L’Héritage d’Esther est un roman que Sándor Márai a publié en 1939. Dans cette histoire, l’auteur hongrois manie l’art de révéler au grand jour les sentiments que l’on cherche à dissimuler au plus profond de notre être. À travers, ce fin connaisseur de l’âme humaine, explorons ensemble cette fiction psychologique du XXème siècle.
Résumé détaillé chapitre par chapitre de L’Héritage d’Esther de Sándor Márai
Chapitre 1
Esther est une femme âgée de quarante-cinq ans passés qui nous raconte qu’elle veut nous dévoiler tout ce qui s’est passé avec un certain Lajos. Elle souhaite nous expliquer toute la souffrance qu’elle a eue en sa compagnie. Elle se demande si elle a peur de la mort, mais se dit que cette dernière sera plus paisible que la vie de souffrance qu’elle a eue. De plus, cette appréhension de la mort a été guérie lorsqu’elle a vu Lajos pour la dernière fois. Le seul homme qu’elle ait jamais aimé.
Chapitre 2
La femme précise le moment où elle a revu Lajos pour la dernière fois. À cet instant, ça faisait vingt ans qu’elle ne l’avait pas revu. La vie avait suivi son cours et elle se sentait armée. Néanmoins, le télégramme de Lajos précisant qu’il arriverait pour dimanche l’extirpe de sa morne existence.
Elle rejoint Nounou au jardin et elle lui apprend la nouvelle. Le télégramme précise qu’ils arrivent en voiture, qu’ils seront cinq et qu’ils arrivent le matin pour repartir le soir. Les deux femmes pensent qu’il vient avec ses deux enfants et elles se demandent donc qui sont les deux autres. Elles discutent de Lajos, de ses enfants et de Vilma, la sœur défunte de la femme. Nounou précise qu’elle va mettre l’argenterie sous clé et demande à la femme de ne pas rester seule trop longtemps avec Lajos. Elle lui propose d’inviter Laci, oncle Endre, Tibor pour l’occasion tout en sachant que Lajos doit de l’argent à l’oncle Endre. La femme s’étonne de défendre Lajos en expliquant à Nounou que “tout le monde a oublié ses dettes”.
Chapitre 3
Esther se rappelle très bien lorsqu’elle a reçu ce télégramme. C’était un samedi vers midi. Elle nous explique que Lajos n’avait pas été si odieux avec elle. Il lui disait qu’il l’aimait toutefois, il lui a fait mal au cœur en épousant sa sœur, Vilma. Parce qu’elle était plus belle ? Parce qu’elle le désirait ? Esther n’a jamais connu les raisons qui ont fait que Lajos a préféré épouser sa sœur. La nuit qui a précédé l’arrivée de Lajos, Esther a eu du mal à dormir. Elle nous en apprend plus sur Lajos. Tout ce qu’il disait manquait de profondeur. Elle parle de son “talent” d’écrivain à réimaginer la réalité. Esther s’est étonnée de se regarder dans la glace pour s’examiner. C’était une femme qui, bien qu’elle ait quarante-cing ans passé, n’était pas très marqué par la vieillesse. Le jardinage l’avait empêché de prendre de l’embonpoint. Esther revient sur Lajos en précisant qu’elle n’avait eu jusque-là que des nouvelles de lui via les journaux : scandale politique, duel où il s’en est sorti indemne.
Esther nous apprend que sa séparation avec Lajos a été très douloureuse néanmoins, aujourd’hui, elle se sent beaucoup mieux. Dans le passé, Tibre et Endre l’ont demandé en mariage, mais elle a refusé. Ils sont tous trois restés bons amis.
Chapitre 4
Nous en apprenons un peu plus sur Nounou. Cette domestique a servi la famille d’Esther pendant trente ans. C’est une femme qui connaît bien Esther et dont la maison familiale n’a plus aucun secret pour elle. Aux alentours de minuit, Nounou a évoqué une certaine bague, un héritage familial, que lui a rendu Lajos quand sa sœur est morte. Lajos s’est montré généreux en expliquant que ce bijou familial devait revenir à Esther. Cette dernière l’a rangée dans l’armoire à linge avec une lettre testamentaire indiquant que cette bague devait revenir à sa nièce, Eva, quand elle sera morte. Cette lettre précise également que la maison sera léguée aux enfants de Lajos qui ne pourront la revendre tant que Nounou sera encore vivante.
