Littérature

Jean-Claude Carrière, La Controverse de Valladolid : résumé, personnages et analyse

Page de couverture de l'examen de lecture sur La Controverse de Valladolid de Jean-Claude Carrière, incluant un résumé par chapitre, une étude des caractères principaux et une analyse littéraire.
Ecrit par Les Résumés

Bonjour et bienvenue sur cette présentation de "La Controverse de Valladolid", le roman de Jean-Claude Carrière publié en 1992. Je suis ravi de vous accompagner dans la découverte de cette œuvre qui met en scène un débat historique fondamental.

Ce roman nous transporte en Espagne, en 1550, où sur ordre de l'empereur Charles Quint, un débat exceptionnel est organisé pour trancher une question cruciale : les Indiens du Nouveau Monde sont-ils des hommes comme les Européens, avec une âme, ou des êtres inférieurs que l'on peut asservir ? Nous suivons l'affrontement rhétorique et philosophique entre le dominicain Bartolomé de Las Casas, ardent défenseur des Indiens, et le théologien Juan Ginés de Sepúlveda, qui justifie leur mise en esclavage.

À travers une écriture vive et accessible, Jean-Claude Carrière ne se contente pas de reconstituer l'événement historique ; il en explore les enjeux moraux, politiques et religieux. Le roman interroge la définition de l'humanité, la légitimité de la colonisation, le poids des arguments théologiques et philosophiques face à la realpolitik, et la puissance de la parole dans un débat aux conséquences dramatiques.

LE SAVIEZ-VOUS ?

Jean-Claude Carrière n'a pas seulement écrit le roman "La Controverse de Valladolid". La même année, en 1992, il a également signé le scénario du téléfilm du même nom, réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe, avec Jean-Pierre Marielle (Las Casas), Jean-Louis Trintignant (Sepúlveda), et Jean Carmet (le Légat du Pape). Le roman et le film sont souvent étudiés conjointement pour leur traitement de ce débat historique.

Les bases pour aborder ce résumé de La Controverse de Valladolid

Jean-Claude Carrière (1931-2021), était un écrivain, scénariste, dramaturge et metteur en scène français. Figure incontournable du cinéma et du théâtre, il est célèbre pour ses scénarios (notamment pour Luis Buñuel, Miloš Forman, Louis Malle) et ses adaptations littéraires. Son œuvre explore souvent des thèmes historiques, philosophiques et religieux avec finesse et érudition.

La Controverse de Valladolid

1992 (Date de publication)

Roman historique / Roman philosophique / Théâtre d'idées (en format roman). L'œuvre met en scène un débat historique réel pour explorer des questions morales et philosophiques intemporelles sur la nature humaine et la civilisation.

Le roman se déroule en 1550 à Valladolid, en Espagne. Un légat du Pape est chargé par Charles Quint d'organiser et d'arbitrer un débat crucial : les Indiens d'Amérique sont-ils des hommes dotés d'une âme, ou des êtres inférieurs que l'on peut légitimement soumettre par la force ? Le récit met en scène l'affrontement intellectuel et passionné entre le prêtre Bartolomé de Las Casas, qui défend l'humanité des Indiens, et le philosophe et théologien Juan Ginés de Sepúlveda, qui soutient le droit à la conquête et à l'esclavage. Le roman explore les arguments, les stratégies rhétoriques et les enjeux politiques et humains de cette confrontation historique.

  • Définition de l'humanité : Critères de l'âme, de la raison, de la civilisation.
  • Colonialisme et Droit : Légitimité de la conquête, droit des peuples, guerre juste.
  • Rhétorique et Persuasion : Force et limites du langage, stratégies argumentatives.
  • Religion, Morale et Politique : Rôle de l'Église, conflit entre éthique et intérêts.
  • Altérité et Choc des cultures : Perception de l'"autre", ethnocentrisme.
  • Justice et Vérité : Comment juger une situation complexe et rendre justice ?
  • Pouvoir : Le pouvoir des mots, le pouvoir politique et religieux.
LE SAVIEZ-VOUS ?

Pour écrire "La Controverse de Valladolid", Jean-Claude Carrière s'est non seulement basé sur les actes historiques du débat, mais il a aussi créé des personnages et des situations pour mieux incarner les enjeux et rendre le récit plus vivant. La même année (1992), il a également écrit le scénario du téléfilm homonyme, montrant son fort intérêt pour la dramatisation de ce moment historique clé.

Résumé complet sur La Controverse de Valladolid de Carrière

Résumé express de ce livre historique de Jean-Claude Carrière

La Controverse de Valladolid se déroule en 1550, sous l'impulsion de Charles Quint, qui cherche à déterminer si les Indiens d'Amérique sont des êtres humains dotés d'une âme ou non. Deux figures s'affrontent : Ginès de Sépulvéda, théologien, défend leur infériorité et justifie leur esclavage, tandis que Bartolomé de Las Casas, dominicain, plaide pour leur humanité et une évangélisation pacifique.

Le débat, organisé dans le couvent des Dominicains à Valladolid, est présidé par le cardinal Roncieri. Sépulvéda accuse les Indiens de barbarie et défend la conversion par les armes. En réponse, Las Casas dénonce les atrocités commises par les colons et décrit les valeurs morales et la sensibilité des indigènes.

Un examen physique et moral d’une famille indigène, ainsi que des témoignages de colons et diverses manipulations, alimentent la tension. Finalement, le cardinal tranche : les Indiens sont reconnus comme des fils de Dieu et doivent être libres. Toutefois, pour compenser les pertes économiques, il propose le recours aux esclaves africains — une alternative rejetée par Las Casas.

La controverse prend fin sur cette victoire morale mitigée, où les Indiens sont partiellement reconnus dans leur dignité, au prix d’un déplacement du problème vers une autre population opprimée.

Résumé par chapitre de La Controverse de Valladolid

Chapitres 1 à 4

Personnages présents / mentionnés
  • Espagnols : Colonisateurs.
  • Indiens : Peuples autochtones des Amériques.
  • Charles Quint : Roi d'Espagne.
  • Ginès de Sépulvéda : Théologien opposé aux Indiens.
  • Bartolomé de Las Casas : Dominicain, défenseur des Indiens.
  • Cardinal Salvatore Roncieri : Légat du Pape, juge principal.
  • Comte Pittaluga : Supérieur du couvent, représentant de Charles Quint, juge.
Résumé du chapitre

Après la découverte des Amériques en 1492, les Espagnols ont massacré et asservi les populations indigènes. Vers 1550, la diminution de la main-d'œuvre indienne pousse le roi Charles Quint à questionner ce traitement. Il organise un débat à Valladolid pour déterminer la nature des Indiens (fils de Dieu ou créatures diaboliques) et la légitimité de leur esclavage. La controverse oppose le théologien Ginès de Sépulvéda, qui vient de publier un livre prônant l'infériorité des Indiens, au dominicain Bartolomé de Las Casas, fervent défenseur de leur cause. Le débat se tient au couvent des Dominicains, présidé par le Cardinal Roncieri (représentant du Pape) et le Comte Pittaluga (représentant du Roi). Las Casas prend la parole en premier, dénonçant la cruauté, la cupidité et les atrocités commises par les Espagnols contre les Indiens, qu'il décrit comme bons et pacifiques. Le Cardinal lui rappelle que le but est de définir la nature des Indiens, pas de juger la guerre.

Notions clés à retenir
  • Contexte : Découverte des Amériques, massacre et asservissement des Indiens, crise de main-d'œuvre.
  • Objectif de la Controverse : Déterminer la nature des Indiens (humains avec une âme ?) et justifier (ou non) leur esclavage.
  • Protagonistes : Sépulvéda (pour l'infériorité et l'esclavage) vs Las Casas (pour l'humanité et la défense des Indiens).
  • Juges : Cardinal Roncieri (pour le Pape) et Comte Pittaluga (pour le Roi).
  • Premier argument de Las Casas : Dénonciation de la violence espagnole face à la bonté indienne.
Questions pour approfondir
Pourquoi Charles Quint organise-t-il la Controverse de Valladolid ?

