Résumé partie partie de La Condition humaine d’André Malraux
Les événements du roman s’inscrivent dans un contexte particulier. Le général Tchang-Kaï-Chek mène son armée vers Shanghai en Mars 1927. Le port de la ville est, à l’époque, un point stratégique très important. Les communistes tentent de faciliter la prise de la ville en organisant une révolte des ouvriers locaux. Inquiet du pouvoir grandissant des communistes qui risque de représenter une entrave à sa propre quête de pouvoir, le général trahit ces derniers et s’allie aux occidentaux. Il fait assassiner des milliers de dirigeants et d’ouvriers communistes par une société secrète appelée la Bande Verte.
Partie 1
21 Mars 1927
Tchen tue un trafiquant d’armes afin de récupérer ses papiers. Il rejoint, par la suite, ses compagnons d’insurrection Kyo et Katow. Dans le magasin d’Hemmelrich, ils écoutent des disques et préparent l’opération du lendemain. Kyo rencontre Clappique au club de Jazz, nommé le Black Cat. Il demande à ce dernier, spécialiste dans le commerce d’armes, de l’aider à s’emparer des armes du trafiquant poignardé dans la soirée. Lorsqu’il rentre chez lui, Kyo apprend par sa femme, Mey, qu’elle le trompe.
Tchen, se rend, quant à lui, voir le professeur Gisors. Il se confie au vieux sage au sujet de sa solitude de criminel et avoue même avoir une certaine fascination pour le sang. Le professeur est alors partagé entre inquiétude et fuite dans l’opium.
Katow, aidé par ses hommes, récupère les armes du bateau de Shan-Tung. Celles-ci sont ensuite distribuées aux combattants qui se cachent un peu partout dans la ville.
Partie 2
22 et 23 Mars 1927
Ferral, qui préside la chambre de commerce et du consortium français, et les autorités chinoises étudient les chances de victoire de l’insurrection. La grève générale de Shanghai, de son côté, immobilise toute la région.
Des combats très violents éclatent au cours desquels un poste du garde du gouvernement est attaqué par Tchen et des membres de l’insurrection. Ferral, au courant de l’évolution des combats, négocie un pacte avec le parti nationaliste. Le président de la chambre de commerce français rejoint par la suite sa maîtresse, Valérie. Celle-ci vit difficilement la relation érotique humiliante et douloureuse qu’il lui fait subir.
Dès le lendemain, les troupes de Chang-Kai-Shek se dirigent vers la ville. Après L’alliance avec Ferral, les nationalistes se désolidarisent des communistes. L’insurrection est exhortée à déposer les armes. Chacun s’interroge sur la suite des évènements. Alors que Katow accepte d’abdiquer, Tchen refuse catégoriquement et Kyo est indécis. Ce dernier décide d’aller à Han-K’eou afin d’en savoir plus.
Partie 3
29 Mars 1927 à Han-K’eou
Kyo questionne les membres de l’organisation révolutionnaire au sujet de l’abdication. Faut-il oui ou non rendre les armes ? Il réalise que les membres du parti communiste sont bien moins puissants que ce qu’ils espéraient à Shanghai. Vologuine, délégué du parti communiste international, l’informe que la tactique de Moscou, pour l’instant, est de laisser faire les choses.
Tchen arrive également à Han-K’eon et va à la rencontre de Kyo. Pour lui, la solution à cette problématique est d’assassiner Tchang Kaî-check. Il est même prêt à se charger lui-même de la tâche. Cette proposition est désapprouvée par le comité communiste. Toutefois, Kyo et Tchen sont libres de partir. Ils rentrent à Shanghai séparément.
Partie 4
11 Avril 1927
À Shanghai, la répression est à son paroxysme. Clappique est averti par le chef de la police de son arrestation toute proche. Impliqué directement dans le vol de la cargaison d’armes qui a servi à l’insurrection quelques mois plus tôt, il tente de prévenir son complice, Kyo, mais ce dernier est introuvable. Clappique demande alors à Gisors de mettre au courant son fils et lui donne rendez-vous au Black Cat. Kyo, de retour, se rend à la réunion accompagné de May.
