent de Boule de Suif puis la méprisent.
- Le sacrifice et l’injustice : Une femme humble qui se sacrifie et subit l’ingratitude.
- Le rôle de la femme : Entre objectification et mépris, reflet d’une société patriarcale.
- La guerre et ses conséquences : Dépeinte avec cynisme, elle révèle la lâcheté des civils.
Personnage | Description |
---|---|
Boule de Suif | Prostituée au grand cœur, généreuse mais méprisée par la société. |
Cornudet | Républicain engagé, symbole de l’idéalisme inefficace. |
Le couple Loiseau | Commerçants sans scrupules, hypocrites et opportunistes. |
Le comte et la comtesse | Nobles arrogants, distants et manipulateurs. |
Le couple Carré-Lamadon | Petits bourgeois cherchant à préserver leur statut social. |
L’officier prussien | Représente l’ennemi oppresseur et l’abus de pouvoir. |
Boule de Suif est une critique acerbe de la société, dénonçant l’égoïsme et l’hypocrisie des classes dominantes. À travers une écriture réaliste et un regard naturaliste, Maupassant dépeint un monde cruel où la générosité est exploitée et méprisée. Cette nouvelle, considérée comme un chef-d’œuvre, illustre l’ironie tragique de la condition humaine.
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Je trouve que cette nouvelle est fidèle au réalisme, elle reflète bien ce que nous pouvons imaginer de la vie du 18/19éme siècle. La fin est prévisible, on en attend pas moins des hautes classes (tout le monde n’est pas pour autant comme ça, juste que c’est un stéréotype et que une partie des stéréotypes ont un fond de vérité. Cependant, cette nouvelle ne visait pas à ce démarquer de part son suspens mais par d’autres critères qui eux sont tout à fait validés.