Publiée en 1881, La Maison Tellier de Guy de Maupassant est une nouvelle réaliste centrée sur la thématique de la prostitution. Explorons ensemble cette œuvre d’un des écrivains français les plus célèbres.
Résumé détaillé chapitre par chapitre de La Maison Tellier de Guy de Maupassant
CHAPITRE 1
Le conte relate l’histoire d’une petite maison familiale située à proximité de l’église Saint-Étienne, transformée en maison-close par Madame Tellier, une veuve issue d’un milieu paysan. Le lieu accueille chaque soir des hommes pour boire et discuter. Bien que la maison ait une réputation sulfureuse, Madame Tellier maintient une atmosphère raffinée et emmène parfois ses pensionnaires en excursion pour se détendre.
La maison Tellier comporte deux entrées et héberge un café au rez-de-chaussée, où deux femmes, Louise et Flora, servent les clients avec l’aide de Frédéric. Le premier étage abrite un salon destiné aux clients aisés, où trois autres femmes, Fernande, Raphaële et Rosa, les reçoivent. Madame Tellier, appréciée pour sa bonne humeur et sa sagesse, assure la gestion du lieu, fréquenté assidûment par les habitants.
Un soir de fin mai, M. Poulin et M. Duvert, ainsi que d’autres habitués, trouvent la maison close fermée et silencieuse. Ils cherchent une explication et finissent par se disputer pour des futilités. M. Poulin revient seul devant la maison. Après avoir fait le tour du bâtiment, il découvre une pancarte annonçant la fermeture pour “première communion“. Le lendemain, les habitants curieux reviennent pour vérifier l’information.
CHAPITRE 2
Madame Tellier est mandée par son frère, un menuisier qui vit à Virville, dans l’Eure, pour assister à la première communion de sa filleule de douze ans. Bien qu’il sache d’où provient l’argent de sa sœur, le frère n’en fait pas cas aspire à ce que celle-ci, qui n’a pas d’enfants, puisse faire un testament en sa faveur. À la demande de son frère, Madame Tellier, n’ayant pas de sous-directrice pour son établissement, décide de partir avec ses filles de joie pour assister à la première communion de sa filleule.
Madame Tellier et ses femmes de joie voyagent en train et discutent entre elles. À un moment donné, un couple de paysans monte dans le wagon avec un panier contenant trois canards. Les femmes, qui portent des tenues colorées et élégantes, commencent à adopter un comportement plus sérieux en présence de ces nouveaux passagers. Plus tard, un commis-voyageur avec des favoris blonds monte dans le wagon et engage la conversation avec les femmes. Il fait rire tout le monde avec ses plaisanteries et ses interactions avec les canards. Ce commis-voyageur propose aux femmes d’essayer des jarretières qu’il vend. Malgré leur réticence initiale, les femmes finissent par accepter et montrent leurs jambes pour essayer les jarretières, créant des situations comiques et incongrues. Même Madame Tellier finit par rentrer dans son jeu. Les deux paysans, quant à eux, observent la scène avec stupeur.
Finalement, le couple de paysans descend à Motteville, et l’homme aux favoris blonds à Rouen, après s’être montré grossier envers les femmes. Madame Tellier tire la leçon de cette expérience en rappelant aux autres femmes de ne pas parler au premier venu. Plus tard, le groupe change de train à Oissel et rencontre M. Joseph Rivet qui les attend avec une charrette pleine de chaises et un cheval blanc. Malgré un voyage en carriole assez mouvementé, ils arrivent à la maison de Joseph, où ils sont accueillis sous les coups d’une heure par la femme de Joseph qui semble heureuse de voir sa belle-sœur. Après avoir mangé, Madame Tellier apprend qu’elle ne peut pas voir sa filleule, car celle-ci est encore à l’église.
La compagnie se promène dans le petit village, passe devant l’église où des enfants chantent, puis retourne chez Joseph Rivet pour que les femmes puissent s’installer. La filleule de Madame Tellier est accueillie avec une pluie de baisers et de caresses et tout le monde finit par aller se coucher. Rosa, qui d’ordinaire est habituée à dormir avec un homme, a du mal à dormir. Elle entend les pleurs de la filleule de Madame Tellier qui a peur dans sa chambre. Rosa l’amène dans son lit et l’embrasse tendrement jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Le lendemain matin, les villageois se préparent pour la cérémonie de la communion de la petite fille. La maison du menuisier est pleine d’activités alors que les femmes s’occupent d’habiller l’enfant. Pendant la cérémonie, les femmes de joie, en apparence innocentes avec leurs belles tenues, se mettent à pleurer, se souvenant de leur jeunesse et de la pureté qu’elles ont perdu depuis qu’elles se prostituent. Cette apparence de piété réjouit le prêtre qui y voit un signe de la grâce divine.