À cet instant, Nounou apprend à Esther qu’elle a fait expertiser la bague et que celle-ci est fausse. La monture est en platine et la “pierre” ne vaut pas un sou. Pour Nounou, Lajos a réellement voulu se montrer généreux, mais, ayant sûrement dû revendre la vraie bague pour avoir de l’argent, il a dû en refaire une copie. Esther se dit que Lajos n’est même pas encore arrivé qu’il l’a déjà dépouillé.
Chapitre 5
Esther surprend une discussion entre son frère Laci et Tibor. Laci lui demande pourquoi il n’a jamais épousé Esther. Tibor lui répond qu’elle ne voulait pas, car elle en aimait un autre : Lajos. Laci s’emporte contre Lajos en expliquant que celui-ci lui doit de l’argent. Il lui a pris la montre en or de son père, ses encyclopédies et il ne les a jamais revues. Laci fait le fier lorsqu’il annonce qu’il a su préserver les trois cents couronnes que lui avait demandé Lajos. Laci demande à Tibor s’il croit que Lajos est encore amoureux d’Esther. Après un petit moment, Tibor répond par “Les amours sans espoirs durent toujours” puis ils repartent à la maison pour chercher Esther.
Chapitre 6
Esther nous raconte que Laci et Lajos étaient de grands amis à l’époque. Ils suivaient tous les deux les cours à la faculté et ont fini par l’abandonner. Lajos avait touché une part d’héritage suite à la mort de sa famille. Il avait entraîné la mère d’Esther à lire des livres sur de nombreux philosophes. Le train de vie de la famille d’Esther s’est mis à changer. Ils n’étaient pas riches, mais ils ont commencé, influencés par Lajos, à acheter de beaux meubles et à recevoir des personnes intéressantes chez eux. Lajos attirait les gens vers lui. Ça avait commencé par leur mère, puis Laci, leur père et Vilma. Esther avait elle aussi été attirée et entraînée par Lajos néanmoins, elle ne s’est pas empressée d’être à son service de suite. Elle a résisté, mais a fini par se laisser aller.
Esther estime que Laci a eu une réaction enfantine lorsqu’il a parlé de la montre en or que lui a pris Lajos. À cette époque, ils étaient tous deux dépendants l’un de l’autre. Esther nous apprend également que son frère, Laci, a toujours été jaloux de la relation entre Esther et Lajos. Esther se demande si ce n’est pas à cause de cela que Lajos a préféré épouser Vilma. D’ailleurs, Esther précise à quel point Laci était heureux lorsqu’ils se sont mariés. Lajos a abandonné la faculté et très vite, il a épousé la voie politique. Toutefois, ses idées étant trop changeantes, il n’a jamais été accepté dans aucun parti. Son frère, Laci, ne l’a pas suivi et a finalement ouvert une bibliothèque dans laquelle il vend des livres et des fournitures scolaires. À la mort de Vilma, Lajos a disparu de l’horizon familial.
Chapitre 7
Avec la disparition de Lajos, Esther s’est rendu compte grâce à un ami notaire de la famille, Endre, à quel point l’avenir financier de la famille était au plus mal. La négligence de leur père, la maladie de leur mère, le mariage et la mort de Vilma, les investissements de Laci ont créé un gouffre financier important.
Toutefois, Esther s’est vite rendu compte que Lajos avait manipulé sa mère pour couvrir certaines dettes de jeu. Son père s’était battu jusqu’à sa mort afin que Nounou et Esther puissent garder la maison ainsi que le jardin. C’est d’ailleurs grâce au jardin qu’elles ont réussi à survivre. Celui-ci leur apportait de quoi se nourrir et le fruit des amandiers leur donnèrent l’occasion de rembourser leur dette progressivement. Nounou a refusé d’investir la maison en chambre d’hôte ou en restaurant. Au bout d’un certain temps, Nounou a accepté qu’Esther puisse donner des cours de piano Quand Tibor demanda Esther en mariage, celle-ci refusa. Elle espérait que Lajos lui revienne, mais il n’est jamais revenu.