Suite à la diminution de la population indigène (main-d'œuvre) et à ses propres doutes sur le traitement infligé aux Indiens, il veut déterminer leur nature et la légitimité de leur asservissement.

Quelles sont les positions opposées au début du débat ?

Sépulvéda soutient l'infériorité des Indiens justifiant leur esclavage, tandis que Las Casas dénonce la cruauté espagnole et défend l'humanité des Indiens.

Chapitres 5 à 9

Personnages présents / mentionnés
  • Ginès de Sépulvéda : Théologien.
  • Bartolomé de Las Casas : Dominicain.
  • Cardinal Salvatore Roncieri : Légat du Pape.
  • Colons : Témoins clandestins.
Résumé du chapitre

Le lendemain, Sépulvéda prend la parole. Il accuse d'abord Las Casas d'hypocrisie, puis défend la guerre contre les Indiens comme étant la volonté de Dieu et légitime au nom du Christ. Il qualifie les Indiens de païens, anthropophages, sodomites, immoraux et ignorants, méritant leur sort. Il choque l'auditoire en présentant une idole indigène, le "serpent à plumes". Les deux hommes s'opposent point par point, analysant en détail la vie des Indiens : religion, habitat, art. Le débat permet de mieux connaître ce peuple. Deux colons interviennent clandestinement pour témoigner en faveur de Sépulvéda. Bien qu'opposés, Sépulvéda et Las Casas s'accordent sur l'importance primordiale de sauver les âmes.

Notions clés à retenir
  • Arguments de Sépulvéda : Guerre juste voulue par Dieu, infériorité morale et religieuse des Indiens (paganisme, sacrifices, etc.), légitimation par le Christ.
  • Réfutation constante : Chaque argument est contré par l'adversaire.
  • Exploration de la culture indienne : Le débat aborde leurs coutumes, croyances et capacités.
  • Intervention extérieure : Témoignage de colons en faveur de Sépulvéda.
  • Point d'accord : La nécessité universelle du salut des âmes.
Questions pour approfondir
Sur quels arguments Sépulvéda base-t-il l'infériorité des Indiens ?

Il les accuse d'être païens, anthropophages, sodomites, immoraux, ignorants et présente leurs idoles comme preuve de leur nature non divine.

Malgré leurs désaccords, sur quel point fondamental Sépulvéda et Las Casas s'entendent-ils ?

Ils s'accordent sur le fait que toutes les âmes doivent être sauvées, considérant le salut comme primordial.

Chapitres 10 à 12

Personnages présents / mentionnés
  • Cardinal Salvatore Roncieri : Légat du Pape.
  • Famille indigène : Père, mère, enfant, et un jongleur (4 personnes).
  • Bartolomé de Las Casas : Dominicain.
  • Bouffons : Engagés pour tester les Indiens.
Résumé du chapitre

Face à l'impasse, le Cardinal Roncieri fait entrer une famille indigène (père, mère, enfant) et un jongleur pour un examen physique et moral. On les observe, touche, sent comme des animaux. Leur teint est similaire, mais leur mépris apparent du catholicisme renforce les arguments des opposants à Las Casas, qui les voient comme une race inférieure. Pour tester leur moralité, on arrache l'enfant à sa mère, provoquant la révolte des parents. Las Casas y voit la preuve de leur humanité (amour filial/maternel). On fait venir des bouffons, mais leurs pitreries laissent les Indiens indifférents. La discussion s'envenime. En tentant de calmer les esprits, Roncieri tombe de son estrade, ce qui déclenche le rire de la famille indienne. Las Casas considère cela comme une victoire, prouvant leur capacité à ressentir l'humour.

Notions clés à retenir
  • Examen des Indiens : Introduction d'une famille pour une observation directe (physique et morale).
  • Déshumanisation : Les Indiens sont examinés comme des animaux.
  • Tests moraux : Séparation de l'enfant, confrontation à des bouffons.
  • Signes d'humanité (selon Las Casas) : Révolte parentale (amour filial), rire face à la chute (sens de l'humour).
  • Ambiguïté : Certains comportements (mépris du catholicisme, indifférence aux bouffons) sont interprétés négativement par les opposants.
Questions pour approfondir
Dans quel but le Cardinal fait-il venir la famille indigène ?

Pour sortir de l'impasse du débat et soumettre les Indiens à un examen physique et moral approfondi afin d'aider à déterminer leur nature.

Quels événements Las Casas interprète-t-il comme des preuves de l'humanité des Indiens ?

La révolte des parents lorsqu'on leur arrache l'enfant (preuve d'amour filial/maternel) et leur rire lorsque le Cardinal tombe (preuve de sens de l'humour).

Chapitres 13 et 14

Personnages présents / mentionnés
  • Cardinal Salvatore Roncieri : Légat du Pape.
  • Bartolomé de Las Casas : Dominicain.
  • Ginès de Sépulvéda : Théologien.
Résumé du chapitre

La controverse touche à sa fin. Le Cardinal Roncieri doit trancher sur la question cruciale : les Indiens sont-ils enfants de Dieu ? Il va examiner tous les arguments et l'intervention de la famille indienne. Las Casas réitère ses arguments basés sur son expérience concrète des horreurs commises et démystifie les rumeurs, invoquant la religion pour défendre les Indiens. Sépulvéda, sans expérience directe, use de rhétorique pour réaffirmer la nécessité de la conversion par les armes, arguant calmement que les sacrifices humains prouvent leur sauvagerie et que leur liberté nuirait à l'économie espagnole. Las Casas s'emporte parfois face au calme de son adversaire. Deux styles s'opposent : l'expérience passionnée contre la logique froide. La séance est levée, le verdict est attendu pour le lendemain.

Notions clés à retenir
  • Récapitulation finale : Chaque partie résume ses arguments avant la décision.
  • Argumentation de Las Casas : Basée sur l'expérience vécue, les faits concrets, l'émotion et la foi chrétienne.
  • Argumentation de Sépulvéda : Basée sur la logique, la rhétorique, l'interprétation théologique (sacrifices humains = sauvagerie) et des considérations économiques.
  • Opposition de styles : Passion et emportement (Las Casas) vs Calme et logique (Sépulvéda).
  • Enjeu final : La décision imminente du Cardinal sur le statut des Indiens.
Questions pour approfondir
Quelle est la différence principale dans la manière d'argumenter de Las Casas et Sépulvéda ?

Las Casas s'appuie sur son expérience directe et des exemples concrets des horreurs vécues par les Indiens, utilisant l'émotion et la foi. Sépulvéda utilise la logique, la rhétorique et des arguments théologiques et économiques, sans expérience de terrain.

Quel argument Sépulvéda utilise-t-il concernant les pratiques religieuses des Indiens ?

Il utilise les sacrifices humains comme preuve de leur sauvagerie et de leur infériorité, justifiant ainsi la nécessité de les convertir, même par la force.

Chapitre 15

Personnages présents / mentionnés
  • Cardinal Salvatore Roncieri : Légat du Pape.
  • Bartolomé de Las Casas : Dominicain.
  • Indiens : Sujet de la décision.
  • Africains : Mentionnés comme alternative pour l'esclavage.
Résumé du chapitre

Le lendemain, le Cardinal Roncieri rend son verdict. Il déclare que les Indiens sont des fils de Dieu, possédant une âme, rejoignant ainsi l'avis de Las Casas. Ils doivent donc être libres, traités dignement et leurs conditions améliorées. Conscient de l'impact économique (perte de main-d'œuvre bon marché), le Cardinal propose une alternative : utiliser des esclaves africains, qu'il juge moins humains que les Indiens, pour continuer à fournir une main-d'œuvre exploitable aux colons. Las Casas tente de protester contre cette nouvelle injustice, mais le Cardinal clôt la controverse.

