Littérature

Guy de Maupassant, Contes de la Bécasse, Les Sabots : résumé, personnages et analyse

Page d'accueil de la fiche de lecture avec un résumé de Les Sabots des Contes de la Bécasse de Guy de Maupassant
Ecrit par Les Résumés

En 1883, Guy de Maupassant a publié cette nouvelle intitulée Les Sabots, sous son nom de plume “Maufrigneuse“. Explorons ensemble cette nouvelle réaliste du recueil Contes de la Bécasse.

Résumé détaillé de Contes de la Bécasse – “Les Sabots” de Guy de Maupassant

Un jour d’été, le vieux curé du hameau de la Sablière annonce, à la fin de la messe, que M. Césaire Omont, est en quête d’une jeune servante. Le couple Malandain estime que leur fille, Adélaïde, âgée de vingt et un ans, pourrait correspondre aux profils. Ils ordonnent à leur fille de tout faire pour convenir aux exigences de M. Omont. Le soir même, après le repas, la mère Malandain et sa fille se rendent chez M. Omont qui accepte Adelaïde comme servante.

Dès le lendemain, Adélaïde se rend chez M. Omont qui établit les limites. Elle se montre obéissante en accomplissant toutes les tâches qu’il lui demande, que ce soit préparer les repas, lui tenir compagnie, boire du café pour lui faire plaisir, et même boire de l’eau-de-vie. Le soir venu, elle partage sa couche, car il se sent seul.

Six mois après, elle se rend chez ses parents qui remarquent qu’elle a pris du poids. Ils lui posent des questions, et elle leur avoue qu’elle passe ses nuits avec le maître. Elle leur confie qu’elle ne savait pas que c’était ainsi qu’on faisait des bébés. Le père va voir le maître Omont, et le dimanche suivant, le bon curé annonce les fiançailles de maître Omont et d’Adélaïde.

Présentation des personnages

Céleste-Adélaïde Malandain est le personnage principal de cette nouvelle. C’est une jeune femme de vingt-et-un ans, à la fois soumise et naïve. Elle n’a pas de caractère et laisse ses parents lui dicter sa vie. Adélaïde accepte docilement ce qu’on lui demande sans jamais se rebeller, ni faire aucune objection. Elle suit les ordres de son père, en répondant à toutes les exigences de Maître Omont. Elle boit du café alors qu’elle n’aime pas ça, et va jusqu’à partager sa couche pour qu’il ne soit pas seul. Lorsque ses parents s’étonnent de ses rondeurs, elle est surprise d’apprendre qu’elle s’est fait engrosser. Son ignorance sur le “comment on fait les bébés” souligne la stupidité de ce personnage qui se révèle un peu simple d’esprit. Toutefois, le personnage d’Adélaïde est un élément clé de la nouvelle. En effet, il suggère que même les personnes les plus niaises peuvent gravir l’échelle sociale. En effet, à la fin de la nouvelle, le curé annonce les fiançailles de M. Omont avec Adélaïde.

M. Onufre-Césaire Omont est un personnage riche et puissant, âgé de cinquante ans. Ce veuf est à la recherche d’une servante honnête. Le couple Malandain lui propose leur fille qu’il accepte après l’avoir bien examinée comme s’il s’agissait d’un produit. Cet homme jovial est également un homme impulsif et colérique qui souhaite que sa servante obéisse à toutes ses exigences, et ce, jusqu’à satisfaire ses pulsions sexuelles. La répétition de l’expression “nom de D…“ laisse entrevoir un personnage grossier et violent. Du fait de sa position sociale, il traite Adélaïde avec mépris et la contraint à accepter ses demandes, sous peine d’être renvoyé sur-le-champ. M. Omont est un homme qui profite clairement de sa situation pour satisfaire tous ses besoins primaires. Il incarne la perversion humaine. À la fin, il consent à se marier avec Adélaïde. Si les raisons ne sont pas évoquées, nous pouvons supposer qu’il a trouvé en elle, la parfaite petite créature docile dont il peut jouir à sa guise.