Chapitre 8
Esther arrive dans la maison. Son frère lui apprend que Lajos a demandé la présence officielle d’Endre. Hormis Nounou, tout le monde, pense qu’il va peut-être rembourser ses dettes. Pour Esther, Lajos ne peut pas revenir au bout de vingt ans, après avoir contracté des dettes auprès de tout le monde, sans avoir une idée en tête. Laci évoque à Tibor les fois où ce dernier a craqué et lui a donné de l’argent. Tibor estime que Lajos ne fait pas tout ça uniquement pour de l’argent. Il raconte un épisode où Lajos a demandé une forte somme pour la donner à un de ses employés qui avait des problèmes financiers. Néanmoins, Lajos aurait pu se servir de cette somme pour payer ses dettes de jeu, mais il s’en est servi autrement. Pour Nounou, ils vont encore se faire avoir, car Lajos est plus fort qu’eux.
Esther est partie enfiler des vêtements convenables : une robe violette qu’elle portait à l’époque et dans laquelle elle se sent aujourd’hui ridicule, la qualifiant de “déguisement”. Lajos arrive.
Chapitre 9
Lajos arrive avec ses deux enfants qu’il a eus avec Vilma, un chien et une femme entre deux âges couverte de maquillage. Lajos demande s’ils peuvent lui prêter vingt couronnes pour que le chauffeur puisse aller prendre de l’essence. Tout le monde se dit que rien n’a changé. Tibor accepte. Lajos présente ses deux enfants. Gabor a terminé ses études d’ingénieur. C’est un jeune homme gras et lourd. Eva affiche un sourire narquois. C’est une vraie petite citadine avec un vêtement de sport à la mode. Lajos parle et s’agite comme s’il était en pleine représentation de théâtre. Il sort un papier signé du sceau du secrétaire d’Etat indiquant qu’il ferait tout son possible pour nommer Nounou en tant que receveur à la poste locale. Ces nouvelles arrivaient bien trop tard, mais tout le monde semblait ravi. Même Nounou l’a remercié à chaudes larmes. Lajos avait tenu parole. Tous se sont mis à écouter attentivement Lajos.
Endre est arrivé et, en tant qu’homme officiel, s’est tenu à l’écart de tout le monde.
Chapitre 10
Esther raconte que la venue de Lajos aurait pu être digne d’une pièce de théâtre dont la première scène serait le repas suivi de la “visite au jardin”.
Esther et Lajos sont seuls. Lajos prétend vouloir tout réparer. Esther est méfiante. Elle le connaît par cœur. Par ailleurs, il n’y a plus rien à réparer. Le temps s’est chargé à sa façon de réparer les choses. Elle demande à Lajos ce qu’il souhaite réellement, il lui répète qu’il souhaite tout réparer avant de lui demander si la maison est encore libre de toute hypothèque.
Chapitre 11
Lajos a fait venir Endre en tant que témoin officiel pour affaires mais dès les premiers instants, on voit qu’il est géné de la présence du notaire. Endre est d’ailleurs la seule personne de la pièce à se montrer méfiante concernant Lajos. Ce dernier sait qu’il n’a aucune emprise sur lui et cela le dérange.
Lajos fait signer les papiers à Endre selon lesquels Esther l’autorise à vendre sa maison. Lajos n’est pas venu pour se racheter, Esther le savait.
Chapitre 12
Esther nous révèle l’identité des deux autres personnes qui sont présentes. La personne entre deux âges s’appelle Olga, cette femme d’un certain rang, est la domestique de Lajos. Son fils, Béla, est le futur époux d’Eva. Esther nous décrit Olga et Béla. Le prénom de ce dernier lui déplaît. Olga s’accapare Esther en lui racontant tout ce qu’elle a vécu.
Ce genre de femme, Esther ne les a vues qu’en magazine. Elle appartient à une société où les gens jouissent de la modernité, ce qu’Esther et ses parents ont toujours refusé.