Notions clés à retenir
  • Verdict : Les Indiens sont reconnus comme des êtres humains dotés d'une âme, fils de Dieu.
  • Conséquences pour les Indiens : Ils doivent être libérés de l'esclavage et traités dignement.
  • Problème économique : La libération des Indiens représente une perte de main-d'œuvre pour l'Espagne.
  • Solution proposée : Remplacer les esclaves indiens par des esclaves africains, jugés inférieurs.
  • Réaction de Las Casas : Désaccord et protestation contre l'esclavage des Africains, mais sa voix n'est pas entendue.
Questions pour approfondir
Quelle est la décision finale du Cardinal concernant les Indiens ?

Il déclare qu'ils sont fils de Dieu, possèdent une âme, et doivent donc être libres et traités dignement.

Quelle solution le Cardinal propose-t-il pour compenser la perte économique liée à la libération des Indiens ?

Il propose d'utiliser des esclaves africains, qu'il considère comme ayant moins d'humanité que les Indiens.

Analyse des protagonistes de La Controverse de Valladolid

Présentation rapide des personnages du roman historique de Jean-Claude Carrière

Personnage Description Rôle
Bartolomé de Las Casas
Moine dominicain, ancien colon et encomendero converti à la défense des Indiens. Passionné, s'appuyant sur son expérience directe de plus de 30 ans en Amérique. Parfois emporté par son indignation. Principal défenseur de l'humanité et des droits des Indiens. Incarne la conscience morale et religieuse face aux atrocités. Utilise une argumentation basée sur l'Évangile (égalité devant Dieu), la raison (Aristote) et l'empathie (témoignages directs) pour contrer les thèses justifiant la conquête violente.
Juan Ginès de Sepúlveda
Théologien, humaniste et chroniqueur officiel de Charles Quint. Intellectuel brillant, maître de la rhétorique, calme et méthodique. N'a jamais été en Amérique. Principal contradicteur de Las Casas. Défenseur de la légitimité de la conquête et de la domination espagnole. Utilise une interprétation d'Aristote (hiérarchie naturelle), des arguments théologiques sélectifs et la dénonciation des pratiques indigènes (sacrifices) pour justifier la servitude et l'évangélisation forcée.
Le Cardinal Président
Autorité ecclésiastique (inspirée de Domingo de Soto) chargée de présider et d'arbitrer le débat. Prudent, conscient des enjeux multiples (théologiques, politiques, économiques). Arbitre de la controverse. Incarne la position complexe et souvent ambiguë de l'Église et de l'État espagnol. Tiraillé entre les principes chrétiens, les intérêts impériaux et le doute face à la question de l'humanité des Indiens. Représente l'Europe intellectuelle confrontée à l'altérité.
Le Légat du Pape
Représentant officiel du Pape lors de la controverse. Observateur discret mais dont la présence rappelle l'autorité de Rome. Symbolise les enjeux géopolitiques et l'influence de la Papauté. Sa présence souligne la légitimation ecclésiastique de la conquête et de l'évangélisation du Nouveau Monde, tout en représentant la diplomatie vaticane attentive aux débats.
Don Hernando Colón
Fils de Christophe Colomb. Érudit, cosmographe, représentant l'humanisme de la Renaissance. Témoin ambivalent, lié à la conquête par son héritage. Apporte une perspective historique et factuelle. Incarne la génération confrontée aux conséquences morales complexes de la découverte, tiraillée entre loyauté familiale et conscience troublée.
Les Indiens Anonymes
Groupe d'Indiens présents physiquement lors du débat, mais réduits au silence et utilisés comme "pièces à conviction". Objets du débat sur leur propre humanité. Incarnent l'ironie tragique de la controverse et la condition des peuples colonisés, privés de voix. Leur présence digne et muette sert de démenti silencieux aux thèses déshumanisantes et de dispositif dramatique puissant.
L'Évêque de Chiapas
Religieux ayant une expérience directe des réalités coloniales en Amérique. Témoin oculaire qui corrobore les affirmations de Las Casas sur les souffrances des Indiens et les excès des colons. Représente la minorité du clergé consciente de la contradiction entre l'idéal évangélique et la violence coloniale.

Les personnages de La Controverse de Valladolid : une étude approfondie

Cette œuvre bouleversante dépeint avec finesse les différents protagonistes qui s’affrontent dans cette joute verbale et intellectuelle déterminante pour l’Histoire.

Chaque personnage incarne une vision du monde, une sensibilité et une argumentation qui reflètent les tensions idéologiques de cette époque charnière, où la question de l’humanité des Indiens d’Amérique allait être tranchée avec des conséquences durables sur le regard porté par les Européens sur les peuples nouvellement découverts.

Bartolomé de Las Casas : le défenseur passionné des Indiens

Bartolomé de Las Casas émerge comme une figure emblématique et profondément humaine dans l'œuvre de Carrière. Ce moine dominicain incarne la voix de la conscience face aux atrocités commises contre les populations autochtones d'Amérique. Son parcours personnel est particulièrement significatif : d'abord colon et encomendero à Santo Domingo, il connaît une véritable conversion spirituelle et morale lorsqu'il prend conscience de la barbarie de la conquête espagnole et de l'inhumanité du traitement infligé aux indigènes.

Cette transformation radicale le pousse à devenir l'apôtre inlassable de la cause indigéniste, consacrant plus de cinquante années de sa vie à défendre avec ardeur et conviction les droits fondamentaux des peuples originaires du Nouveau Monde.

Un homme de terrain à la parole vibrante

Dans le récit de Carrière, Las Casas se distingue par son tempérament passionné et sa force de conviction qui transparaissent dans chaque intervention. Son argumentation s'appuie sur des témoignages directs et des observations personnelles, fruit de trois décennies passées en différentes régions des Amériques. Cette expérience de terrain confère à son plaidoyer une authenticité et une force émotionnelle difficilement contestables.

Sa stratégie rhétorique vise délibérément à susciter l'empathie, utilisant des descriptions vivantes et parfois crues des souffrances endurées par les Indiens pour toucher les cœurs autant que les esprits.

Une double argumentation : foi et raison

Las Casas déploie une argumentation double, à la fois théologique et philosophique. Il puise dans les textes sacrés pour démontrer que tous les hommes sont égaux aux yeux de Dieu, créés à son image, et que le message évangélique de paix et d'amour est incompatible avec les violences perpétrées contre les indigènes.

Parallèlement, il mobilise la pensée aristotélicienne pour prouver que les Indiens possèdent toutes les caractéristiques d'êtres pleinement humains et rationnels. Sa connaissance approfondie des cultures amérindiennes, qu’il a pris le temps d’observer et de comprendre, lui permet de réfuter les préjugés et les stéréotypes véhiculés par ses adversaires.

Un homme entier, parfois emporté

Le personnage créé par Carrière est toutefois loin d’être idéalisé. Son caractère sanguin, difficile à maîtriser, le conduit parfois à des emportements qui nuisent à la réception de son message. Cette impétuosité contraste avec le calme calculé de son adversaire et révèle une dimension profondément humaine du personnage, habité par un sentiment d’urgence face aux injustices dont il a été témoin.

Ses accès de colère traduisent l’indignation authentique d’un homme confronté à la souffrance d’autrui et à l’indifférence des puissants.

Juan Ginès de Sepúlveda : l'intellectuel méthodique et implacable

Antagoniste principal de Las Casas, Juan Ginès de Sepúlveda représente l'intellectuel froidement rationnel et le défenseur d’un ordre social hiérarchisé. Contrairement à ce qu’indique la requête initiale, Sepúlveda n’était pas jésuite mais théologien, humaniste et chroniqueur officiel de Charles Quint. Dans l’œuvre de Carrière, il incarne l’autorité intellectuelle et la rigueur académique, maniant avec brio la rhétorique classique et les références érudites pour légitimer la conquête et la domination des peuples indigènes.

