La Roue d’eau est une nouvelle écrite par Jean-Marie Gustave Le Clézio, un auteur français et mauricien. Cette nouvelle fait partie du recueil Mondo et autres histoires et a été publiée en 1978. Abordons cette nouvelle du XXème siècle ensemble qui explore des thèmes tels que le mouvement cosmique, le recommencement et l’éternité à travers des images liées à l’eau qui coule et le mouvement circulaire.
Résumé détaillé de Mondo et autres histoires – “La Roue d’eau” de Jean-Marie Gustave Le Clézio
Juba et la symphonie de l’aube
Juba se réveille tôt et regarde le fleuve et les champs depuis sa porte. Il part en silence à travers les champs, ressentant l’arrivée de la lumière du jour. Il libère des bœufs et les guide vers une noria. Les bœufs avancent en soufflant, faisant craquer le mécanisme en bois.
Le narrateur décrit un paysage rural au lever du soleil, avec une terre rouge, des oiseaux qui s’envolent et des bœufs qui travaillent. La musique de la roue de bois, de la courroie de cuir et de l’eau qui coule crée une ambiance paisible, et Juba chante pour lui-même.
Juba regarde le ciel et les mouvements de l’engrenage de lumière dans l’espace, tout en travaillant avec des bœufs sur une ferme. En fermant les yeux, il se laisse emporter par la chaleur et la lumière et se trouve transporté sur les ailes d’un vautour blanc, survolant une terre rouge et une ville étrange et blanche nommée Yol, que son père a dit être une ville pour les esprits des morts. Jadis y régnait un roi qui portait le même nom que Juba.
La ville de Yol : le retour du roi
La ville est décrite comme luxueuse, avec des bâtiments imposants, des palais et des temples. La musique monotone des roues d’eau résonne dans les rues et la foule se rassemble pour accueillir Juba, le roi. Il marche vers le sommet du temple de Diane, vêtu de blanc, et regarde au-delà de la ville vers les champs déserts et les montagnes. Il se présente au peuple comme Juba, le fils de Juba, le petit-fils d’Hiempsal, le roi. Cléopâtre Séléné, fille d’Antoine et de Cléopâtre, est également présente. La foule crie son nom et celui de Juba. La lumière du soleil change de couleur sur les murs de marbre et les ombres des colonnes s’allongent.
Juba et Cléopâtre Séléné sont assis en haut des marches d’un temple, entourés de colonnes de marbre. Ils admirent le paysage et la ville qui les entoure. Juba exprime sa joie de revenir dans cette ville et son désir de la rendre encore plus belle. Il partage ses rêves d’établir un centre de connaissances, où les hommes viendraient apprendre la philosophie, la science des astres et la science des chiffres. Cléopâtre Séléné écoute sans comprendre, mais partage l’admiration pour la ville.
Juba parle de son intention de réunir les hommes les plus sages dans ce temple pour écrire l’histoire de la terre et des hommes. Il dit qu’il n’est pas venu pour se venger et mentionne que son fils Ptolémée naîtra bientôt pour régner sur la ville et assurer la continuité de leur lignée.
Tous deux se tiennent debout, face à la mer, éclairés par la lumière éblouissante du ciel. Le paysage autour d’eux semble trembler et vibrer, comme les reflets du soleil sur les grands lacs de sel. La musique des grandes roues cachées se mêle au bruit des vagues et résonne dans leurs oreilles comme un appel lointain au nom de Juba.
Changement d’ambiance
Les ombres s’étendent sur la terre alors que le soleil se couche à l’ouest. Juba observe les édifices qui semblent trembler et se défaire, tandis que les voix humaines disparaissent progressivement. La ville de Yol ressemble à un cimetière sous-marin. Les colonnes et escaliers sont engloutis, et il n’y a plus ni hommes, ni femmes, ni enfants.
Le croissant de lune apparaît dans le ciel sombre. Juba enlève son voile et puise un peu d’eau pour se rafraîchir. Il observe les champs déserts et détache les bœufs de la roue. La nuit monte, et les femmes allument des feux de braise. Juba entend son nom appelé au loin et guide les bœufs en bas du monticule avant de les attacher.
