Réputé pour avoir écrit Le Livre de la Jungle, Rudyard Kipling, un auteur britannique, est également connu pour son recueil Histoires comme ça, un recueil de douze contes étiologiques qu’il a écrit pour sa fille, qu’il surnommait “sa Mieux-Aimée“. Partons à la découverte de Comment la Baleine acquit son gosier, le premier conte de ce recueil du XXème siècle.
Résumé détaillé de Histoires comme ça – “Comment la Baleine acquit son gosier” de Rudyard Kipling
Il était une fois une baleine qui mangeait tous les poissons de la mer jusqu’à ce qu’il ne resta plus qu’un seul petit poisson futé qui nageait toujours derrière son oreille droite pour se protéger. Celui-ci conseilla à la Baleine de manger des hommes, toutefois elle ne savait pas à quoi cela ressemblait. Le Poisson Futé lui indiqua la position exacte où elle pouvait trouver un marin naufragé. Il lui suggéra qu’elle devait engloutir cet homme d’infinie ressource et sagacité avec ses bretelles. La Baleine mangea le Marin naufragé, néanmoins, celui-ci était si bruyant qu’elle accepta de le ramener chez lui. Le Marin avait cependant fabriqué un treillage avec son couteau de poche et ses bretelles pour les coincer dans la gorge de la Baleine. Ainsi, elle ne pouvait plus manger les gros poissons et les hommes. Depuis ce jour-là, les baleines ne mangent plus que les petits poissons. Pour éviter la colère de la Baleine, le Poisson Futé s’est caché dans la vase sous les Portes de l’Équateur. Le Marin, quant à lui, est rentré chez lui avec sa culotte de toile bleue en débarquant sur les galets sans ses bretelles. Il se maria et vécut heureux très longtemps.
Présentation des personnages
La Baleine de ce conte se trouve être le plus grand prédateur marin. Du fait de son immense bouche, cet animal marin est capable d’engloutir aussi bien les petits que les gros animaux, y compris les êtres humains. Son appétit n’a pas de limites et elle finit par manger tous les poissons de la mer jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un petit poisson futé. Sous les conseils de ce dernier, elle va accepter de manger les hommes en s’attaquant à un marin naufragé qu’elle stocke dans un de ses placards secrets. Toutefois, ce dernier est un homme plein de ressources. Il chahute tellement qu’il lui donne des hoquets. Elle finit par capituler en acceptant de ramener le marin chez lui. Toutefois, lorsqu’elle le recrachera, elle se rendra compte que le marin a bloqué son œsophage pour l’obliger à ne manger que des petits poissons. Cet animal vorace symbolise la gourmandise. En mangeant sans se soucier des conséquences, elle se retrouve dans une mer déserte où elle ne peut plus manger aucun poisson. Ceci souligne l’importance de la modération et du respect de l’environnement.
Le Poisson Futé est le seul être vivant marin rescapé de l’attaque de la baleine. En se plaçant derrière son oreille droite, il s’assure d’être protégé afin de ne pas être dévoré par cette prédatrice. Ceci illustre très bien la célèbre phrase “soit proche de tes amis, et encore plus proche de tes ennemis“. En attribuant l’adjectif “Futé” à son personnage, Kipling souligne l’intelligence et la ruse à disposition de ce petit poisson qui va s’en servir à bon escient. Il propose à la Baleine de goûter à l’Homme, une idée qui plaît à la Baleine. Dans ses instructions, le petit poisson annonce implicitement un plan qui viendra à supprimer la toute-puissance de la baleine. Toutefois, au moment où la baleine se retrouve avec son œsophage bloqué, il décide de se cacher dans la vase. En effet, en tant que petit poisson, il reste une proie de choix pour la baleine. D’autant plus que celle-ci se trouve être en colère pour le stratagème qu’il a su mettre en place. En plus de représenter l’intelligence et la ruse, le petit poisson incarne la créativité et le courage. Ainsi, il montre que même face à des êtres plus puissants que nous, on peut toujours se servir de notre tête pour s’assurer la victoire.
Le Marin est un homme qui a fait naufrage en mer et qui se fait avalé par la Baleine avec son radeau, sa culotte en toile bleue, ses bretelles et son couteau de poche. Il est décrit comme un individu plein de ressources et de sagacité. Il est capable de trouver des solutions à toutes les difficultés. Même coincé dans la bouche de la Baleine, il trouve un moyen d’arriver à ses fins : rejoindre sa contrée. Il construit un petit carré de treillage avec ses bretelles pour bloquer l’œsophage de l’animal, l’empêchant ainsi de manger autre chose que des petits poissons. En plus d’incarner le courage et la détermination, ce personnage débrouillard et créatif symbolise, en quelque sorte, la suprématie de l’homme sur les autres êtres vivants, y compris les prédateurs les plus redoutables. Cette modification, exercée par le marin chez la baleine, peut également être interprétée par les modifications que l’homme réalise sur la nature et son environnement où il adapte son milieu à ses convenances.