Une rhétorique fondée sur l'ordre naturel

Sepúlveda développe une argumentation méthodique qui s’appuie principalement sur une interprétation d’Aristote justifiant l’existence d’une hiérarchie naturelle entre les êtres humains. Selon cette vision, certains hommes seraient naturellement destinés à commander, et d’autres à obéir. Cette conception lui permet de présenter la colonisation comme un acte civilisateur et bénéfique pour les populations jugées inférieures.

Sa stratégie argumentative repose également sur une utilisation sélective des textes bibliques et une condamnation sévère des pratiques culturelles et religieuses des Indiens, notamment les sacrifices humains et l’anthropophagie, qu’il présente comme des preuves irréfutables de leur barbarie et de leur inhumanité.

Une rigueur logique à toute épreuve

Carrière dépeint Sepúlveda comme un homme d’une maîtrise de soi impressionnante, capable de rester imperturbable face aux accès d’emportement de son adversaire. Cette sérénité apparente traduit une confiance inébranlable dans ses convictions et dans sa supériorité intellectuelle.

Sa rhétorique, implacable et méticuleusement construite, procède par syllogismes et déductions logiques qui semblent inattaquables. À la différence de Las Casas qui s’appuie sur des témoignages directs, Sepúlveda fonde son discours sur des principes abstraits et des textes d’autorité, n’ayant jamais personnellement mis les pieds en Amérique.

Une défense juridique de la conquête

Dans le De Orbe Novo, qu’il a commencé à écrire six ans après la controverse de Valladolid, Sepúlveda s’attache à démontrer que l’action de Cortés au Mexique était pleinement conforme au droit des gens et aux instructions reçues de la Couronne espagnole.

Cette défense juridique de la conquête illustre sa conviction profonde que la colonisation s’inscrivait dans un cadre légal et légitime, contrairement aux accusations formulées par Las Casas.

Le Cardinal Président : arbitre impartial ou juge partial ?

Figure d’autorité chargée de trancher le débat, le cardinal qui préside la controverse est représenté par Carrière comme un homme conscient de ses responsabilités et de l’importance historique de la décision qui lui incombe. Prudent et circonspect, il franchit les étapes du débat avec une attention méticuleuse aux arguments présentés par les deux parties.

Son rôle est particulièrement délicat puisqu’il doit concilier des considérations théologiques, juridiques, politiques et économiques qui s’entremêlent inextricablement dans cette question.

Un équilibre fragile entre dogme et intérêts

Le personnage du cardinal, inspiré de la figure historique du théologien Domingo de Soto, incarne la position ambiguë de l’Église face à la colonisation. D’un côté, il est dépositaire des valeurs chrétiennes d’amour du prochain et de respect de la dignité humaine ; de l’autre, il est conscient des intérêts matériels et géopolitiques de l’Espagne dans le Nouveau Monde.

Cette tension permanente se reflète dans son attitude durant les débats, oscillant entre une apparente neutralité et des moments où sa partialité semble pointer sous le vernis de l’impartialité.

Un homme tiraillé par le doute

Carrière dépeint un homme qui, malgré son statut et son autorité, se trouve lui aussi en proie au doute face à cette question fondamentale sur la nature humaine des Indiens. Sa perplexité traduit les contradictions d’une époque en pleine mutation, où la découverte de nouveaux mondes et de nouvelles cultures ébranlait les certitudes européennes.

Le cardinal représente ainsi cette Europe intellectuelle confrontée à l’altérité radicale et contrainte de repenser ses cadres conceptuels traditionnels.

Le Légat du Pape : observateur silencieux mais influent

Personnage plus effacé mais néanmoins significatif, le légat du pape incarne la présence et l’autorité de Rome dans ce débat crucial. Sa discrétion apparente masque une observation attentive et une influence potentiellement décisive sur l’issue de la controverse.

À travers ce personnage, Carrière suggère les enjeux géopolitiques plus larges qui se jouent dans cette discussion théologique, notamment les relations complexes entre la couronne d’Espagne et la papauté concernant le partage et l’évangélisation du Nouveau Monde.

Le légat, par ses interventions mesurées mais stratégiques, représente la diplomatie vaticane soucieuse de maintenir son autorité morale tout en préservant ses intérêts dans l’entreprise coloniale. Sa présence rappelle que la conquête des Amériques s’est faite sous la bénédiction de l’Église, consacrée par les bulles pontificales accordant aux puissances ibériques le droit et le devoir d’évangéliser.

Don Hernando Colón : le témoin ambivalent

Fils de Christophe Colomb, Don Hernando (ou Fernando) Colón apporte dans l’œuvre de Carrière une perspective unique, celle d’un homme à l’intersection de plusieurs mondes. Érudit et cosmographe, il incarne l’idéal humaniste de la Renaissance tout en étant lié à l’entreprise coloniale par son père.

Sa présence lors de la controverse souligne la dimension historique et transgénérationnelle du débat sur la légitimité de la conquête. Carrière dépeint un personnage tiraillé entre la défense de l’héritage paternel et une conscience troublée par les conséquences de la découverte du Nouveau Monde.

Cette ambivalence se traduit par une attitude souvent réservée, ponctuée d’interventions apportant un éclairage factuel sur les réalités américaines. Don Hernando représente cette génération d’Espagnols qui, sans avoir directement participé aux premières violences, doit composer avec un héritage moral complexe.

Les Indiens Anonymes : objets du débat et sujets silencieux

Dans la mise en scène de Carrière, des Indiens sont présents physiquement lors de la controverse, mais paradoxalement privés de parole. Ces personnages, réduits à être les objets du débat plutôt que ses participants, incarnent l’ironie fondamentale de cette discussion : on parle d’eux, de leur humanité, sans jamais leur donner la parole.

Ces figures silencieuses servent plusieurs fonctions essentielles. D’abord, Las Casas les utilise comme "pièces à conviction" vivantes pour démontrer leur humanité. Ensuite, leur présence muette mais digne oppose un démenti silencieux aux descriptions déshumanisantes de Sepúlveda.

Enfin, ils incarnent la condition même des peuples colonisés, objets de décisions prises sans leur consentement. Carrière utilise ces personnages comme un puissant dispositif dramatique pour éveiller la conscience critique du lecteur ou du spectateur.

L'Évêque de Chiapas : témoin oculaire des réalités coloniales

Personnage secondaire mais significatif, l’évêque de Chiapas apporte dans le débat l’autorité d’un témoin direct des réalités coloniales en Amérique. Son témoignage vient corroborer les descriptions de Las Casas sur les souffrances infligées aux indigènes et les excès des conquistadors.

À travers lui, Carrière introduit la voix d’un représentant de l’Église confronté sur le terrain à la contradiction entre l’idéal évangélique et les pratiques coloniales.

L’évêque incarne la minorité du clergé espagnol qui, comme Las Casas, prend conscience de sa responsabilité morale et tente d’agir. Son autorité ecclésiastique donne un poids particulier à ses paroles, difficiles à balayer comme de simples excès ou élans émotionnels.

Une galerie de portraits au service d'un débat universel

À travers cette galerie de personnages finement ciselés, Jean-Claude Carrière parvient à donner chair et vie à un débat historique dont les enjeux résonnent encore fortement dans notre monde contemporain. Chaque protagoniste de "La Controverse de Valladolid" incarne une facette de cette question fondamentale : qu’est-ce qui définit l’humanité et quels droits en découlent ?

La richesse et la complexité psychologique des personnages permettent d’éviter tout manichéisme simpliste, même si les sympathies de l’auteur penchent visiblement du côté de Las Casas.

