Créée à Versailles le 14 octobre 1663, L’Impromptu de Versailles est une comédie en un acte qui a servi à Molière d’attaquer Edme Boursault. Celui-ci avait critiqué le dramaturge français dans sa pièce Le Portrait du peintre (1663), qui se voulait une critique de L’Ecole des femmes, obtenant ainsi une certaine renommée. Découvrons ensemble cette pièce de théâtre qui diffère nettement du style habituel de l’un des dramaturges français les plus célèbres.
Résumé scène par scène de L’Impromptu de Versailles de Molière
SCÈNE 1
Molière est seul sur scène. Il est bien embêté étant donné que la pièce doit être jouée d’ici deux heures pour le roi, or aucun de ses comédiens n’est prêt. Il les appelle un à un (présentation). Brécourt, La Grange et du Croisy arrivent en premier, peu de temps après, le reste de la troupe entre en scène. Les comédiens se plaignent de ne plus se rappeler leur rôle. Ils estiment qu’ils n’ont pas eu assez de temps pour travailler leur réplique. Il précise que la place de Molière est confortable dans la mesure où il ne fait qu’écrire la pièce. Molière se défend en expliquant que toute présenter une pièce comique devant une assemblée respectée peut être intimidante. Cela le fait trembler et il aimerait se décharger de cette responsabilité.
En connaissance des craintes de Molière, les comédiens ne comprennent pas pourquoi il a entrepris, en huit jours, un travail qui aurait demandé plus de temps. L’auteur explique qu’il n’a fait qu’obéir au Roi. Ceux-ci préfèrent une obéissance rapide et instantanée pour leur divertissement. Les gens doivent plaire aux rois et s’exécuter rapidement, même si ce n’est pas parfaitement réussi.
S’ensuit une critique, effectuée par Mademoiselle Béjart, sur la tâche confiée à Molière, celle de faire la comédie des comédiens. Molière évoque une idée de comédie qu’il a eue dans laquelle un poète jouait le rôle principal. Il critiquait les performances des acteurs et leur montrait comment les scènes devaient être jouées en imitant des acteurs connus.
Molière se met alors à imiter des acteurs connus avant de redistribuer les rôles à chaque membre de sa troupe.
SCÈNE 2
Molière a enfin réussi à mettre toute sa troupe au travail. Il se prépare à faire les répétitions lorsqu’il est interrompu par La Thorillière qui ne cesse de lui poser des questions sur la pièce. Il fait des louanges à Mademoiselle du Croisy et Mademoiselle Hervé. Molière s’agace et arrive à le faire sortir, tant bien que mal, stipulant que les actrices ne veulent pas être incommodées pendant leurs répétitions.
SCÈNE 3
Molière répète avec la Grange. Il reprend le ton de ce dernier étant donné que sa voix ne fait pas du tout celle d’un Marquis. Ils se disputent pour savoir de qui se moque Molière dans sa précédente pièce. Ils parient une centaine de pistoles. Molière demande au Chevalier, joué par Brécourt, Molière reprend également le ton de celui-ci.
Selon le chevalier, les personnages de Molière sont des représentations générales de défauts humains et ne visent pas une personne en particulier, dans le cas inverse, cela empêcherait la création de futures comédies.
Au cours d’une grande tirade, Molière reprend Brécourt une seconde fois, puis ils reviennent à la pièce où entrent Climène et Elise jouées par Mademoiselle Molière et Mademoiselle du Parc. Molière leur donne des conseils sur la posture à adopter.
On donne des chaises à ces deux femmes. L’une fait des louanges sur l’aspect physique de l’autre. Cette dernière a du mal à y croire. Tous viennent assister à une pièce de théâtre écrite par un certain Boursaut, qui raillerait Molière. Ils expriment leur colère contre Molière.
Mademoiselle Béjart sort de son personnage pour signifier à Molière qu’il aurait dû être plus ferme et tout dire sans épargne compte tenu du mauvais traitement qu’il a reçu dans la pièce. Mademoiselle de Brie ne comprend pas qu’il se laisse faire de cette façon. Sachant que ces livres sont déchirés et censurés. Pour Molière, critiquer une pièce qui a connu du succès, c’est remettre en question le jugement des personnes qui l’ont apprécié. Molière se défend contre les critiques de sa pièce de théâtre. Il accepte les commentaires négatifs sur sa pièce, et même les encourage à en faire une nouvelle version. Il a bien conscience que ce “Boursaut” n’est rien, et c’est pour cette raison qu’il le critique, pour recevoir un peu de gloire. Toutefois, Molière demande à ses détracteurs qu’ils ne touchent pas à des sujets personnels. Molière clôt le débat et recentre tout le monde sur les répétitions qu’ils sont en train de faire.
SCÈNES 4 à 10
Béjart arrive pour signifier à Molière que le Roi est arrivé et qu’il attend que la pièce commence. Molière lui demande un peu de patience, étant donné que les femmes souhaitent répéter encore un petit moment.
Molière se concentre sur sa pièce lorsque Mademoiselle de Brie lui demande qu’il aille s’excuser auprès du Roi. Ce dernier est pressé de voir la pièce. Il envoie un premier nécessaire, un deuxième, un troisième puis un quatrième pour que Molière se dépêche.
SCÈNE 11
Dans la dernière scène, Béjart revient pour expliquer à Molière que le Roi, ayant eu vent des désagréments liés à cette pièce, acceptait de la reporter à une autre fois. Il consent donc à se contenter de la première que le dramaturge pourrait lui donner. Molière est ravi de la bonté et de la grâce du Roi.