S’ensuit un festin dans lequel Madame Tellier et ses pensionnaires participent. Elles sont pressées de partir pour ne pas manquer leur train. En chemin, les femmes s’amusent en chantant des chansons à travers la campagne. Ivre, Joseph Rivet tente de profiter de Rosa, mais celle-ci refuse. Lorsqu’ils arrivent à la gare, Rivet promet de rendre visite à Rosa à Fécamp le mois suivant, mais Madame Tellier le met en garde contre ses mauvaises habitudes. Finalement, le train part, laissant Rivet seul.
CHAPITRE 3
De retour à Fécamp, Madame Tellier réjouit les clients habitués en organisant une grande fête. Madame Tellier se laisse emporter par l’ambiance et partage des moments intimes avec ses clients. Elle distribue généreusement des laissez-passer et des boissons alcoolisées. Ce qui avait commencé comme une journée consacrée à la religion finit par se transformer en une orgie.
Présentation des personnages
Madame Tellier est la propriétaire d’une maison close à Fécamp, en Normandie, où elle gère une équipe de prostituées. D’âge moyen, cette femme, plutôt ronde et joviale, a un visage agréable. Elle est aimée de tous ceux qui la connaissent et a une personnalité charismatique. Très respectée dans sa communauté, elle est considérée comme une figure maternelle pour les femmes de sa maison close. En effet, elle incarne le rôle de protectrice pour les femmes qui travaillent pour elle. Elle est leur amie, leur confidente et leur guide, et elle s’assure qu’elles sont bien traitées par leurs clients. Très attentive aux besoins de ses filles, elle s’assure qu’elles ont tout ce dont elles ont besoin pour être à l’aise et heureuses. Malgré un travail stigmatisé par la société, Madame Tellier est présentée comme une femme honorable qui est fière de ce qu’elle fait. Elle croit fermement qu’elle offre un service important à ses clients et à ses filles.
Fernande est censée représenter la “belle blonde” dans la maison close de Madame Tellier. Toutefois, la réalité est bien différente : elle a un physique ordinaire et peu attrayant. Elle est décrite comme étant “très grande, molle, fille des champs dont les taches de rousseur se refusaient à disparaître”. Cette représentation suggère que sa beauté est en décalage avec les idéaux esthétiques de l’époque. Fernande incarne ainsi le contraste entre l’apparence et la réalité. Bien qu’elle soit une prostituée travaillant dans un milieu considéré comme immoral, elle possède une certaine dignité.
Raphaëlle est une des prostituées de Madame Tellier, elle est brune et originaire de Marseille. Du fait de son “exotisme”, elle est censée jouer le rôle “de la belle Juive”. Bien que son apparence puisse ne pas correspondre aux canons de beauté traditionnels (dents en mauvais états, …), il est possible de deviner, du fait de son visage disgracieux, que cette femme a peut-être été confrontée à des situations violentes dans sa vie.
Rosa la Rosse tient son surnom de la traduction latine de “rose”. Physiquement, elle est décrite comme ayant un ventre rond et des jambes minces. Bien qu’elle soit en surpoids et que ses membres soient fins, elle est souple et agile comme un écureuil. Cependant, Rosa est considérée comme un archétype de la femme débauchée que l’on trouve dans les maisons closes de l’époque. Ce portrait de Rosa souligne un contraste entre la sensualité et la laideur.
Les Deux Pompes, Louise et Flora, travaillent comme serveuses dans le bar de la Maison Tellier. Elles portent des tenues extravagantes qui correspondent à leur rôle de “filles” du bar. Elles passent leur temps à boire avec les clients et à leur servir des boissons. Bien que le mot pompe puisse faire allusion à leur travail de distribution de boissons, il peut également être lié à leur statut inférieur en tant que prostituées (“pomper“). Ces deux inséparables s’occupent d’une clientèle plus modestes que les autres femmes. Louise, surnommée Cocotte, est une jeune femme au caractère bien trempé, qui n’hésite pas à exprimer ses opinions et à défendre ses intérêts. Elle se distingue des autres personnages par sa franchise et son tempérament de feu. De plus, elle est considérée comme étant une employée fidèle et dévouée à Madame Tellier, ce qui lui confère un certain respect et une certaine reconnaissance au sein de la maison close. Elle incarne la vie quotidienne et les réalités de la prostitution au XIXe siècle. Flora est surnommée Balançoire parce qu’elle boîte un peu.
Joseph Rivet est le frère de Madame Tellier. C’est un menuisier qui réside à Virville, un village situé à environ quatre-vingts kilomètres de Fécamp. Il fait mander sa sœur pour qu’elle assiste à la communion de sa fille. Conformément à la coutume, Joseph organise un grand repas dans le village pour célébrer cet événement. Joseph Rivet incarne l’honnêteté et la simplicité du monde rural. Il n’est nullement offusqué par la présence des employées de sa sœur à la communion de sa fille, ce qui montre sa tolérance et son ouverture d’esprit. Il est fier du métier de sa sœur. De plus, il représente également un lien entre deux mondes apparemment opposés : celui de la maison close et celui de la vie rurale paisible. Toutefois, le respect qu’il affiche durant une bonne partie de l’intrigue cesse lorsqu’il s’enivre. Il laisse alors ses instincts primaires prendre le dessus sur lui et souhaite profiter de Rosa, au point de se montrer grossier et irrespectueux.