Un miroir critique tendu à notre époque

Cette controverse historique, revisitée par Carrière dans le contexte des commémorations du cinquième centenaire de la découverte de l’Amérique, sert de miroir critique aux attitudes européennes contemporaines envers les peuples autochtones et les cultures non-occidentales en général.

L’œuvre nous invite ainsi à réfléchir sur les mécanismes intellectuels et rhétoriques qui ont pu justifier, hier comme aujourd’hui, diverses formes de domination et d’exploitation d’autrui.

Un appel à interroger notre propre humanité

La force de cette œuvre réside précisément dans sa capacité à dépasser le simple récit historique pour explorer des questions universelles sur la dignité humaine, l’altérité et la responsabilité morale face à la souffrance d’autrui.

À travers ces personnages issus du XVIe siècle, c’est finalement notre propre humanité contemporaine que Carrière nous invite à interroger.

Une analyse littéraire approfondie de La Controverse de Valladolid

Cette œuvre littéraire met en scène l’affrontement intellectuel entre Bartolomé de Las Casas et Juan Ginés de Sepúlveda, deux penseurs majeurs dont les positions continuent d’éclairer nos débats actuels. Leurs arguments, bien que formulés au XVIe siècle, résonnent aujourd’hui avec des préoccupations brûlantes : le respect de la diversité culturelle et la dignité humaine.

En analysant ce face-à-face d’une rare intensité, cette étude permet d’approfondir la compréhension d’un texte à la fois philosophique, politique et éthique. Loin d’être un simple dialogue historique, La Controverse de Valladolid constitue un outil pédagogique précieux pour explorer des thématiques contemporaines à travers une œuvre fréquemment étudiée dans les programmes scolaires et universitaires.

La controverse de Valladolid et son contexte historique

Un récit inspiré d’un événement historique majeur : la Controverse de Valladolid

La Controverse de Valladolid s'inspire d'un fait réel qui s’est déroulé entre 1550 et 1551 dans le monastère de San Gregorio à Valladolid, en Espagne. L’auteur, Jean-Claude Carrière, y reconstitue avec finesse un débat décisif entre les autorités religieuses et politiques espagnoles sur la question suivante :

Les Indiens du Nouveau Monde ont-ils une âme ? Sont-ils pleinement humains ?

Cette interrogation fondamentale révèle l’enjeu colossal de ce débat : justifier ou non la conquête et l’exploitation des peuples autochtones par les colons européens. Carrière met en scène une joute intellectuelle intense entre deux figures emblématiques : Bartolomé de Las Casas, dominicain et fervent défenseur des droits des indigènes, et Juan Ginés de Sepúlveda, humaniste convaincu du bien-fondé de la colonisation.

Le tout se déroule sous l’autorité du légat du pape, chargé de rendre une décision lourde de conséquences. Ce moment charnière de l’histoire occidentale est brillamment revisité à travers un texte à la fois documenté, vivant et engagé.

Entre mémoire historique et questionnements contemporains

Publiée en 1992, l’œuvre s’inscrit dans les commémorations du 500e anniversaire de la découverte de l’Amérique. Mais Carrière ne se contente pas d’une simple reconstitution. Il transforme cette affaire en une réflexion profonde sur l’altérité et les mécanismes de domination culturelle.

À travers le prisme de ce débat du XVIe siècle, l’auteur interroge notre propre époque. Il dénonce une certaine mentalité eurocentrée qui subsiste dans nos façons de percevoir les autres cultures. Ce choix d’inscrire l’histoire dans une démarche critique et littéraire donne au récit une portée universelle et intemporelle.

Une plume engagée au service d’un théâtre de la pensée

Jean-Claude Carrière, scénariste de renom, dramaturge et écrivain à la plume agile, réussit à faire dialoguer rigueur historique et souffle littéraire. Son approche multidisciplinaire lui permet de donner du relief aux discours philosophiques, théologiques et anthropologiques échangés au cours de la controverse.

Ce n’est pas un simple procès historique que le lecteur découvre, mais une véritable scène de théâtre intellectuel, où chaque argument fait écho à des débats encore brûlants aujourd’hui. Le texte nous rappelle que derrière chaque mot, chaque choix, se cache une vision du monde... et de l’humanité.

Les protagonistes dans cette œuvre de Jean-Claude Carrière: portraits croisés et jeux de pouvoir

Bartolomé de Las Casas : un ardent défenseur des peuples autochtones

Bartolomé de Las Casas est sans conteste la figure morale de La Controverse de Valladolid. Ancien colon devenu dominicain, il prend fait et cause pour les Indiens d’Amérique après avoir été témoin des atrocités perpétrées lors de la conquête. Carrière nous présente un homme animé par une conviction inébranlable, prêt à affronter les plus grandes autorités pour faire entendre la voix de la justice.

Dans un moment particulièrement bouleversant du récit, il s’écrie :

"J'ai vu de mes yeux les Espagnols lâcher leurs chiens sur les Indiens pour les voir déchiquetés vivants ! J'ai vu brûler des familles entières dans leurs maisons ! Des enfants rôtis à la broche ! Des bébés arrachés du ventre de leur mère !"

Ces mots crus, terribles, témoignent de l’intensité de son combat. Ils nous rappellent que pour Las Casas, il ne s’agit pas seulement d’un débat théologique : il s’agit de vies humaines, d’une humanité niée qu’il veut rétablir dans toute sa dignité.

Juan Ginés de Sepúlveda : la voix de la raison impériale

En opposition se tient Juan Ginés de Sepúlveda, humaniste érudit qui incarne la pensée dominante de son temps. Inspiré par Aristote, il défend l’idée selon laquelle certains peuples sont naturellement destinés à être dominés. Carrière en fait un personnage complexe, loin du simple antagoniste, dont les idées traduisent les limites d’un modèle intellectuel hiérarchisé.

Pour Sepúlveda, les Indiens doivent être civilisés pour leur salut. Il avance, avec une logique rigoureuse :

Leurs sacrifices humains, leur nudité, leurs pratiques sexuelles prouvent leur nature inférieure.

Sa rhétorique est redoutable. Il ne plaide pas par cruauté, mais par croyance sincère en un ordre du monde où l’Europe aurait un devoir moral d’éduquer par la force. Cette posture rend son personnage troublant, car il n’est ni cynique ni cruel, seulement profondément convaincu d’avoir raison.

Le légat du pape : un arbitre entre conscience et politique

Dans cette confrontation intense, le légat pontifical joue le rôle de juge. Envoyé du pape, il incarne à la fois l’autorité ecclésiastique et les intérêts diplomatiques de l’Espagne. Pris entre deux visions du monde, il tente de garder son impartialité face à une décision qui pourrait bouleverser le sort de milliers de vies.

Dès son entrée dans le récit, Carrière signale son hésitation :

"Le cardinal franchit avec prudence le seuil de la salle où se tiendra la controverse."

Cette prudence en dit long. Le légat est un homme lucide et réfléchi, mais parfois submergé par la complexité morale du débat. Il doit arbitrer entre morale chrétienne et raison d’État, entre la foi et les enjeux coloniaux.

Les thématiques fondamentales de La Controverse de Valladolid

La question de l’humanité : qu’est-ce qui fait de nous des êtres humains ?

Au cœur de La Controverse de Valladolid, une interrogation essentielle : qu’est-ce qui définit un être humain ? Est-ce la raison, la foi, ou une culture conforme aux normes européennes ? Ce questionnement profond structure toute l’œuvre et lui donne une portée universelle.

Jean-Claude Carrière introduit une scène saisissante où un Indien est présenté devant l’assemblée afin de prouver son humanité. Cette scène, probablement fictive, cristallise la violence symbolique de la déshumanisation. L’homme est scruté, testé, traité comme un spécimen : une scène glaçante qui rappelle les pires dérives de l’histoire moderne.

L’humanité n’est pas un état biologique, mais un regard posé sur l’autre.

