Littérature

Albert Camus, Les Justes : résumé, personnages et analyse

Illustration de la fiche de lecture de Les Résumés sur l'oeuvre littéraire Les Justes d'Albert Camus
Ecrit par Les Résumés

Les Justes est une pièce de théâtre en cinq actes écrite par Albert Camus, un auteur français du 20ème siècle. Elle a été jouée pour la première fois au Théâtre Hébertot le 15 décembre 1949.

Résumé détaillé acte par acte de la pièce Les Justes d’Albert Camus

ACTE 1

Scène 1

Dora et Annenkov reçoivent Stepan dans un appartement à Moscou. Stepan vient de passer trois ans en prison et est impatient de participer au “groupe de combat du parti socialiste révolutionnaire“. Annenkov lui explique son plan d’assassiner le grand-duc Serge en utilisant une bombe, dans le but de libérer le peuple russe. Alexis Voinov revient de sa mission de reconnaissance et dessine un plan montrant les meilleurs endroits pour arrêter les chevaux. Cependant, il y a beaucoup de mouchards et Voinov a du mal à mentir. Yanek Kaliayev, surnommé “le poète”, arrive à son tour. Il a repéré la calèche qui transportera le grand-duc et a même noué des amitiés avec certains des mouchards.
Stepan souhaite lancer la bombe lui-même, mais Annenkov lui explique que les lanceurs ont déjà été choisis. Kaliayev lancera la première bombe et Voinov la seconde. Stepan semble surpris que Kaliayev ait été choisi, estimant qu’il manque d’expérience. Annenkov explique à Stepan ce qu’il devra faire le jour de l’attentat : donner le signal lorsque la calèche du grand-duc passera en direction du théâtre. Stepan pense que Kaliayev a rejoint le groupe pour s’amuser et ne le considère pas comme un véritable révolutionnaire. Une dispute éclate et Stepan décide de partir. Kaliayev parle de ce qu’il ressent à Dora, qui se demande s’il aura vraiment le courage de lancer la bombe s’il se trouve près du grand-duc. Kaliayev assure fermement qu’il le tuera.

ACTE 2

Le lendemain soir, Annenkov et Dora attendent patiemment le signal de Stepan depuis la fenêtre de l’appartement. Stepan fume une cigarette pendant que Annenkov se dit que sa position est confortable. Dora lui rappelle qu’il est là où il doit être en tant que chef. Elle avoue qu’elle a peur depuis qu’elle fabrique des bombes pour le groupe depuis trois ans. Lorsque Stepan donne enfin le signal, il y a un long délai avant que quoi que ce soit ne se passe, ce qui fait penser à Annenkov que quelque chose a mal tourné. Il voit Stepan courir vers le théâtre. Dora pense que Kaliayev a probablement été arrêté. Voinov arrive, visiblement bouleversé, et explique qu’il n’a pas lancé sa bombe car il n’a pas entendu la première bombe exploser.

Kaliayev revient en pleurant et se défend, expliquant qu’il n’a pas lancé la bombe car le grand-duc n’était pas seul dans la calèche. En effet, il y avait également des enfants, le neveu et la nièce du grand-duc ainsi que la grande duchesse.
Stepan s’indigne lorsqu’il voit que tout le monde semble comprendre pourquoi Kaliayev n’a pas lancé la bombe. Selon lui, ils ne sont pas de véritables terroristes. Annenkov et Dora tentent de se défendre en lui expliquant que leur objectif est de libérer le peuple, mais que leur action ne sera pas bien vue s’ils tuent des enfants; Pire, ils risquent d’être haïs par le peuple. Stepan ne veut pas en entendre parler et pense qu’il n’y a aucune limite au terrorisme et qu’il faut accomplir sa mission coûte que coûte. Kaliayev rappelle à Stepan le sens de l’honneur. Malgré l’avis de Stepan, Annenkov décide de repousser l’attentat du grand-duc jusqu’à son retour au théâtre dans deux jours.