Lajos offre des cadeaux pour tout le monde. Esther reçoit une écharpe mauve.
Esther a une discussion avec Olga qui lui explique qu’elles finiront bien par se connaître. Laissant sous-entendre qu’elle est au courant de quelque chose qu’Esther ignore.
Chapitre 13
Eva discute avec Esther et lui avoue qu’elle ne se souvient plus très bien de sa mère. Toutefois, elle cherche à avoir une explication auprès d’Esther pour savoir pourquoi elle a fui son père. Esther lui dit de ne pas écouter son père, qu’il ne lui a pas dit toute la vérité. Néanmoins, Eva apprend à Esther qu’elle a découvert il y a trois ans, dans une boîte à bois rose, des lettres écrites par son père dans lesquelles il demandait à Esther de tout abandonner pour lui et de vivre avec lui. Il disait qu’il n’avait jamais aimé qu’elle et qu’il ne souhaitait pas se marier avec Vilma. Esther ne comprend pas étant donné qu’elle n’a jamais eu ses lettres en question. Soudain, elle comprend tout.
Chapitre 14
Esther nous raconte la relation qu’elle a eue avec sa sœur, Vilma. Elles entretenaient une haine l’une contre l’autre sans pouvoir expliquer les raisons. Esther a toujours capitulé devant Vilma, car celle-ci était plus forte qu’elle. Cette boîte à bois rose avait été un cadeau que lui avait donné Lajos quand elle était plus jeune. Elle avait fini par la donner à sa sœur qui l’exigeait. Quand Esther comprit qu’elle était amoureuse de Lajos, elle demanda à sa sœur de lui rendre la boîte, mais celle-ci prétendit qu’elle l’avait perdu.
Sur son lit de mort, Vilma et elle ne se sont jamais pardonnées de tout ce qu’elles se sont fait subir. Esther s’est occupée pendant des mois des enfants pendant que Lojas était parti. Se sentant étrangère à cette maison, elle a fini par partir en confiant les enfants à une personne sûre. Elle a adressé une lettre à Lojas à laquelle elle n’a jamais eu de réponses. Esther demande à Eva ce qu’elle veut d’elle.
Chapitre 15
Eva raconte l’enfance qu’elle a eue avec son frère et son père. Pendant un temps, ils ont eu de nombreuses gouvernantes qui ont commencé à prendre possession de tout ce qui leur appartenait. Très vite, ils ont dû habiter dans un hôtel. Quand Lojas a eu plus d’argent, ils ont mené une vie de bourgeois. Néanmoins, Lojas est un aventurier. Un homme qui n’attache aucune importance aux biens. Il souhaite vivre et ressentir le danger. Parfois, il les confiait à des bonnes sœurs. Eva a eu l’impression de vivre une vie pittoresque toute sa jeunesse. Elle qualifie son enfance avec une vie de nomade. Eva apprend à Esther qu’elle est la seule à pouvoir l’aider. Cette femme, Olga, tient son père, car ce dernier lui a signé des traites. Eva doit épouser Béla. Selon Eva, Esther est la seule à pouvoir l’aider. Elle exige d’Esther la bague que lui a confiée son père. Esther refuse. Lojas entre et demande à Eva de le laisser seul avec Esther. Eva s’exécute.
Chapitre 16
Esther est indignée que Lajos ait parlé de la bague à Eva tout en sachant qu’elle est fausse. Elle se demande si ce n’est pas une ruse de sa part pour qu’Eva incrimine Esther. Lajos lui assure qu’il n’a rien prémédité et que la bague aurait pu être trafiquée par n’importe qui, y compris par Vilma elle-même. Lajos avoue à Esther que ses intentions ont toujours été pures toutefois, il avoue avoir toujours usé du mensonge pour dire aux gens ce qu’ils voulaient entendre. Voilà pourquoi il a promis à Laci qu’il lui rendrait son argent. C’est également la raison qui a fait qu’il a dit à Vilma qu’il l’aimait. Il explique qu’à cinquante-trois ans, on ne peut pas exiger qu’il puisse changer. Néanmoins, il demande à Esther pourquoi elle n’a jamais empêché ce mariage. Il lui reparle de ses lettres qu’il lui a écrites.