Une critique lucide de l’ethnocentrisme européen

Dans son œuvre, Carrière démonte avec finesse l’ethnocentrisme occidental qui considérait les civilisations amérindiennes comme inférieures, parce qu’elles ne reflétaient pas les normes européennes. Il souligne, par la voix de Las Casas, que des pratiques qualifiées de barbares s’expliquent souvent par des systèmes de croyances différents, ni plus ni moins légitimes.

L’auteur met également en évidence les mécanismes de justification du colonialisme : l’évangélisation utilisée comme alibi moral, la "mission civilisatrice" servant à masquer des visées économiques. Ces idées résonnent avec les analyses post-coloniales actuelles et montrent à quel point l’œuvre reste pertinente aujourd’hui.

La puissance de la parole : un duel de rhétorique captivant

Plus qu’un simple débat, la controverse est un véritable théâtre d’idées. Carrière excelle à restituer la force du langage : les discours de Las Casas et Sepúlveda se répondent comme dans une joute, avec des figures de style issues de la grande tradition rhétorique.

Le récit montre comment une idée, bien exprimée, peut changer le cours de l’histoire. Derrière chaque mot, il y a un combat. Carrière semble nous rappeler :

Les mots sont des armes.

Et dans ce combat verbal, le destin de peuples entiers se joue. C’est aussi un clin d’œil au travail de l’écrivain : celui qui façonne le monde à travers les récits qu’il choisit de raconter.

Structure et style : une construction narrative brillante

Une architecture dramatique inspirée du théâtre classique

La Controverse de Valladolid se distingue par une structure dramatique rigoureuse, directement influencée par les règles du théâtre. L’action se déroule essentiellement dans un lieu unique – le monastère de San Gregorio – sur une durée réduite, avec un nombre restreint de personnages. Carrière respecte presque à la lettre les trois unités classiques : lieu, temps, action.

Le récit est construit autour de plusieurs journées de débats, qui rythment l’intrigue. L’auteur alterne entre les échanges intenses entre Las Casas et Sepúlveda et des moments plus calmes de réflexion ou de préparation. Cette organisation narrative entretient le suspense tout en approfondissant progressivement les idées de chaque camp.

Un style limpide pour une pensée complexe

Jean-Claude Carrière adopte un style simple et clair, qui facilite la compréhension d’un sujet pourtant dense. Il parvient à rendre accessibles des débats philosophiques et théologiques d’une grande complexité, sans jamais les simplifier à outrance. C’est un vrai tour de force littéraire.

Les dialogues, soigneusement construits, conservent la puissance rhétorique des échanges tout en restant compréhensibles pour un lecteur moderne. Carrière réussit à faire parler ses personnages du XVIe siècle dans une langue crédible et fluide, évitant les anachronismes tout en rendant l’œuvre vivante.

Une œuvre exigeante, mais jamais inaccessible.

Une œuvre à plusieurs niveaux de lecture

Ce qui fait la richesse de La Controverse de Valladolid, c’est aussi sa polyphonie de sens. Pour un lycéen ou un étudiant, c’est une porte d’entrée passionnante vers une période historique méconnue. Pour un lecteur plus averti, c’est un outil de réflexion sur les mécanismes de domination, les fondements de la morale chrétienne, ou encore les racines du droit international.

Cette dimension multi-niveaux en fait un texte très utilisé dans les milieux académiques, où il est souvent étudié en lien avec les études post-coloniales, les sciences politiques ou encore l’éthique interculturelle. La controverse devient alors un miroir dans lequel se réfléchissent nos propres tensions modernes autour de l’altérité.

Pouurquoi lire La Controverse de Valladolid de Jean-Claude Carrière en 2025 ?

Un miroir tendu à notre époque contemporaine

Si La Controverse de Valladolid continue de susciter autant d’intérêt, c’est parce qu’elle touche à des questions profondément actuelles : la reconnaissance de l’humanité de l’Autre, le respect des cultures différentes, et la légitimité de l’ingérence. Autant de sujets qui résonnent avec nos débats contemporains sur l’identité, les droits humains et le vivre-ensemble.

Comme le souligne l’un des chercheurs cités dans les sources :

Carrière utilise cette controverse historique pour "critiquer une attitude de supériorité et d’eurocentrisme vers les indigènes, qui, selon lui, demeure vivace aujourd’hui".

Ce regard critique pousse le lecteur à examiner ses propres représentations du monde et à interroger les formes modernes d’ethnocentrisme. En ce sens, l’œuvre agit comme un véritable miroir de notre époque.

Une œuvre adaptée pour le grand public

Le succès de La Controverse de Valladolid ne s’est pas limité au livre. Il a donné lieu à plusieurs adaptations, dont la plus célèbre reste le téléfilm réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe en 1992. Jean-Pierre Marielle y incarne un Las Casas bouleversant, tandis que Jean-Louis Trintignant prête sa voix grave et mesurée à Sepúlveda.

Grâce à ces versions télévisées et scéniques, l’œuvre de Carrière a touché un public plus large, au-delà des cercles académiques. Cela prouve aussi l’efficacité dramatique de sa construction : dialogues percutants, tension narrative, enjeux philosophiques clairs.

Une réflexion puissante sur les droits humains

Derrière la controverse historique se cache une question essentielle : les droits humains sont-ils universels ? À travers le combat de Las Casas, l’œuvre propose l’une des premières affirmations d’une vision universaliste de la dignité humaine. Reconnaître l’humanité des Indiens, c’est poser les bases d’une éthique commune.

Cette dimension donne à l’œuvre une portée bien plus vaste que son cadre historique. Elle nous pousse à réfléchir sur les fondements des droits fondamentaux, et sur les obstacles à leur application dans un monde encore marqué par les inégalités culturelles et les rapports de pouvoir.

Une œuvre essentielle pour comprendre notre rapport à l'altérité

Une œuvre essentielle sur l’altérité et les droits humains

La Controverse de Valladolid de Jean-Claude Carrière est bien plus qu’un texte dramatique : c’est une œuvre incontournable pour celles et ceux qui s’intéressent à l’altérité, aux droits humains et à l’éthique du dialogue interculturel. En revisitant ce moment clé de l’histoire occidentale où l’on s’est demandé explicitement si les peuples autochtones du Nouveau Monde étaient pleinement humains, Carrière tend un miroir à notre propre époque.

L’auteur nous invite ainsi à réfléchir aux fondements de notre humanité partagée et à la manière dont celle-ci est reconnue – ou niée – dans des contextes de domination. Une démarche précieuse à l’heure où nos sociétés sont traversées par des débats brûlants sur l’inclusion, la mémoire et la justice historique.

Un texte riche pour l’étude et la réflexion

Ce qui rend La Controverse de Valladolid si féconde, c’est la densité des personnages, la profondeur des arguments philosophiques échangés, et la qualité d’une écriture à la fois sobre et percutante. L’œuvre est souvent étudiée en milieu scolaire ou universitaire, tant elle éclaire avec clarté des enjeux complexes.

Carrière ne livre pas un simple récit historique : il propose une véritable interrogation sur l’humanité. Chaque scène, chaque échange, pousse le lecteur à se repositionner sur ce qu’il croit savoir du monde, de la morale, et de la justice.

Un héritage toujours vivant à l’heure des débats contemporains

Alors que notre société s’interroge sur la reconnaissance culturelle, les réparations des injustices historiques, et les conditions d’un dialogue interculturel sincère, l’œuvre de Carrière résonne comme une mise en perspective salutaire. Elle rappelle que ces questions ne sont pas nouvelles, mais qu’elles ont une histoire longue et complexe.

Une lecture essentielle pour comprendre comment le passé continue d’éclairer nos dilemmes présents.

Pour tout lecteur soucieux de comprendre les enjeux éthiques de la rencontre avec l’Autre – que ce soit hier ou aujourd’hui –, cette œuvre est un passage incontournable.