ACTE 3

Deux jours plus tard, dans le même appartement, Voinov arrive et semble fatigué. Il n’a pas dormi la nuit dernière. Voinov demande à voir Annenkov seul à seul. Il lui explique qu’il ne se sent pas de lancer la bombe. Il a peur et il a honte d’avoir peur. Il ne se sent pas l’âme d’un terroriste et souhaite quitter le groupe afin de militer dans les comités. Annenkov lui explique qu’il y aura quand même un risque là-bas. Voinov en est conscient, mais il ne souhaite plus continuer avec eux. Annenkov le laisse partir et fait revenir les autres. Il leur explique qu’il a renvoyé Voinov de son propre chef, car il ne se sentait pas capable d’assumer pleinement son rôle. Annenkov estime que c’est à lui de prendre la place de Voinov, mais Stepan souhaite endosser ce rôle. Annenkov ne souhaite pas que Stepan s’en charge. Il explique à Stepan qu’il prendra son rôle et ils sortent tous les deux pour qu’Annenkov lui explique quel sera son rôle.

Dora et Kaliayev sont seuls sur scène. Kaliayev se sent responsable de la décision de Voinov de quitter le groupe et bien qu’il ait perdu son enthousiasme, il assure à Dora qu’il fera tout pour accomplir sa mission cette fois-ci. Ils échangent des mots d’amour et Dora lui fait comprendre que la justice est plus importante que l’amour. Cependant, Dora aimerait que Kaliayev lui avoue son amour en retour, mais il hésite. Il a peur que cela puisse mettre en danger le prochain attentat prévu. Annenkov et Kaliayev doivent partir.

Dora pleure et reste avec Stepan dans l’appartement. En voyant la tristesse de Dora, Stepan s’emporte et scande sa haine pour l’humanité. Une calèche passe et une première explosion se fait entendre, puis plus rien. Stepan est heureux et pense que si la deuxième bombe n’a pas explosé, c’est que le Grand Duc est probablement mort.

ACTE 4

Dans une cellule située dans la Tour Pougatchev à la prison Boutirki, Kaliayev est en train de regarder la porte. Foka, un autre détenu, entre avec le gardien. Kaliayev lui demande pourquoi il est en prison, Foka lui explique qu’il a tué trois personnes à coups de hache pour de l’alcool. Kaliayev lui annonce qu’il a tué le Grand-Duc. Foka cherche à justifier Kaliayev, mais ce dernier lui confie qu’il est socialiste-révolutionnaire. Pour Foka, le seul royaume des justes est celui de Dieu. Quand Foka comprend que Kaliayev va être pendu, il lui avoue que c’est lui qui s’occupe de pendre les condamnés. Pour chaque mort par pendaison, on lui retire une année de prison.

Le directeur du département de police, Skouratov, entre dans la cellule de Kaliayev après le départ de Foka et du gardien. Skouratov propose à Kaliayev d’être gracié s’il dénonce ses compagnons, mais Kaliayev refuse. Skouratov sort et est remplacé par la Grande Duchesse, qui oblige Kaliayev à la regarder et lui parle de la solitude. En pleurs, elle lui demande pourquoi il ne l’a pas tuée avec le Grand-Duc et pourquoi ils ont épargné les enfants alors qu’ils sont encore plus injustes avec les pauvres que le Grand-Duc ne l’était. La Grande Duchesse souhaite que Kaliayev ne meure pas afin d’assumer son rôle d’assassin. Elle propose de le gracier. Constatant que Kaliayev refuse toujours de dénoncer ses camarades, Skouratov lui fait comprendre qu’il compte publier un article prétendant que Kaliayev s’est repenti et a dénoncé ses compagnons. Kaliayev estime que ses camarades ne seront pas dupes.