Chapitre 17
Lajos demande à Esther de l’écouter attentivement. Il lui révèle qu’il s’est rendu compte avec le temps qu’il était incapable de faire de grandes choses pour la simple et bonne raison qu’il n’a pas le caractère pour ce genre de choses. Toutefois, Esther avait du caractère, c’est pour cela qu’il la voulait elle et non sa sœur. Ils débattent ensemble sur la notion de caractère. Lajos explique à Esther qu’il a utilisé les lettres pour la raisonner afin qu’elle revienne dans sa vie.
Esther n’y croit pas. Elle avoue ce qu’elle pense de lui. Pour elle, c’est un menteur qui joue avec les êtres et les passions. Lajos finit par lui donner les trois lettres qu’il a écrites pour elle.
Chapitre 18
Après avoir compris qu’Esther n’a jamais eu ses lettres en sa possession, ils pensent tous deux que Vilma les a subtilisé.
Lajos déclare à Esther qu’ils ont toujours été liés l’un et l’autre qu’ils le veuillent ou non. Lajos essaie de faire comprendre à Esther que leurs vies auraient été différentes si Esther aurait été courageuse. Au lieu de ça, elle s’est vexée et a décidé de fuir. Toutefois, elle est ce qu’elle est et il est ce qu’il est et tous les deux sont liés. Lajos apprend à Esther qu’il souhaite qu’elle signe un papier. Après quoi, elle et Nounou viendront avec lui. La maison de Lajos n’étant pas assez grande, Nounou et Esther pourront vivre à côté dans une maison pour femme de haut rang. Esther n’est pas dupe, elle sait que Lajos est en train de lui mentir. Lajos la laisse seule pour aller chercher Endre afin qu’elle puisse signer le papier qu’il lui tend. Il l’invite à le lire et à peser le pour et le contre avant de signer.
Chapitre 19
Endre arrive et essaie de dissuader Esther de lui donner ce que souhaite Lajos. Endre explique à Esther qu’ils ont trouvée, à l’époque, la preuve que Lajos a falsifié la signature du vieux Gabor, le père d’Esther. Par chance, Endre s’est arrangé pour que la maison et le jardin ne soit pas perdu. Ainsi, Esther qu’elle et Nounou ont pu rester pendant vingt ans dans cette maison grâce à l’intervention de Tibor et d’Endre.
Esther explique à Endre qu’elle a déjà signé la lettre et qu’elle souhaite qu’Endre ajoute une clause officielle pour qu’une partie de l’argent obtenu par la vente de la maison et du jardin revienne à Nounou pour lui assurer des jours paisibles jusqu’à sa courte fin de vie.
Esther explique à Endre qu’elle n’a pas été assez courageuse. Que tout est en partie à cause d’elle. À l’époque, elle aurait dû fuir avec Lajos avant qu’il n’épouse sa sœur. Il n’aurait peut-être pas vécu une vie gaie, mais au moins, Esther le sait, elle aurait eu une vie moins fade que celle qu’elle a eu. Elle ne demande pas à Endre de comprendre son raisonnement. Pour elle, seule une femme d’âge mûr peut en arriver à cette conclusion.
Chapitre 20
Nounou est dans la chambre d’Esther. Elle comprend tout à fait les choix d’Esther. En apprenant que Vilma a volé les lettres, elle avoue à Esther qu’elle n’a jamais pu sentir sa sœur. Puis Nounou se met à lire les lettres de Lajos qu’Esther n’a jamais lues. Esther finit par s’endormir.
Présentation des personnages
Esther est le personnage principal. C’est une femme de quarante-cinq ans passés. Elle n’est pas marquée par la vieillesse et son travail quotidien dans le jardin lui a évité l’embonpoint. Elle a vécu une simple existence dans une maison trouvant de quoi se nourrir grâce aux fruits de son jardin. Plus jeune, elle est tombée amoureuse d’un homme, Lajos, qui sera son seul grand amour. Elle refuse les demandes en mariage de Tibor et d’Endre. Après son entrevue avec Lajos, elle comprend qu’elle aurait pu avoir une vie différente si, à l’époque, elle avait accepté de fuir avec lui. Aujourd’hui, elle capitule une nouvelle fois pour qu’il puisse mettre en vente sa maison ainsi que son jardin, mais elle refuse de le suivre.