La Controverse de Valladolid est un roman dramatique paru en 1992, publié par Jean-Claude Carrière, un auteur français. L’ouvrage parle de faits réels historiques : la situation des Indiens d’Amérique en 1550. La controverse en question est un débat qui a lieu dans un monastère de Valladolid en Espagne durant trois jours. Sur l’initiative du roi Charles Quint, la controverse est présidée par le cardinal Salvatore Roncieri. Elle fait suite au massacre des Indiens par les Espagnols à l’époque et met deux camps face à face. La question est de savoir si les Indiens d’Amérique possèdent une âme ou s’ils sont une espèce inférieure à la race humaine.

Résumé chapitre par chapitre

Voici le résumé détaillé du livre :

Chapitres 1 à 4

Les Espagnols découvrent les Indes en 1492. Ils décrètent que les habitants ont pour vocation l’obéissance. Le massacre et l’asservissement du peuple indien ont eu lieu. Mais suite au massacre, un problème surgit vers 1550 : la diminution de la population indigène engendre une diminution de la main-d’œuvre. Le roi Charles Quint commence alors à douter du traitement réservé aux Indiens. À sa demande, un débat est organisé à Valladolid, en Espagne. Ce débat vise à démêler les problèmes qui sont engendrés par la conquête espagnole : c’est ce débat qu’on qualifie de controverse. Charles Quint veut qu’on détermine clairement l’identité des Indiens pour juger du bien-fondé de leur esclavage : sont-ils des fils de Dieu ou au contraire des créations diaboliques ? La même année, le théologien Ginès de Sépulvéda vient de publier à Rome un livre qui prône l’infériorité patente des Indiens. Il veut diffuser son ouvrage en Espagne, mais le clergé s’y oppose. Le roi Charles Quint profite de ce prétexte pour organiser une controverse entre Sépulvéda et le dominicain Bartolomé de Las Casas qui est un fervent défenseur de la cause indienne. Humaniste, ce dernier a toujours lutté contre l’injustice et la tyrannie envers les Indiens d’Amérique. La controverse où deux émérites vont s’affronter se déroule dans la salle capitulaire du couvent des Dominicains à Valladolid. Chaque partie sait que, au-delà de la question de publication du livre en Espagne, le débat sera capital pour l’avenir du peuple indien. Ginès Sépulvéda, Bartolomé de Las Casas et une quarantaine de participants à la controverse saluent l’entrée du cardinal Salvatore Roncieri. Ce dernier étant le représentant du pape, la décision finale lui reviendra. Le supérieur du couvent, le comte Pittaluga est aussi présent en tant que représentant de Charles Quint. Le cardinal Salvatore Roncieri et le comte Pittaluga feront office de juges durant la controverse. Le cardinal Roncieri accorde en premier lieu la parole au dominicain Bartolomé de Las Casas. Ce dernier met en exergue la cruauté injustifiée des Espagnols vis-à-vis des Indiens. Avec véhémence, il parle de cupidité, de torture, d’exploitation de l’homme par l’homme, mutilations, et d’autres atrocités dont il a été témoin. Des comportements d’une violence extrême qu’il oppose à la bonté et au pacifisme des Amérindiens. Roncieri interrompt son réquisitoire et lui rappelle que le tribunal est ici rassemblé notamment pour statuer sur la nature des Indiens, mais non pas pour juger le fait de guerre.

Chapitres 5 à 9

Le lendemain, le cardinal Salvatore Roncieri donne la parole à Ginès Sépulvéda. De prime abord, ce dernier condamne son adversaire qu’il juge également coupable d’esclavagisme, étant en terre conquise. Las Casas prône une conquête pacifique. Sépulvéda défend sa position contre les Indiens d’Amérique et affirme que Dieu ne les reconnaît pas et que la guerre existe uniquement par la volonté de Dieu. Pour lui, la guerre est une lutte légitime. Il sort un argument de poids en invoquant le nom du Christ. Pour lui, c’est au nom du Christ que les Indiens sont condamnés. Il les qualifie de païens, d’anthropophages, de sodomites, d’immoraux et d’ignorants : ils méritent donc leur sort. Lorsque le théologien illustre ses propos en présentant « le serpent à plumes », une idole zoomorphe à l’auditoire, toute la salle ne peut réprimer son dégoût. Les deux antagonistes soutiennent des thèses opposées. Chaque argument sorti par l’un est réfuté par les arguments de l’autre. Leur débat, au centre duquel se trouvent les Indiens, permet une analyse très approfondie de nombreux thèmes phares. Tout ce qui tourne autour des Indiens est analysé : leurs religions, les dieux qu’ils adorent, les types de maisons où ils vivent, leurs potentialités artistiques. Grâce au débat entre les deux hommes, tout le monde est à même de découvrir les Indiens d’Amérique, et de se faire une idée sur ce peuple qui est encore peu connu. Au cours du débat, deux colons sont entrés clandestinement dans la salle. Ils sont découverts et témoignent en faveur de Sépulvéda. Sépulvéda et Las Casas ont des avis différents. Toutefois, tous les deux s’entendent sur un point : toutes les âmes doivent être sauvées. Pour tous les deux, le salut des âmes est primordial.

Chapitres 10 à 12

La controverse n’évolue pas. Le légat Roncieri prend alors l’initiative de faire entrer une famille indigène dans la pièce. Il s’agit d’une famille de trois personnes (le père, la mère, l’enfant) et d’un jongleur. Ils sont donc au nombre de quatre. Cette présentation est destinée à soumettre ces personnes à un examen physique et un examen moral approfondis. On les examine sous toutes les coutures. On les fait passer par différents tests. On les sent et on les touche, exactement comme on le ferait pour des animaux. Leur teint est en tout point semblable à celui des colons, mais leur moralité non. Ils méprisent le catholicisme : les adversaires de Las Casas voient là un terrain favorable à leurs thèses. Les Indiens sont des êtres humains, mais d’une race inférieure. La controverse continue. Pour éprouver la valeur morale des Indiens, on arrache l’enfant des bras de sa mère. Les parents se révoltent. Le débat est tumultueux : pour Las Casas, l’amour filial et maternel qu’ils se témoignent prouve leur humanité. On a aussi introduit des bouffons dans la pièce pour voir le degré d’humour des Indiens. Les pitreries des bouffons sont sans effets sur eux. Tout au long du réquisitoire, on a cherché à voir si les quatre indiens ressemblent véritablement à des êtres humains. La discussion est de plus en plus houleuse. Afin de calmer les deux parties, Roncieri tente de s’interposer. Il tombe de l’estrade, ce qui provoque immédiatement le rire de la famille indigène. Las Calas triomphe.

Chapitres 13 et 14

Mais la dernière confrontation va signer la fin de cette difficile polémique. Il appartient au cardinal Riceiri, légat du pape, de décider si oui ou non les Indiens d’Amérique sont des enfants de Dieu. C’est exclusivement pour ce but qu’il a été envoyé. Il va étudier les arguments respectifs de Las Casas et de Sépulvéda ainsi que l’intervention de la famille indigène au cours de la controverse en vue de se faire une idée de la manière dont ils vivent. Chacun reprend ses arguments. Pour avoir été en Inde, Las Casas a pu donner des exemples de ce qui s’y passait réellement. Il a pu donner des exemples concrets des horreurs commises sur les Indiens. Il a également démystifié différentes rumeurs que les gens colportaient sur les Indiens sans y avoir été une seule fois. En bon chrétien, Las Casas invoque la religion pour défendre l’honneur des Indiens. Sépulvéda, lui, n’avait aucun exemple concret à avancer. Il s’appuie donc sur sa force d’argumentation et de rhétorique pour réaffirmer la nécessité de la conversion par les armes. Il défend sa position avec un calme imperturbable, alors que Las Casas s’emporte de temps en temps, coupant parfois la parole à Sépulvéda pour donner des contre-exemples. Deux styles diamétralement différents se sont opposés durant la controverse. Sépulvéda a mené son argumentation d’une façon très posée et a démontré que les Indiens sont des sauvages, car ils font des sacrifices humains. D’autre part, si les Indiens cessent d’être esclaves, cela représenterait une perte de bénéfice pour l’économie espagnole. La séance est levée. Le verdict sera rendu le lendemain.