Tchen, quant à lui, ne parvient pas à assassiner Chang-Kai-Shek. Il prépare son second attentat tout en prenant refuge chez Hemmelrich. Il décide, pour ce second attentat, d’opérer seul et de se jeter lui et sa bombe sous la voiture du général. Ce sacrifice est vain car la voiture de Chan-Kai-Shek est un leurre. Tchen, ayant survécu à ses blessures, met fin à ses jours.
Entre-temps, le général procure son soutien à Ferral et fait fusiller les communistes. Le président de la chambre de commerce réalise que le choix du général de mettre à genou l’insurrection peut fortement servir ses intérêts. Radieux, il emmène Valérie en rendez-vous. Une dispute éclate entre eux et Valérie humilie Ferral. Ce dernier vient alors se confier à Gisors. Il prend la mesure de sa solitude ainsi que le vide moral de ses rêves de puissance. Il n’y renonce toutefois pas.
Partie 5
Clappique ne se rend pas à l’heure au rendez-vous. May s’évanouit sous les coups et Kyo est arrêté. Ce dernier est alors mis en prison.
En apprenant la tenue d’un nouvel attentat visant le général Chang-Kai-Shek, Hemmelrich décide de se rendre à la permanence communiste afin d’obtenir des nouvelles de Tchen. En rentrant chez lui, il découvre sa boutique complètement dévastée. Sa femme ainsi que son fils ont été assassinés de façon horrible. Dorénavant libre de toute attache, il s’engage à cœur perdu dans la lutte armée. Il participe aux côtés de Katow à un combat ultime contre le général. L’opération est un réel tollé. Alors que Katow est capturé, Hemmelrich arrive à s’enfuir de justesse.
Gisors tente d’aider son fils. Il demande à Clappique d’intercéder auprès du chef de la police afin que Kyo soit libéré. König refuse de venir en aide au vieil homme. La démarche de Gisors ne fait qu’aggraver la situation de son fils.
Partie 6
Kyo est placé dans une prison aux conditions d’incarcération terribles. En comparaissant devant König, le chef de la police, sa demande de libération est rejetée. Ce dernier veut à tout prix faire perdre sa dignité à Kyo. Il lui demande de livrer ses complices sous menace d’être livré à la torture. Kyo refuse de trahir les siens et rejoint ses camarades communistes sous le préau. Ils attendent d’être brûlés vifs par le foyer d’une locomotive. Kyo, par le suicide, évite la torture. Il ingurgite du cyanure qu’il cachait sur lui. Katow offre, quant à lui, son cyanure à deux chinois totalement terrifiés par la sentence qui les attend. Katow, plein de dignité, se dirige alors vers l’ultime supplice qui est le sien. Clappique, déguisé en marin, parvient à embarquer à bord d’un bateau qui se dirige vers la France.
Partie 7
Juillet, Paris
Lors d’une réunion avec le Ministère des finances, Ferral tente de défendre le consortium dont il avait la direction en Chine. Sa tentative est solvée par un échec.
Gisors et May ont trouvé refuge à Kobé, au Japon, chez Kawa. Ce vieil homme cherche à trouver la paix dans la méditation et dans l’opium. Malgré son désarroi et sa solitude, May veut poursuivre le combat communiste révolutionnaire. Elle retrouve Hemmelrich en URSS pour concrétiser ce souhait.
Les personnages
Le professeur Gisors : c’est le père de Kyo. Cet intellectuel convaincu par la pensée communiste est spécialiste du marxisme. Au vu de sa sagesse, les autres personnages font appel à lui pour des conseils. Il a toutefois une dépendance à l’opium. Il est en grande partie à l’origine du soulèvement populaire.