ACTE 5

Une semaine après les événements, Dora et Annenkov attendent Stepan dans un autre appartement. C’est le jour de la condamnation de Kaliayev et Stepan n’est pas sûr qu’il va être exécuté. Selon lui, Kaliayev a vu la Grande Duchesse pour essayer de se faire gracier et il est certain qu’il les a dénoncés. Cependant, Dora ne peut pas croire qu’il ait pu les trahir. Ils sauront la vérité cette nuit. Voinov, touché par le discours de Kaliayev lors de son procès, a finalement décidé de revenir au groupe afin de le remplacer. Dora est triste de la mort de Kaliayev, mais souhaite qu’il ait une mort rapide car c’est ce qu’il avait demandé. Il avait expliqué que seule la mort pouvait le pacifier. Stepan informe Voinov qu’il est l’heure de partir et qu’ils doivent retrouver Orlov pour en savoir plus sur l’exécution de Kaliayev. Annenkov leur demande de ne pas tarder trop longtemps.

Pendant qu’ils sont tous les deux, Annenkov essaie de convaincre Dora que Kaliayev a fait exactement ce qu’il devait faire. Dora doute de cela mais désire tout de même continuer la lutte mais pas par joie. Elle n’a plus la même ferveur qu’au début.

Stepan et Voinov reviennent. Stepan leur affirme qu’Orlov a bien assisté à la pendaison de Kaliayev. Ce dernier a été prévenu de son exécution à dix heures du soir et il a été pendu à deux heures du matin. Il était vêtu d’un feutre noir sans pardessus. Dora demande que Stepan lui donne tous les détails de sa mort. Tous sont au plus mal suite à la mort de leur compagnon, mais Dora leur explique que Kaliayev étant mort, il n’est plus un meurtrier. Dora demande à Annenkov d’être la prochaine à lancer la bombe. Annenkov n’est pas sûr, mais Stepan et Voinov la défendent et il finit par céder. Dora pleure à l’idée de pouvoir lancer la prochaine bombe et finir par être pendu à la même corde que celle de Kaliayev.

Présentation des personnages

Ivan Kaliayev (Yanek), qui est récemment devenu membre du parti, a tendance à être désinvolte et s’est donné le surnom de “Le Poète”. Il a également modifié le signal du parti de manière à y inclure sa propre version personnelle, ce qui a suscité la méfiance de Stepan à son égard. C’est le personnage principal de cette histoire qui finit par être pendu pour avoir tué le Grand-Duc. Yanek est confronté à un conflit intérieur entre ses convictions révolutionnaires et sa réticence à tuer pour les mettre en pratique. Cela le met en difficulté et le tourmente. Il est inspiré d’un personnage historique qui a commis un attentat à Moscou contre le Grand-duc en 1905.

Boris Annenkov est le chef du parti socialiste-révolutionnaire. Malgré les divergences du groupe, il saura faire en sorte que le groupe fonctionne bien. Toutefois, même s’il est content que Stepan fasse partie du groupe, il s’opposera à lui lors d’une dispute en estimant que tout ne doit pas être permis au nom de leur cause. Ce personnage est inspiré d’un personnage qui a réellement existé : Boris Savinkov qui était un écrivain et un révolutionnaire russe.

Dora Doulebov est la seule femme du groupe. Elle est amoureuse de Yanek et celui-ci est amoureux d’elle. Elle tentera de modérer les idéaux de Yanek lorsqu’il sera accusé du meurtre du Grand Duc, mais elle ne parviendra pas à le convaincre d’accepter la grâce offerte par la Grande Duchesse. Elle souhaite préparer la prochaine attaque qui lui permettra de le rejoindre. Cette femme a réellement existé puisque Boris Savinkov en parle dans ses mémoires.

Alexis Voinov est connu pour être franc et honnête, ce qui le rend vulnérable aux paroles de Stepan. Sa franchise lui a coûté sa place à l’université, mais cet événement lui a fait prendre conscience de la nécessité de lutter contre l’injustice, plutôt que de simplement la dénoncer. C’est pourquoi il a rejoint le parti socialiste-révolutionnaire. Néanmoins, il ne se sent pas capable de lancer la bombe et décide de partir militer dans les comités. Ce sont les paroles prononcées par Kaliayev au cours de son procès qui amèneront le jeune homme à réintégrer le groupe.

Stepan Fedorov est sorti du bagne où il a été incarcéré trois ans auparavant. Il rejoint son groupe de terroristes. Cet individu est connu pour être discipliné et rigoureux. Il est prêt à tuer deux enfants pour en sauver des centaines d’autres et est persuadé que rien n’est trop extrême pour faire réussir la révolution. Il s’oppose à Kaliayev dans la mesure où il n’éprouve aucune empathie.