Analyse de l’oeuvre
Schéma narratif
Situation initiale | Dans la mer, une baleine vient de dévorer tous les poissons. Seul un petit poisson futé à rester à survivre, se glissant derrière son oreille pour se protéger de ce prédateur. |
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Élément perturbateur | La Baleine confie au petit poisson futé qu’elle a faim. Ce dernier, pour éviter d’être mangé, lui conseille d’aller dévorer un marin. Il lui décrit un marin spécifique en lui donnant toutes les instructions nécessaires. |
Péripéties | La baleine se rend à l’endroit indiqué par le petit poisson futé. Elle dévore le marin naufragé. Celui-ci chahute à l’intérieur et donne le hoquet à la baleine. Cette dernière souhaite libérer le marin qui n’accepte qu’à condition qu’elle le ramène sur ses terres. |
Dénouement | Le marin sort en ayant créé un treillage avec son couteau et ses bretelles afin de bloquer l’œsophage de la Baleine. |
Situation Finale | Le marin retrouve la terre ferme, il se marie et vit heureux pendant très longtemps. Tout comme la baleine. Seul le petit poisson de lune est contraint de se cacher dans la vase pour échapper à la colère de la baleine. D’autant plus que la baleine ne peut plus manger les gros poissons. |
Un conte d’aventure
Dans cette nouvelle, Kipling nous propose un conte qui pourrait presque ressembler à un récit d’aventures. Après avoir mangé presque tous les poissons de la mer, la Baleine, conseillée par le poisson futé, décide de partir à la recherche du Marin naufragé pour satisfaire sa faim. Elle quitte sa zone pour s’aventurer dans un lieu inconnu afin de pouvoir dévorer cet être si “bon, mais un peu dur sous la dent.“. Toutefois, les péripéties se succèdent trop vite pour réellement être caractérisées de récit d’aventures. Nous sommes donc plutôt dans un conte d’aventure. En effet, Kipling utilise de nombreuses formules caractéristiques de ce genre littéraire. L’histoire commence par le fameux : “Il était une fois“. La formulation de dénouement est également illustrée par : “il se maria et vécut heureux très longtemps“. La fin se termine bien pour les trois personnages même si la Baleine est obligée de ne manger que des petits poissons et que le poisson futé est contraint de se cacher dans la vase pour échapper à la colère de la Baleine.
Quand l’ingéniosité triomphe de la force physique
Dans le conte Comment la Baleine acquit son gosier, Kiplin fait intervenir deux personnages (le petit poisson et le marin) qui usent de ruses pour se défendre et se protéger de la baleine qui, jusque-là, est le plus gros prédateur marin. Nous avons à faire à un duel où le petit poisson est qualifié de “futé” et le marin d'”homme d’infinie-ressource-et-sagacité“. Le petit poisson dupe la baleine pour qu’elle puisse manger le marin, en lui donnant des instructions précises de ce qu’elle doit avaler : “tu trouveras, assis sur un radeau au milieu de la mer, vêtu seulement d’une culotte en toile bleue et d’une paire de bretelles (n’oublie pas les bretelles, ma Mieux-Aimée)“. En insistant sur ces “bretelles“, on comprend que le petit poisson a un plan en tête. De même, le marin use de son intelligence pour venir à bout de la baleine. En chahutant à l’intérieur de la baleine, celle-ci est obligée de le recracher. Néanmoins, le Marin se sert de la baleine pour rentrer chez lui, tout en utilisant son couteau pour tailler un petit carré de treillage afin de réduire l’œsophage de la baleine. Grâce à cette ingéniosité, il donne l’opportunité aux gros poissons de repeupler les mers et protège ses semblables contre toute attaque éventuelle de ce prédateur marin. Ainsi, la suprématie de la baleine rend ses armes à l’inventivité de l’être humain.
D’autre part, l’intelligence du petit poisson et du marin souligne la bêtise et la stupidité de la baleine. Même si cette dernière est physiquement imposante, elle n’est pas capable de déceler leur duperie. Sachant que le combat contre la baleine est perdu d’avance, ils utilisent leur tête pour trouver une solution à la situation difficile à laquelle ils doivent faire face.
Il est important de noter que le petit poisson, comme le marin, n’ont aucune envie de se mesurer à la baleine qui incarne la force brute. S’ils se mettent à essayer d’élaborer des plans ingénieux, c’est avant tout une question de survie. En effet, le petit poisson futé envoie la baleine vers le marin pour survivre et rester en vie. Le marin chahute dans la baleine qui décide de le recracher. En négociant avec elle, il obtient la possibilité d’être ramené chez lui. En guise de remerciement, le marin lui coince un treillage dans la gorge. Contre toute attente, cette action est bénéfique pour tout le monde, sauf pour le petit poisson qui reste toujours une proie pour la Baleine. En effet, l’homme protège ses semblables du plus gros prédateur marin, mais permet également aux autres gros poissons de se développer dans la mer sans être mangés. Grâce à cela, le marin trouve une solution pertinente pour protéger l’écosystème marin qui est l’une des sources alimentaires de l’homme.
Des questionnements philosophiques
Ce conte de Kipling soulève la question de savoir si l’homme est destiné à être mangé par les animaux, ou s’il est capable de résister à la nature sauvage. La résistance du Marin, qui parvient à survivre et à retourner chez lui, suggère que l’homme n’est pas simplement une proie impuissante, mais qu’il a la capacité de s’adapter et de survivre même dans des situations extrêmes. En un sens, l’homme doit remercier Prométhée de lui avoir donné le feu et la connaissance. En effet, l’être humain est la seule espèce animale qui ne dispose que de très peu d’attribut nécessaires à sa propre survie. Le couteau et les bretelles, en tant que création humaine, renvoie au fait que l’être humain dispose d’outils qu’il a fabriqués pour réussir à adapter son milieu selon ses convenances.
D’autre part, Comment la Baleine acquit son gosier traite de la responsabilité individuelle. En effet, en souhaitant apaiser sa faim, la Baleine dévore tous les poissons. Cela pose un énorme problème dans l’écosystème mais la Baleine n’en a que faire. La seule chose qui importe cette créature est de manger comme elle le fait savoir au petit poisson futé : “Alors la Baleine se dressa sur sa queue et dit : — J’ai faim.“. Elle ne se soucie que d’elle-même sans prendre conscience de la portée de ses actes. Cette baleine qui chasse tous les poissons de la mer peut être interprétée par les activités de pêche excessive qui ont pour effet de bouleverser l’écosystème.
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