Les parents d’Adélaïde sont des paysans du hameau de la Sablière. Le père est un petit paysan sec et ridé, tandis que la mère est une femme qui réfléchit avant d’agir. C’est elle qui a le dernier mot dans les décisions familiales. Ils incarnent des gens simples et peu instruits, et leur mode de vie est axé sur la survie. Ils voient l’opportunité d’envoyer leur fille Adélaïde travailler comme servante chez maître Omont, un veuf riche qui vit de ses rentes. Peu scrupuleux, ils n’hésitent pas une seule seconde à sacrifier leur fille afin qu’elle leur assure un avenir plus confortable. Ils semblent plus inquiets à l’idée qu’Adélaïde ne puisse pas remplir son rôle correctement plutôt que de se soucier de son bien-être. Ce qui est comique, c’est qu’ils l’envoient chez M. Omont comme si elle était une vulgaire marchandise. En un sens, ils prostituent leur fille et s’étonnent ensuite de la voir tomber enceinte. L’expression “tout de même encore pu sotte que j’aurais cru” utilise l’ironie pour souligner l’hypocrisie de la société qui tolère la situation d’Adélaïde tout en la condamnant.

Le vieux curé dirige la paroisse du village depuis quarante ans. Lors des messes, il donne des conseils pratiques aux paysans et leur rappelle ce qu’ils ne doivent pas faire. Bien qu’il ne soit qu’un personnage secondaire, il est présent tout au long de la nouvelle et sert de contexte à l’histoire d’Adélaïde. Les gens du village lui font confiance pour résoudre les petits problèmes de la vie quotidienne, car il représente l’autorité morale et religieuse.

Analyse de l’oeuvre

La soumission d’Adélaïde face aux conventions sociales et familiales de son époque

Dans Les Sabots, l’auteur français aborde les relations entre les membres d’une famille paysanne. En effet, les parents cherchent à améliorer leur situation financière en envoyant leur fille comme servante chez un riche veuf, Césaire Omont. Adélaïde se retrouve donc exploitée par sa famille et par son employeur. Issue d’une famille pauvre et peu instruite, Adélaïde apparaît ignorante. En effet, elle ne connaît rien des relations sexuelles jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte. Cet épisode illustre également le fait que la sexualité de l’époque était moins débridée que maintenant. C’était un acte réservé au domaine de l’intime et de la sphère privée, presque inavouable. Adélaïde n’a donc jamais eu de relations sexuelles et, par conséquent, elle ne sait pas vraiment ce qu’elle fait avec M. Omont. “Elle prononça, à travers ses pleurs : « J’savais ti, mé, que ça se faisait comme ça, d’s’éfants ! »“. Pour Adélaïde, elle n’a rien fait de mal. Elle a respecté son rôle docilement sans faire de vague : celui de satisfaire toutes les exigences de M. Omont.

Le pouvoir insoupçonné de la femme soumise

En tant que fille, Adélaïde n’est bonne qu’à être exploitée par ses parents pour leur assurer une situation plus confortable. M. Omont abuse de son statut social pour jouir de tous ces besoins primaires. C’est un homme riche qui peut s’acheter du bon temps. Adélaïde est une victime dans cette histoire. Soumise, elle fait passer les besoins de sa famille avant les siens. D’ailleurs, ce n’est pas une femme très affirmée puisqu’elle ne montre pas réellement ce qu’elle veut. Elle exprime ce qu’elle n’aime pas, mais n’a pas la force, ni le caractère nécessaire pour se refuser à faire ce qu’elle ne souhaite pas faire. C’est une femme docile qui a accepté son rôle : celui de répondre à toutes les exigences de son maître. Néanmoins, Maupassant montre que la femme détient un réel pouvoir, et ce, même lorsqu’elle est niaise, comme l’est Adélaïde. Par le mariage, une femme, si tant est qu’elle soit jeune et jolie, peut obtenir un statut social plus élevé. En se mariant avec M. Omont, Adélaïde s’assure une vie plus confortable et peut s’émanciper de ses parents pour devenir une femme indépendante.

L’inhumanité de la marchandisation de l’être féminin

La nouvelle souligne la manipulation et la cupidité des parents d’Adélaïde, qui cherchent à la vendre comme une vulgaire marchandise pour gagner de l’argent. Tout cela est présenté de manière réaliste et sans fioritures, soulignant la tragédie de la vie d’Adélaïde, qui est utilisée et exploitée par les autres à leur propre avantage. Sa condition humaine est totalement écartée. Chacun voit en elle son propre désir, et ce, sans tenir compte de ses propres désirs. Est-elle vraiment niaise ou a-t-elle capitulé en se soumettant au rôle de femme-objet qu’on lui a attribué ? Lorsque ses parents décident de l’envoyer en tant que servante chez M. Omont, Adélaïde est présente. Néanmoins, ils ne la remarquent pas. Ils parlent d’elle à la troisième personne du singulier. “« Ça s’rait p’têtre bon, c’te place chez maîtr’ Omont, vu que le v’là veuf, que sa bru l’aime pas, qu’il est seul et qu’il a d’quoi. J’ferions p’têtre ben d’y envoyer Adélaïde. » La femme posa sur la table la marmite toute noire, enleva le couvercle, et, pendant que montait au plafond une vapeur de soupe pleine d’une odeur de choux, elle réfléchit. L’homme reprit : « Il a d’quoi, pour sûr. Mais qu’il faudrait être dégourdi et qu’Adélaïde l’est pas un brin. ».