La Grande Duchesse est profondément affectée par la mort du Grand-Duc, mais elle ne hait pas celui qui l’a tué. Elle va le rencontrer en prison et essaie de le persuader de se repentir et de trouver un moyen de se racheter, plutôt que de rester enfermé dans sa haine. Elle incarne l’espoir de rédemption, mais Kaliayev refuse cette chance.

Skouratov est le directeur du département de la police. Il est prêt à tout pour éliminer les terroristes et protéger ses propres intérêts. Il utilise des méthodes peu scrupuleuses, comme faire publier un article accusant Kaliayev de trahison afin de déstabiliser les membres du groupe. Cependant, ses manipulations ne fonctionnent pas avec Yanek, qui décide de ne pas révéler ce qu’il sait.

Foka est un individu ignorant et alcoolique qui a commis trois meurtres pour obtenir de l’alcool. Il incarne les membres les plus défavorisés de la société, ceux qui manquent de connaissances et de pouvoir. Il a accepté de devenir bourreau pour alléger sa peine de prison.

Le gardien est censé représenter la sécurité et l’ordre, mais il permet à Foka et Kaliayev de se parler en secret, à condition qu’ils ne fassent pas de bruit.

Analyse de l’oeuvre

Quelques remarques sur les cinq actes de la pièce

Le premier acte présente les personnages et leur plan terroriste, tout en créant une atmosphère de tension. Les traits de caractère de chaque personnage se dessinent : Annenkov est un leader autoritaire, Voinov est passionné, Stepan est inflexible, Dora est douce et Kaliayev est déterminé.
Le deuxième acte est très tendu et contient de nombreux moments de suspense. La conversation entre Stepan et Kaliayev aborde la question de l’objectif final et des moyens utilisés pour y parvenir, ainsi que de la légitimation de la violence terroriste.
Le troisième acte est plus sombre et les révolutionnaires sont moins motivés suite aux échecs de leur première tentative. Voinov décide de quitter le groupe. Seul Stepan semble satisfait de la situation, mais pas pour des raisons idéologiques, plutôt parce qu’il hait l’humanité, comme il le déclare à Dora.
Le quatrième acte introduit de nouveaux personnages et se déroule dans un nouvel environnement, ce qui montre que le groupe révolutionnaire initialement motivé a perdu de sa ferveur. Kaliayev se retrouve face à un choix difficile : soit il trahit ses compagnons et survit, soit il meurt en restant fidèle à ses convictions. Il choisit de ne pas dénoncer ses camarades et de ne pas révéler les motivations de son acte terroriste.
Le cinquième acte montre que le combat révolutionnaire se poursuit, mais sans l’enthousiasme initial. Dora choisit de poursuivre la lutte, mais pas par conviction, plutôt par désir de partager le sort de son bien-aimé.

Une écriture engagée

Dans cette pièce, Camus oppose deux groupes clairement définis : les terroristes, qui sont motivés par un désir de justice et sont connus sous le nom de “Justes“, et les aristocrates, qui détiennent un pouvoir illégitime et l’utilisent de manière abusive. Cette dichotomie manichéenne sous-tend toute l’intrigue et raconte les difficultés rencontrées par les terroristes et leur sacrifice final héroïque.
Les personnages eux-mêmes incarnent des idées et des valeurs qui s’opposent. Kaliayev, en refusant de trahir ses camarades et de dénoncer d’autres détenus pour réduire sa peine, montre une résistance inattendue face à la Grande Duchesse, qui ne comprend pas cet attachement patriotique.

Dans Les Justes, Camus s’inspire de personnages réels pour créer une pièce de théâtre tragique qui met en scène un attentat inspiré de celui qui a eu lieu à Moscou en 1905. La peur et la mort sont des éléments importants de l’histoire, et l’amour véritable qui se dégage de cette pièce est celui qui existe entre le parti et ses idéaux, plutôt que celui entre Dora et Yanek.

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