Chapitre 15

Le lendemain, le cardinal Riceiri, représentant du Pape et de toute l’Église, donne sa décision.Il déclare que les Indiens sont des fils de Dieu, qui possèdent une âme. Il est ainsi du même avis que Bartolomé de Las Casas et déclare que les Indiens seront dorénavant libres et devront être traités dignement. Leurs conditions doivent s’améliorer. Le légat du Pape est toutefois conscient que cette décision aura des répercussions importantes sur le plan économique : les Indiens d’Amérique représentaient une main-d’œuvre importante et peu coûteuse pour le peuple espagnol. Les Indiens ne doivent plus être réduits en esclavage. Pour pallier les pertes économiques, le légat du Pape demande que les colons utilisent des esclaves africains. Il considère que les Africains ont moins d’humanité que les Indiens. Cette alternative permettra aux colons de toujours avoir une main-d’œuvre à exploiter. Las Casas n’est pas de cet avis. Il veut intervenir encore une fois. Le cardinal coupe court à ses protestations. La controverse est close.

Les personnages

L’œuvre s’articule autour de deux rôles principaux : – Bartolomé de Las Casas : il s’agit d’un moine dominicain qui est un fervent défendeur de cette minorité. Tout au long de l’histoire, il plaide en faveur des Amérindiens avec lesquels il a vécu sur une certaine période. Il a de l’estime pour ce peuple qu’il met sur le même piédestal que les Européens. Las Casas se base sur une argumentation qui s’appuie sur les sentiments afin de faire appel à l’empathie des lecteurs. Il a tout de même un tempérament sanguin, difficile à contrôler. – Juan Ginès de Sepúlveda est le second personnage qui s’oppose à Las Casas. Il s’agit d’un jésuite et théologien qui dispose d’un fort caractère. Pour lui, il est impératif et obligatoire de coloniser les Indiens et les convertir au christianisme. Comme il manipule très bien la rhétorique, il ne lui est pas difficile de trouver des arguments de taille. Malgré les voix de son adversaire qui s’élèvent, celui-ci reste calme et organisé. À l’instar de la Bible, Juan Ginès de Sepúlveda condamne les nombreux crimes commis par les Indiens. Selon lui, ils sont inacceptables. C’est la raison pour laquelle les Indiens se doivent d’être canalisés et éduqués.

Analyse de l’œuvre

Plusieurs arguments sont mis en avant dans ce roman. Il faudra s’y référer pour analyser l’histoire en fond et en forme :

Bartolomé de Las Casas (contre l’esclavage)

– Les Espagnols et les Indiens ne sont pas en guerre. Les seconds se montrent amicaux, il n’est donc utile de les massacrer ainsi. – Les Indiens sont très intelligents et utilisent leurs mains pour créer des objets d’art inédits. – La violence et l’évangélisation ne vont pas de pair. Ces concepts sont littéralement opposés (selon la Bible). – Les Indiens ont les mêmes aspects moraux et physiques que les Espagnols. Ce sont des créatures de Dieu, donc dignes de respect (comme tout être humain). – Ils sont condamnés pour les sacrifices humains qu’ils proposent en offrande à leurs dieux. On les qualifie de barbares, alors que ces offrandes sont également présentes dans la Bible.

Juan Ginès de Sépulvéda (pour l’esclavage)

– Les Indiens sont des animaux, vu qu’ils offrent à leurs dieux des vies humaines (cela vient à prouver que même s’ils étaient des hommes, il serait nécessaire de les évangéliser). – Les Indiens sont nés esclaves, étant donné que Sépulvéda s’appuie sur les dires d’Aristote. Pour lui, ce sont des ignorants, des gens dénués d’esprit et d’âme. – Les Espagnols mènent une guerre juste et sainte contre les Indiens pour les christianiser. Ils agissent ainsi pour accomplir la volonté de Dieu. – L’évangélisation pacifiste qui a été réalisée dans certaines colonies n’a pas obtenu les effets escomptés. Elle ne passe pas et est remplacée par l’esclavage.

Stratégies d’argumentation

Dès le tout début de la controverse, Las Casas met en lumière l’émotion générée par les bestialités commises à l’égard des Indiens. Sépulvéda, quant à lui, n’a pas en sa possession des exemples qui peuvent compenser ces atrocités. En revanche, il est souple et rapide en rhétorique. Le premier a tendance à s’emporter, tandis que le second reste calme et trouve des contre-argumentations très structurées. Très souvent, Las Casas coupe la parole à son interlocuteur pour répliquer à ses arguments. Ce dernier tolère ses interruptions en faisant montre d’une grande indulgence tant qu’elles sont pertinentes. Le problème le plus répandu dans le Nouveau Monde est le manque d’informations à propos de tout ce qui s’y passe. Las Casas et ses assistants ont fait une descente sur place pour voir ce qui s’y déroule vraiment. En revanche, les autres peinent à distinguer la réalité des crimes espagnoles et les rumeurs répandues par la propagande des adversaires espagnols. Les participants sont également perdus face aux accusations de perversions sexuelles des Indiens. Las Casas ne font pas partie de ceux-là. Il plaide ouvertement que les Aztèques sont homophobes. À ce titre, les dénonciations d’actes sexuels dans les mines sont réfutables. De toute manière, les mines étaient trop étroites pour cela. Sépulvéda insiste sur le fait que les vies humaines offertes en sacrifice par les Indiens sont condamnées par la Bible.

L’humanité des Indiens est remise en question

La première interrogation se base sur le fait que les Indiens appartiennent-ils vraiment à l’espèce humaine ? La conclusion est flagrante. Les enfants des couples Européens/Indiens ne présentent pas plus de signes de malformations que les enfants de parents « européens ». Les différences et les apparences physiques ne sont pas considérées comme déterminantes. La teinte de la peau change très souvent pour la prendre en critère. La seule différence à relever réside dans la peau lisse des Indiens. L’idée de la présence d’esclaves-nés par nature parmi l’espèce humaine provient des thèses d’Aristote qui est difficile à contester selon Las Casas. Ce dernier démontre que les Indiens font preuve de ruse, d’intelligence et d’humanité pour être classifiés dans cette catégorie.

Dénouement

La fin du livre révèlera un dénouement complexe et surprenant. Le verdict final comporte très peu de suspense : le pape favorise l’adoucissement du sort des Indiens. Tous les personnages ne sont pas du même avis, mais ils acquiescent. Tous savent que Sépulvéda mène un combat d’honneur. C’est le passage du roman qui révèle le potentiel et l’intelligence de l’écrivain. Le verdict tend vers le sens des droits de l’homme tels qu’on les voit aujourd’hui. La conclusion mentionne que les Indiens ont bien une âme. Ils ne doivent donc pas être réduits en esclavage. Pour éviter que les colons ne soient pas perdants en ne profitant pas de cette main-d’œuvre bon marché, le légat du pape encourage le recours aux Africains. Ces derniers sont moins humains que les Indiens. Même si Las Casas ne rejoint pas ce point de vue, il ne continue pas le débat qui n’est pas à l’ordre du jour. L’auteur sait se faufiler entre le « oui » ou le « non » en étant impartial. Il ne prend pas une solution au dépend de l’autre et vice versa. Sa fin est très simpliste et très intéressante. Pour Las Casas et Sépulvéda, c’est un match nul. En survolant le roman, les quelques passages que vous verrez vous convaincront de lire jusqu’à la fin.

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