Porteballe est un commis-voyageur avec des favoris blonds, qui partage un compartiment de train avec Madame Tellier, ses filles ainsi qu’un couple de paysans. Dès le début, il se rend compte qu’il a affaire à des prostituées. Il se permet de plaisanter et de flirter avec elles, allant jusqu’à leur proposer des jarretières. Cette familiarité démontre clairement son manque de respect envers ces femmes. À travers le personnage de Porteballe, Maupassant met en lumière le manque de considération dont sont victimes Madame Tellier et ses filles de joie de la part de la société, en particulier de la gent masculine.
Constance Rivet est la fille de Joseph Rivet, le frère de Madame Tellier. C’est également la filleule de cette dernière. Âgée de douze ans, cette jeune fille aux “fins cheveux blonds”, s’apprête à faire sa première communion. Timide et réservée, les prostituées, touchées par sa pureté, prennent soin d’elle.
Les clients habitués de la maison close : M. Poulin, l’ancien maire, M. Duvert, l’armateur, M. Tournevau, le saleur de poissons, M. Philippe, le fils du banquier, M. Pimpesse, le percepteur, et M. Dupuis, l’agent d’assurances.
Analyse de l’oeuvre
Schéma narratif
Étape du récit | Description |
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Situation initiale | Description d’une maison close située à Fécamp, en Normandie, tenue par Madame Tellier. |
Élément perturbateur | Fin mai, les clients habitués qui viennent pour s’y divertir apprennent que la maison-close est fermée “pour cause de première communion”. |
Péripéties | Voyage en train : rencontre avec Porteballe, un commis voyageur, qui sait qu’il à affaire à des prostitués. Il se montre grossier et irrespectueux.
Une arrivée remarquée dans le village. Madame Tellier et ses filles de joie sont perçues comme étant des femmes issues d’un milieu favorisé. La communion apporte une touche émotive à cette œuvre où les femmes sont illuminées par la présence divine. Pendant le repas, Rosa fait face au frère de Madame Tellier, Joseph Rivet qui, sous le joug de l’alcool, tente de profiter d’elle de manière irrespectueuse. |
Dénouement | Retour jusqu’à la gare afin de retourner à Fécamp et reprendre le travail. |
Situation finale | La maison Tellier ouvre et organise une grande fête pour les habitués. La vie suit son cours. |
La Maison Tellier : entre réalisme et ironie comique
Le récit se déroule en Normandie, où Maupassant dresse un portrait ethnographique des mœurs religieuses et de la vie quotidienne. Il met en scène des prostituées extravagantes et exubérantes, respectées et admirées par certains membres de la société, bouleversant ainsi l’image traditionnelle des femmes de mauvaise vie.
Le réalisme de l’œuvre se manifeste par la description précise des lieux et des personnages, offrant un tableau authentique et réaliste de la maison close, de l’église de village et des personnages qui les peuplent. Inspiré par Gustave Flaubert, Maupassant plonge le lecteur au cœur d’un monde aujourd’hui disparu, en décrivant minutieusement les scènes et les protagonistes.
L’ironie comique, présente tout au long de la nouvelle, apporte légèreté et amusement au récit. Le décalage entre le réalisme sobre de l’histoire et les situations cocasses ou absurdes crée une ironie comique qui apporte une certaine légèreté au récit. La représentation moqueuse de certains personnages et de leurs excès, ainsi que les interactions entre eux, témoignent de l’art de Maupassant à insuffler la vie à des scènes qui pourraient paraître banales ou ordinaires.
L’intrigue de La Maison Tellier est centrée autour de la communion de Constance, un événement qui provoque une série de transformations chez les personnages et dévoile leur part de vulnérabilité. Les scènes comiques, comme l’extase des prostituées devant des canards dans un train, alternent avec des moments d’émotion, comme leurs pleurs lors de la communion. La nouvelle souligne ainsi la candeur enfantine des personnages et montre qu’ils sont indispensables à l’harmonie sociale, présentant la prostitution comme un principe essentiel de l’ordre et de l’équilibre.
Enfin, le récit met en scène un renversement de l’image traditionnelle des prostituées, qui deviennent des modèles et des inspiratrices sur le plan moral et spirituel. La scène de la communion est un moment clé, où l’ironie et le comique sont présents. Les prostituées, transfigurées et illuminées par la présence divine, créent un paradoxe qui renforce l’aspect comique de la scène. La Maison Tellier est donc une œuvre où réalisme et ironie comique se combinent pour offrir une représentation nuancée et touchante des femmes et de la morale de l’époque.