Lajos est un scélérat, un homme de cinquante-trois ans qui n’a pas hésité à mentir toute sa vie au point de mentir à ses amis et de les voler. Il ne le fait pas par pure méchanceté, mais simplement pour dire aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre et obtenir ce qu’il souhaite. C’est un personnage charismatique qui est irrésistible. Cet arriviste est également un parieur criblé de dettes. Il regrette qu’Esther n’ait pas pris son courage à deux mains pour fuir avec lui. Il regrette le manque de courage qu’ils ont eu tous deux pour s’aimer. Difficile de dire si ces paroles sont sincères ou s’il ne cherche pas à amadouer Esther pour la contraindre à signer l’accord pour mettre la maison en vente. Néanmoins, Lajos est insatisfait de la vie qu’il a menée. Il aurait aimé faire des grandes choses, il lui manquait du caractère, chose qu’il n’a jamais eue.
Nounou est une domestique qui s’est installée chez la famille d’Esther. Elle a connu la grand-mère d’Esther ainsi que sa mère et son père, le vieux Gabor. Nounou aurait aimé exercé un poste en tant que receveur de poste, mais elle n’a jamais pu l’obtenir. Lojas lui a promis qu’elle l’aurait un jour. Nounou se méfie de Lojas toutefois, elle pleure de joie lorsqu’elle aperçoit le papier signé du sceau du secrétaire d’Etat la mentionnant, et ce, même s’il arrive bien trop tard. Nounou comprend les raisons qui ont poussé Esther a légué la maison et le jardin à Lojas.
Endre est le notaire de la famille. C’était un ami du vieux Gabor, le père d’Esther. C’est grâce à lui si Esther a pu garder la maison et le jardin. Endre a demandé Esther en mariage, mais celle-ci a refusé. Néanmoins, même s’il s’est marié avec une autre femme, il est toujours resté proche d’Esther.
Tibor est un homme de loi. Il est plus jeune qu’Esther. Tout comme Endre, il a demandé Esther en mariage, mais celle-ci a refusé. Ils entretiennent de bons rapports même si la mère de Tibor semble ne pas apprécier que son fils aille manger tous les dimanches chez Esther.
Laci est le frère d’Esther. C’est lui qui a présenté Lojas à sa famille. Selon Esther, il est vite devenu jaloux de la relation entre Esther et Lojas, mais il a semblé heureux que Lajos épouse Vilma. Il a abandonné très tôt la faculté, mais n’a pas suivi la même voie périlleuse que Lajos. Il a décidé d’ouvrir sa bibliothèque où il vendait ses livres et ses fournitures scolaires.
Vilma est la sœur d’Esther. Ces deux femmes se sont toujours haïes. Habitué à obtenir tout ce qu’elle veut, Vilma finit par épouser Lajos bien que ce dernier ne soit pas réellement amoureux d’elle. Vilma meurt lorsque sa fille Eva n’a que trois ans et demi.
Olga est une femme de haut rang qui est devenue la gouvernante de Lajos. C’est une femme qui a la mainmise sur Lajos et qui a réussi à lui faire signer des traites. Elle exige que son fils puisse épouser sa fille.
Béla est le fils d’Olga. C’est un homme qui fait de la politique. Il ne parle pas beaucoup et ne prend pas part aux différents échanges.
Eva est la fille de Lajos et de Vilma. Cette vraie petite citadine a les yeux bleus et un sourire narquois. Elle n’avait que trois ans et demi lorsque sa mère est morte. Elle se rappelle vaguement de sa mère, mais se souvient très bien d’Esther. Elle cherche à savoir pourquoi Esther n’a jamais osé répondre aux lettres de son père. Elle apprend à Esther qu’elle doit se marier à Béla, mais qu’elle ne le veut pas. Elle souhaite récupérer la bague de sa mère pour la vendre et fuir pour ne pas épouser Béla.