Tchen : élève du professeur Gisors, il a des tendances plus extrêmes que son mentor, telles que le terrorisme suicidaire. Au vu de ses idées, Tchen est enrôlé dans la lutte armée qui devient sa seule raison de vivre.
Kyoschi ou Kyo Gisors : fils du professeur Gisors. En sa qualité de militant révolutionnaire, il est l’organisateur principal de l’insurrection de Shanghai. Convaincu par des idées idéalistes, il lutte pour le droit des travailleurs exploités jusqu’à la mort. Il est amoureux de May. Il est dit que Zhou Enlai, homme politique, vice-président du parti communiste et figure majeure de la révolution de 1927 a servi de modèle pour ce personnage.
Katow : ancien militant soviétique et survivant de la répression des Russes blancs. Il se bat lors de l’insurrection chinoise avec beaucoup de générosité et de courage.
Ferral : industriel cupide et avide qui souhaite la domination des autres. Il préside la chambre de commerce en France.
Le baron de Clappique : ancien marchand d’art et antiquaire français reconverti dans le trafic d’armes. C’est un personnage troublant et mythomane qui allie fantaisie, théâtralité et noirceur.
Hemmelrich : ouvrier exploité originaire de La Chaux-de-Fonds en Belgique. Il s’allie à l’insurrection suite au massacre de sa famille.
May : médecin allemande et épouse de Kyo. Elle incarne la dimension féminine de la lutte révolutionnaire et représente la vie dans un environnement de morts.
König : chef de la police. Il est redevable à Clappique après que celui-ci lui ait un jour sauvé la vie.
Analyse de l’œuvre
Ce roman, publié en 1933 aux éditions Gallimard, relate l’échec de la révolution communiste. Il est dédié à l’auteur Eddy du Perron. Soutenu par Gaston Gallimard lui-même, il obtient le prix Goncourt et révèle son auteur, André Malraux, au grand public.
Ce dernier s’est rendu à deux reprises (1923 et 1925) en Indochine, afin d’investiguer le mouvement anticolonialiste de l’époque. Il tient une correspondance avec Trotski et crée des liens avec le parti communiste. Fortement influencé par la révolution bolchévique de 1917, son œuvre allie narration dramatique et évènements historiques, ce qui procure au récit une forte émotion. La condition humaine s’inscrit dans une trilogie également composée par « Les conquérants » et « La voie royale ». Il est inscrit, en 1950, parmi la liste des meilleurs romans du demi-siècle.
« La condition humaine » est une œuvre aux thèses multiples. Avec ce roman, l’auteur ne choisit pas de défendre une idéologie face à une autre. Le roman n’est, en soi, pas engagé. Il ne fait pas une apologie des idées communistes, ni ne condamne le nationalisme. André Malraux dépeint simplement des personnages plongés dans un contexte de crise. Lorsqu’ils s’y confrontent, ces hommes et ces femmes forgent alors l’histoire, ce qui les arrache du néant de leur condition. Les personnages principaux de l’œuvre représentent différentes origines et différents courants de pensée. Ils sont alors, de fait, l’incarnation de la « condition humaine ». L‘auteur français manifeste, à travers son livre, une foi en l’Homme, sans pour autant tomber dans la naïveté. Dans son œuvre, l’auteur ne décrit pas le récit héroïque de certaines figures. Tous les personnages sont un mélange de gris, avec des qualités mais aussi des zones d’ombres qui viennent s’ajouter à leur complexité. Les caractéristiques, les contradictions et parfois même la mythomanie qu’insuffle l’auteur à ses personnages font d’eux des figures ambiguës. Cette ambigüité caractérielle, ajoutée à leurs actions, ne fait qu’accentuer le caractère humain des personnages.