Présentation des personnages
Dans L’Impromptu de Versailles, Molière s’est concentré essentiellement sur l’intrigue, délaissant un peu les personnages. Ainsi, on se retrouve avec une myriade de protagonistes ayant peu, voire pas du tout, d’informations sur leurs caractères. D’une part, nous avons Molière, qui alterne entre son personnage et son rôle de metteur en scène et écrivain, de l’autre, nous avons les comédiens de la troupe de Molière.
L’auteur de la pièce
Molière joue son propre personnage sur scène en tâchant de faire en sorte que les répétitions puissent donner lieu à la représentation programmée d’ici peu. Il joue également le rôle d’un autre personne qui n’est pas clairement défini dans lequel il se critique lui-même.
Les Comédiens
- Monsieur De la Grange joue le rôle de Marquis ridicule pour faire rire l’assemblée. Ce personnage n’a pas l’air de l’enchanter.
- Mademoiselle du Parc joue le rôle d'”une façonnière“, une Marquise qui fait des façons. Ce qui est difficile pour elle étant donné qu’elle est tout l’antipode de ce genre de femme.
- Monsieur Du Croisy doit jouer le rôle du poète. Il doit avoir cet air suffisant qu’ont les gens du “beau monde“.
- Monsieur Brécourt joue le personnage du Chevalier. Pour remplir son rôle à la perfection, il doit avoir “un air posé” et “un ton de voix naturel“.
- Mademoiselle Béjart doit s’acquitter du rôle de la prude qui regarde les autres de hauts et croit que tout lui est dû.
- Mademoiselle De Brie joue le personnage de la coquette vertueuse qui se dissimule sous les apparences.
- Mademoiselle Molière, qui est également la femme de Molière, doit jouer la spirituelle. Son personnage se veut satirique.
- Mademoiselle du Croisy joue le rôle de ces femmes qui font cas des commérages et qui usent de la critique envers tout le monde, soit une “peste doucereuse“. Selon Molière, ce personnage colle parfaitement à la peau de Mademoiselle du Croisy.
- Mademoiselle Hervé joue le rôle de “la soubrette de la précieuse“.
Les autres personnages
- La Thorillière est un marquis fâcheux qui vient interrompre les répétitions en posant des questions à Molière sur la pièce. Il incarne le fauteur de troubles, l’indésirable.
- Monsieur Béjart joue le rôle du nécessaire du Roi.
- Les quatre nécessaires du roi
Analyse de l’oeuvre
Le contexte de la pièce
Créée à Versailles en 1663, cette comédie de Molière diffère de toutes ses autres pièces de théâtre. Elle est sortie la même année que La critique de l’école des femmes qui était une réponse aux critiques que le dramaturge avait reçues pour sa pièce L’école des femmes (1662). Dans L’Impromptu de Versailles, Molière met en scène ses acteurs qui doivent jouer le rôle de leurs propres personnages, tout en endossant le rôle d’un personnage que Molière leur à attribuer en amont lors de la fin de la scène première.
Dans L’Impromptu de Versailles, Molière fait du “théâtre dans le théâtre“. Nous avons des acteurs qui tiennent des rôles et des acteurs qui jouent de faux spectateurs. Cette mise en abîme permet aux vrais spectateurs de découvrir ce qu’il se passe en coulisse. C’est l’occasion pour eux de découvrir les angoisses des acteurs (trous de mémoire, peur de ne pas savoir jouer le rôle, …) mais également les inquiétudes du dramaturge (peur de ne pas être à la hauteur, refus d’être jugé sur sa vie privée). Les spectateurs découvrent à quel point Molière encourage ses acteurs, les conseille, les reprend et parfois même les “gronde” afin que tout le monde puisse rester concentré. Mais quelle tâche ardue lorsque les comédiens sont dissipés, que le temps manque et que certains, comme La Thorillière, viennent interrompre le bon déroulé des répétitions.
Une pièce porteuse de messages
D’autre part, cette mise en abîme permet à Molière de répondre à ses détracteurs de manière subtile. En effet, lorsqu’il endosse son propre personnage, il sous-entend que cette pièce n’a pas pour objectif de répondre aux critiques. Néanmoins, lorsqu’il endosse la peau de son personnage pour la deuxième pièce de théâtre, il s’avère qu’il répond à ceux qui l’ont critiqué pour L’école des femmes.
Si dans un premier temps, Molière souhaite que cette pièce puisse plaire aux spectateurs étant donné qu’en tant que dramaturge, il obtient de sa pièce ce qu’il veut lorsque celle-ci a plus “aux augustes personnes“. Cette pièce permet également d’adresser de nombreux messages. Ici, Molière stipule qu’il se fiche bien de ne pas être apprécié par ses détracteurs, du moment que son travail plaît à un grand nombre de personnes, et de surcroît à des personnes illustres, telles que le Roi lui-même. En intégrant le personnage de Monsieur Lysidas, un dramaturge qui ne fait pas de bruits et dont les propos plaisent aux savants, Molière se moque de ces dramaturges lisses qui respectent les normes et les convenances. En choisissant de peindre les mœurs de la société, Molière a conscience que ceux qu’ils critiquent peuvent se reconnaître, ce qui peut lui attribuer une forte critique. Toutefois, il définit la comédie le fait “de représenter en général tous les défauts des hommes“.
Pour lui, ses détracteurs sont un excellent moyen de lui faire de la publicité. Que l’on parle de lui, en bien ou en mal, on parle de lui. Tel pourrait être la formulation moderne véhiculée par Molière dans cette pièce. D’autant plus que certains de ses critiques usent de la renommée du dramaturge pour se faire un coup de publicité. C’est l’occasion pour eux de se faire connaître.