Littérature

Albert Camus, La Chute : résumé, personnages et analyse

Image de la fiche de lecture La Chute, fiche de lecture d'Albert Camus rédigée par Les Résumés.
Ecrit par Les Résumés

La Chute est un roman court d’Albert Camus publié par Gallimard en 1956. Il est composé de six parties non numérotées et raconte l’histoire d’un homme qui confesse ses actions à un inconnu rencontré dans un bar à Amsterdam. Ce roman devait initialement être inclus dans le recueil L’Exil et le Royaume, qui a été publié en 1957 et qui est la dernière œuvre littéraire de l’auteur français. Explorons cette œuvre du XXème siècle ensemble.

Résumé détaillé journée par journée de La Chute d’Albert Camus

Première journée, première rencontre

Jean-Baptiste Clamence rencontre un compatriote dans un bar à Amsterdam appelé Mexico-City. Il lui propose de lui servir d’interprète avec le barman et se présente comme étant un “juge-pénitent”, qui s’accuse lui-même de ses propres actions afin de pouvoir être juge. Clamence raccompagne son interlocuteur en traversant le quartier juif et parle de l’histoire de la guerre et des crimes des nazis, ainsi que de la Hollande comme étant un “pays de rêveurs et de marchands”. Clamence quitte son interlocuteur devant un pont en disant qu’il s’est juré de ne plus jamais traverser un pont la nuit et donne rendez-vous à son interlocuteur pour le lendemain.

Deuxième journée, un sourire qui semble double

Clamence retrouve son interlocuteur comme convenu. Il lui parle de son passé, en expliquant comment il a mené une brillante carrière en tant qu’avocat à Paris. Il était respecté et s’engageait dans des causes nobles. Il avait une haute opinion de lui-même et se sentait supérieur aux autres. Selon lui, sa vie était une fête et il était heureux. Un soir d’automne, alors qu’il se trouvait sur le pont des arts à Paris, Clamence entendit un rire mystérieux qui le perturba. Quand il rentra chez lui, il se regarda dans le miroir et s’aperçut que son sourire lui semblait double.
La discussion se finit ainsi et Clamence promet à son interlocuteur de revenir le lendemain.

Troisième journée, une prise de conscience

Le long des canaux, Clamence poursuit son récit en racontant comment son rire sur le pont lui a révélé sa vanité et comment cette prise de conscience lui a permis de s’en rendre compte. il mentionne un épisode où il s’est montré violent envers une automobiliste. Ainsi, ses relations avec les autres étaient démesurées, notamment ses relations avec les femmes qui étaient totalement guidées par son orgueil. Il se rappelle également avoir été témoin d’une jeune femme se jetant dans la Seine quelques années auparavant et ne rien avoir fait pour la sauver, se contentant de poursuivre son chemin, pétrifié par le froid.

Quatrième journée, manger pour ne pas être mangé

Sur l’île de Marken, Clamence continue sa confession où il explique qu’après avoir pris conscience de l’infamie de ses actions, il a essayé de trouver l’amour de ses contemporains, mais il n’a reçu que leur jugement. Soumis aux hostilités de certains et aux moqueries des autres, il décida de se joindre à la grande pantomime sociale. Pour éviter de souffrir de la cruauté des autres, il fit le choix de se montrer cruel également afin de briser l’image d’homme honnête qu’on avait de lui. Cette période stérile ne fit qu’accroître la souffrance qui le hantait de manière encore plus aiguë.

Un peu plus tard, sur le bateau qui l’amène à Amsterdam, Clamence évoque avec mélancolie la beauté et la pureté de la Grèce, puis revient à son récit. Il a tenté de trouver l’amour, mais sans succès, et a fini par se laisser aller à la débauche avant de sombrer dans le “mal confort“. Il finit par admettre sa culpabilité et par croire que tous les hommes sont coupables. Il cite l’exemple du Christ, qui est mort sur la croix pour un péché, le massacre des enfants de Judée, dont il se sent obscurément responsable.

Cinquième jour, le miroir de l’humanité corrompue

Clamence, qui est actuellement alité avec de la fièvre, reçoit la visite de son interlocuteur dans sa chambre. Il lui raconte qu’à l’époque de la guerre, il était prisonnier et a volé de l’eau à un camarade mourant. À l’époque, il a facilement trouvé une justification pour cet acte de lâcheté. Aujourd’hui, il a caché dans le placard de sa chambre un tableau intitulé Les Juges Intègres de Van Eyck, qu’il a volé en 1934. Il lui a été confié par le patron du Mexico-city. Ce tableau est activement recherché par les polices du monde entier. Il espère qu’un jour, il sera arrêté pour avoir caché le tableau. Clamence explique que son travail de “juge-pénitent” consiste à se présenter comme le plus vil exemple possible, afin que les autres puissent voir leur propre infamie se refléter en lui, comme le miroir de l’humanité corrompue.
Chaque fois qu’il rencontre un nouveau “client“, il espère que ce sera un policier qui viendra l’arrêter pour avoir caché le tableau. Cette fois, l’inconnu qu’il a rencontré dans un bar d’Amsterdam n’est toujours pas le policier qu’il attend. Il s’avère n’être qu’un avocat parisien, tout comme lui.