Gabor est le fils aîné de Lajos et de Vilma. C’est un garçon gras et lourd qui vient de terminer ses études d’ingénieurs. Il ne parle pas dans cette histoire et est très peu présent.
Le vieux Gabor est le père d’Esther, de Vilma et de Laci. Dans cette histoire, il n’apparaît pas, il est simplement mentionné. C’était un très bon ami d’Endre et de Tibor. Avant de mourir, Lajos a falsifié plusieurs fois sa signature.
Analyse de l’oeuvre
Il est intéressant de se demander comment une femme qui a mûri peut accepter de capituler une nouvelle fois face à Lajos. Est-ce le moyen de montrer au lecteur que personne ne peut lutter contre Lajos ou obéit-elle simplement à “commandement plus fort que les règles du monde et de la raison” sous prétexte qu’il existe “un ordre invisible qui veut que l’on achève ce que l’on a commencé”.
Esther est une femme qui, malgré le fait qu’elle se disent guérie de cet amour, ne l’est pas vraiment. Pire, elle manque de caractère, ce que Lojas prétend qu’elle possède lors de leur entrevue. Son manque de caractère est visible lorsqu’elle nous raconte la relation réciproque de haine entre elle et sa sœur, Vilma. Cette dernière exigeait et Esther capitulait au point d’accepter que sa sœur épouse l’homme qu’elle aimait. Le manque de caractère d’Esther est visible également lorsque Lojas est face à elle. Même si le lecteur peut avoir accès à ses pensées, celles-ci sont en totale contradiction avec l’attitude qu’elle a envers Lojas. Elle ne se défend pas, elle se laisse faire et finit, comme avec sa sœur, par capituler et accepter ses exigences : mettre la maison et le jardin en vente. Esther ne montre aucune résistance, aucune opposition. Au cours de la discussion, Lojas prétend être “[son] juge et [son] accusateur”. Il essaie de renverser la situation au point de lui expliquer que leur relation aurait pu être différente si elle n’avait pas manqué de courage. Ce motif est exactement la raison qu’elle donnera à Endre pour lui expliquer les raisons qui la pousse à mettre sa maison et son jardin en vente au profit de Lojas : “si j’avais été courageuse, sage et sincère” “je me serais enfuie une nuit avec Lajos, le fiancé de ma sœur”.
Face à ce choix, deux lectures sont possibles. Certains pensent que si Esther renonce à la maison ainsi qu’à ses biens, c’est par abnégation de l’amour. Elle prend conscience qu’elle est amoureuse d’un homme qui ne mérite pas l’amour qu’elle lui porte. Toute son existence, elle a cru qu’il pourrait changer, elle l’a toujours aimé. Mais cette dernière entrevue lui montre qu’il ne changera pas, il est comme il est et il sera toujours comme ça. Au moins, s’il la dépossède de tous ses biens, elle conserve une seule chose qu’il ne peut plus posséder : l’amour qu’elle a pour lui. Elle se refuse de lui donner.
Néanmoins, certains estiment qu’elle n’agit ainsi que pour son propre intérêt. Le masque est tombé depuis un moment et elle a très bien conscience du type d’homme qu’est Jolas. En léguant tous ses biens, elle s’auto-flagelle pour ne pas avoir été capable de le suivre à l’époque. Après que Lajos a été son juge et son accusateur, la victime se condamne elle-même pour cette vie insipide qu’elle a vécu jusqu’à maintenant. Cette vie qui n’est que la résultante de son manque de courage. Esther devient alors la victime et le bourreau de son existence et tout cela est symbolisé par la dépossession de ses biens : “advienne que pourra”, elle remet sa vie à ce “commandement plus fort que les règles du monde et de la raison”. En effet, selon elle, les femmes ne sont pas toujours aussi raisonnables.
Cette histoire peut donc être vue comme une belle histoire d’amour où les amants ont tous deux laissés passés leur chance de vivre une vie merveilleuse ; ou comme la confrontation entre un homme égoïste et une femme sans caractère qui se laisse dominer et convaincre qu’elle est fautive s’ils n’ont pas pu vivre cet amour.