Dans le silence de la vallée, Juba contemple les alentours et se demande si la ville réapparaîtra demain lorsque les roues tourneront à nouveau. Il se met ensuite en route vers les maisons où les vivants l’attendent.
Présentation des personnages
Juba est un jeune berger qui vit avec ses parents, son frère et ses deux sœurs. Il mène une vie monotone où chaque jour se ressemble, travaillant en tant que bouvier et faisant tourner les bœufs pour monter l’eau dans les champs. Il vit en accord avec la nature et parle avec des animaux. Physiquement, il n’y a pas beaucoup de détails disponibles, mais on sait qu’il porte une étoffe blanche qui couvre sa tête et son corps. Juba incarne un personnage en harmonie avec son environnement naturel, et la répétition de ses actions quotidiennes fait écho à un mouvement cosmique circulaire. La roue d’eau, ou noria, est un mécanisme qui symbolise ce mouvement cyclique, et la nouvelle explore la réflexion de Le Clézio sur le lien entre l’homme et la nature. L’eau, quant à elle, a une symbolique de régénérescence et de vie nouvelle, tant sur le plan physique que spirituel.
Juba Roi est issu de l’imagination de Juba qui, par ennui, se met à créer un personnage avec lequel il s’identifie. Il y a une fusion, une osmose des deux Juba : Juba Ier, dernier roi de Numidie orientale et son fils Juba II le roi de Maurétanie. Dans la Roue d’eau de Le Clézio, Juba Roi est en compagnie de Cléopâtre Séléné, la fille de Cléopâtre VII et de Marc Antoine, qui était l’épouse de Juba II.
Analyse de l’oeuvre
La Roue d’eau est une nouvelle riche en images liées à l’eau qui coule, comme l’irrigation, l’inondation et le mouvement circulaire des bœufs et de la roue. Cet élément est central dans cette histoire et occupe une place à la fois sensuelle et poétique. La philosophie de l’eau, telle qu’elle est développée par Bachelard, décrit l’eau comme une matière élémentaire à partir de laquelle notre imagination fait émerger des rêves, des poèmes, des métaphores et des œuvres d’art. L’eau dans La Roue d’eau peut être considérée comme une source d’inspiration pour les personnages, les aidant à transcender leur réalité quotidienne et à rêver d’un avenir différent.
Dans cette nouvelle, on rencontre Juba, un jeune garçon qui vit en Maurétanie et qui, chaque jour, se lève avant le lever du soleil pour accomplir ses tâches quotidiennes le long du fleuve. La monotonie de son existence l’amène à rêver d’un personnage : Juba roi avec lequel il se confond. La fascination du héros-enfant pour ce personnage imaginaire peut être perçue comme une quête d’identité et de connaissance de soi. Il est possible que cette quête l’amène à découvrir et à comprendre les différentes facettes de son héritage culturel et historique, y compris les liens avec les rois de Maurétanie. Dans cette perspective, le personnage de Juba pourrait symboliser la rencontre entre les cultures berbère et romaine, ainsi que la nécessité de trouver un équilibre entre les deux.
La nouvelle de cet auteur français aborde également des thèmes philosophiques et éthiques, notamment la notion de temps, d’interdépendance et de cycles. La roue d’eau, en tant que métaphore du temps qui passe, rappelle la chaîne infernale des douze liens des origines interdépendantes dans les textes bouddhiques, qui se conditionnent les uns les autres. Cette idée de cycles interconnectés est reflétée dans le mouvement circulaire de l’eau et dans la vie quotidienne de Juba, qui est pris dans ce cycle de travail, de vie et de mort. La roue d’eau, qui symbolise ici le mouvement perpétuel, répète la roue du soleil dans le ciel, la roue du passé et du futur, dans un accord profond entre le réel et le cosmique. Il est intéressant de mettre en lien la notion de temps et de l’eau avec la philosophie de Masaru Emoto qui estime que l’eau est capable de stocker les informations énergétiques de son environnement et de les refléter à travers ses cristaux.
Ainsi, on pourrait supposer que l’eau apporte un souvenir à Juba, il lui rappelle celui qu’il a été : le roi Juba II qui, comme son père le dit, a régné sur Yol, il y a très longtemps.
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