Présentation des personnages

Jean-Baptiste Clamence est le narrateur du roman. Il est le seul personnage dont nous avons connaissance. Il se décrit comme ayant l’apparence d’un athlète appréciant les grandes villes. C’est un avocat parisien qui se vante de défendre les plus démunis. Il appartient à la bourgeoisie française et se félicite de sa beauté physique et de son talent pour les discours. Au début de l’histoire, il semble être un homme heureux et apprécié, jouissant de sa notoriété, de ses relations avec les femmes et de sa capacité à séduire. Toutefois, progressivement, cet amour de soi s’efface par une prise de conscience dont l’élément déclencheur serait la chute d’une femme, un soir, au bord de la Seine. Par la suite, il évoque des passages de sa vie peu glorieux comme le fait qu’il ait été violent envers une automobiliste ou qu’il ait volé de l’eau à un prisonnier à l’agonie. Jean-Baptiste Clamence relève plus de l’anti-héros que d’un personnage héroïque.

L’interlocuteur est un personnage introduit dès les premières lignes du récit, lorsque Jean-Baptiste Clamence le rencontre par hasard dans un bar d’Amsterdam. “Puis-je, Monsieur, vous proposer mes services sans risquer d’être opportun ?”. L’interlocuteur accompagne Clamence tout au long du roman et sert de compagnon et de destinataire pour la confession de Clamence. Il reste assez mystérieux car le lecteur ne connaîtra jamais son véritable nom ou son identité. Il peut être vu comme le reflet de Clamence ou même comme n’existant pas réellement. L’interlocuteur n’intervient pas vraiment dans les échanges avec Clamence et sert plutôt de réceptacle pour la confession de ce dernier. En tant que lecteur, nous pouvons facilement nous identifier à cet interlocuteur et être réceptifs aux informations partagées par Clamence.

Analyse de l’oeuvre

Un titre qui aborde plusieurs dimensions

La Chute est un court roman publié en 1956. À cette époque, Camus avait pensé à d’autres titres comme “Le Cri” contre la société toute entière. Néanmoins, la chute abordait diverses dimensions qui étaient fortement intéressantes pour l’auteur.

Il y a d’abord une chute physique, dans laquelle une femme se suicide du haut du Pont Royal. C’est un élément déclencheur qui va permettre de faire comprendre la dualité du narrateur.
Cette chute est également sociale étant donné que ce brillant avocat finit par faire du recel avec le patron du Mexico-city. En étant “juge-pénitent”, Clamence confesse ses fautes, mais toutefois, il ne cesse de se punir pour être resté stoïque lorsque cette femme a sauté.
En s’installant à Amsterdam, une ville en totale opposition à celle des Lumières, une chute géographique est également présente. Il quitte les hauteurs parisiennes pour une ville plate, en dessous de la mer. Il y a une sorte d’idée du paradis, incarné par la ville de Paris, et d’Enfer symbolisait par Amsterdam.
Dans ce court roman, il y a une dimension religieuse. En effet, le nom de Jean-Baptiste, “Clamence” rappelle “Clamans in deserto” signifiant “criant dans le désert”. D’ailleurs, le prénom de Jean-Baptiste peut également faire référence au prophète qui a baptisé le Christ dans les eaux du Jourdain. Dans la bible, la chute fait référence à la chute d’Adam et Eve.
D’autre part, la chute fait référence au travail réalisé par Clamence en tant que “Juge-pénitent” dans lequel il raconte son histoire aux autres, les invitant alors à se confesser eux-mêmes sur leurs propres fautes.

Le reflet de l’humanité

Dans La Chute, Jean-Baptiste Clamence devient un reflet de l’humanité toute entière, symbolisant tous les individus qui ont perdu leur innocence et ont commis des fautes de quelque nature que ce soit. Sa vie est devenue un mensonge, car il est en total décalage avec les valeurs qu’il prônait auparavant. Pour lui, la seule solution est la confession, l’affrontement de cette vérité, comme un moyen d’accéder à la liberté. Cependant, cette liberté est douloureuse car elle implique la peur de se confronter à ses propres défauts. Sans confession et sans acceptation de cette absurdité, Clamence reste esclave de son mensonge de vie et de sa condition humaine, en s’accrochant à des valeurs qui ne lui correspondent plus.

Quel est le sens de la vie ?

Le personnage de Jean-Baptiste Clamence se pose la question du sens de sa vie, ce qui l’amène à réfléchir sur l’absurdité de l’existence humaine telle que décrite par Albert Camus. Selon Camus, le sens de la vie se réduit souvent à des habitudes et il y a un manque de sens profond. En réalité, la vie n’a pas de sens inné et cette réalité est difficile à accepter pour ceux qui cherchent des réponses. L’absurdité réside dans l’écart entre ce que l’on attend de la vie et ce que l’on réalise au fil de l’existence. Clamence réalise que tous les humains sont fautifs et ont déjà commis des fautes, ce qui le fait douter de ses propres valeurs et du sens de sa vie. La seule certitude pour l’homme est sa propre finitude, sa conscience de la mort inévitable. Toutes les autres questions restent sans réponse.

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