Ce roman du 20ème siècle est à la fois tragique et absurde. La notion d’absurde est tragique du fait qu’elle s’impose à tous. Premièrement, par sa condition, l’Homme est condamné à la mort. Cette mort est introduite dès le début du roman par l’assassinat du vendeur d’armes et clôture l’œuvre par le massacre de militants communistes. Ensuite, chaque individu ne se connait pas entièrement. Par les introspections ou par les dialogues, tout Homme trouve en lui un intérieur trouble. C’est notamment le cas de Tchen qui avoue avoir une fascination pour la mort : celle des autres, lorsqu’il tente l’assassinat du général ou la sienne, lorsqu’il met fin à ses jours. Les idéalistes que sont Kyo et Katow prennent, quant à eux, conscience de leur capacité à faire du mal à leurs proches. La solitude de l’Homme est également très approfondie par l’auteur, paradoxe ultime de l’idéologie communiste. Même Kyo n’arrive pas à coïncider avec sa propre personne lorsqu’il entend sa propre voix. Enfin, la souffrance et le mal sont le lot de tout humain. Tchen se suicide après avoir failli à assassiner le général, Kyo choisit le cyanure pour éviter de mourir brûlé vif, Katow affronte la torture en offrant son cyanure à des condamnés chinois. La souffrance est également le lot de Valérie, maltraitée par Ferral, ou encore par les ouvriers à travers le monde.
Chez Malraux, toutefois, le tragique n’est pas un tragique classique. L’homme n’est pas destiné à subir l’absurdité de sa condition. De par leur condition humaine, les personnages ne sont pas fatalement destinés à une fin préétablie. Par leurs actes, par les combats qu’ils décident de mener, par les causes qu’ils décident de défendre et pour lesquels ils choisissent de s’engager, les personnages disent « non » au destin. Toutes les révoltes ne sont cependant pas défendables et l’engagement des personnages conduit certains à affronter des fins terribles.
André Malraux condamne dans son œuvre l’anti-destin. Les actions portant atteinte à la dignité humaine doivent clairement être condamnées. Dans le roman, celles-ci sont incarnées par Ferral. Celui-ci ne vivant que par la domination des autres. Celle des ouvriers ou encore de sa maîtresse. Ferral, abandonné par Valérie mais aussi par les responsables politiques français, est le symbole de l’échec de toute une vie basée sur des fautes et des erreurs. La volonté de domination présente chez l’Homme est condamnée par l’auteur par le biais de Gisors : « L’homme n’a pas envie de gouverner : il a envie de contraindre […]. D’être plus qu’un homme dans un monde d’hommes. […] Non pas puissant : tout puissant. La maladie chimérique dont la volonté de puissance n’est que la justification intellectuelle, c’est la volonté de déité : tout homme rêve d’être un dieu ».
Dans le roman, les actions ayant pour but de défendre la dignité humaine sont une noble réponse à la condition absurde de l’homme. L’amour constitue une des premières voies de salut qui permet à l’homme de s’extirper de sa solitude. La révolution permet, quant à elle, de donner un sens à la vie aussi bien individuelle que collective. Elle garantit la dignité de tous les hommes. Enfin, l’art permet en tant qu’authentique démarche, d’assumer sa condition humaine. Gisors, à la fin du roman, est l’incarnation même de cette idée.
L’œuvre de Malraux se démarque de multiples manières. Elle ne s’inscrit pas dans une écriture dense et abondante caractéristique des romans traditionnels. À l’image des techniques de cinéma, le roman est écrit avec une sorte de discontinuité. Cette méthode invite le lecteur à la recomposition du sens de l’œuvre. Ce roman précurseur précède tous ceux qui seront rédigés pendant l’après-guerre française. Il constitue alors l’un des premiers livres existentialistes. Avec ces nombreuses « perles » de découpage qui demandent une lecture de plusieurs niveaux, « la condition humaine » représente une œuvre majeure de la littérature et de la langue française. L’auteur ancre son œuvre dans son époque en y intégrant un certain nombre de faits historiques. Malraux décrit dans son œuvre la fin du capitalisme colonialiste, le désenchantement caractéristique de l’époque mais aussi la rencontre entre Orient et Occident.