Ce n’est qu’une fois qu’ils se sont mis d’accord qu’ils s’adressent à elle, et ce, sans lui demander une seule fois son avis. “Puis, se tournant vers sa fille, une gaillarde à l’air niais, aux cheveux jaunes, aux grosses joues rouges comme la peau des pommes, elle cria : « T’entends, grande bête. T’iras chez maît’ Omont t’proposer comme servante, et tu f’ras tout c’qu’il te commandera. » La fille se mit à rire sottement sans répondre. Puis tous trois commencèrent à manger.“. En riant de la sorte, nous pouvons nous demander si Adélaïde saisit vraiment ce qu’il se passe. D’autant plus que lorsqu’elle écoute son père, le narrateur la décrit comme étant “inerte, le regard errant et vague, docile et stupide.

L’entretien chez M. Omont illustre clairement le rôle d’objet qu’Adélaïde a. Encore une fois, la mère et M. Omont échangent ensemble alors qu’elle est présente. Dans cette scène, on pourrait voir une marchande (la mère d’Adélaïde) qui tente de vendre sa marchandise (sa propre fille) à son client (M. Omont). Adélaïde ne fait que respecter ce que l’on attend d’elle. Néanmoins, on lui en demande beaucoup trop et elle pourrait se révolter, mais elle ne fait pas. Son manque de caractère et sa docilité témoignent qu’on a à faire à une femme simple d’esprit, victime de ses parents qui l’utilisent comme monnaie d’échange pour s’assurer d’une vie plus confortable.

Les Sabots met donc en lumière les enjeux sociaux qui peuvent sous-tendre les relations familiales et la manière dont ces relations peuvent être façonnées par des facteurs économiques et sociaux.

Analyse philosophique

Avec Les Sabots, Maupassant remet en question l’éthique et la moralité des personnages. Le père Malandain et sa femme essaient d’exploiter leur fille Adélaïde en l’envoyant au veuf riche M. Césaire Omont. Ils l’encouragent à le séduire, ce qui laisse entrevoir des aspirations plus profondes. Cependant, lorsqu’ils se rendent compte qu’elle est enceinte, Adélaïde subit des critiques exacerbées de la part de ses parents. Ce qui est en totale contradiction avec leurs desseins de départ. De plus, M. Omont utilise son pouvoir pour abuser d’Adélaïde, exigeant d’elle plus que ce qu’elle a signé. Ceci lui est beaucoup plus facile étant donné qu’Adélaïde n’a pas de caractère propre. Entre M. Omont et Adélaïde, s’installe un rapport dominant-dominé où Adélaïde est surexploitée. En effet, d’entrée de jeu, M. Omont utilise la métaphore : “nous ne mêlerons point nos sabots” pour bien distinguer leur classe respective. Il est le maître-dominant, elle est la servante dominée. Le champ lexical de la domination est d’ailleurs très présent dans les propos du maître Omont qui impose sa volonté et sa puissance à Adélaïde. Cette domination est également visible dans la manière dont il la traite, la forçant à boire de l’alcool et la faisant dormir avec lui. Sans le savoir, Adélaïde se prostitue.

D’autre part, les parents d’Adélaïde semblent être pris dans une boucle sans fin de pauvreté qui les pousse à avoir des comportements immoraux. Cette comparaison : “une odeur de bétail, un fumet de troupeau” soulignent l’idée que les paysans se rapprochent plus de l’animal que de l’être humain. Ces classes dites “inférieures” reproduisent des schémas qui ne font qu’aggraver leur pauvreté. Les personnages ne remettent pas en question leur mode de vie et leurs actions, mais les transmettent de génération en génération.

Par ailleurs, Maupassant réalise une critique de l’institution de l’Église catholique, qui se retrouve impuissante face aux comportements immoraux des paroissiens. Le vieux curé qui administre la paroisse depuis quarante ans en expliquant aux gens ce qu’ils ne doivent pas faire, semble être incapable d’influencer la moralité de ses paroissiens. Au lieu de cela, il utilise son prône pour discuter des “petites affaires intimes de la commune”, qui n’ont rien à voir avec la morale chrétienne.

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