Littérature

Guy de Maupassant, Contes de la Bécasse, Un Fils : résumé, personnages et analyse

Ecrit par Les Résumés

La nouvelle intitulée Un fils a été d’abord publiée dans Gil Blas le 12 avril 1882, avant d’être incluse dans le recueil Contes de la bécasse. Explorons ensemble cette nouvelle à caractère autobiographique, étant donné que Guy de Maupassant n’a jamais reconnu les trois enfants qu’il a eus avec Joséphine Litzelmann.

Résumé détaillé de Contes de la Bécasse – “Un Fils” de Guy de Maupassant

Deux vieux amis se promènent dans un jardin fleuri et discutent de politique et de souvenirs. En admirant un arbre en fleurs, le sénateur fait une réflexion sur la reproduction. Ils discutent ensuite de la paternité et de la responsabilité des hommes envers leurs enfants, y compris ceux conçus de manière accidentelle ou avec des femmes publiques. L’académicien partage une histoire personnelle qui le tourmente depuis longtemps.

À l’âge de 25 ans, l’auteur a entrepris un voyage pédestre en Bretagne avec un ami, qui est maintenant conseiller d’État. Après avoir parcouru les Côtes-du-Nord et une partie du Finistère, ils sont arrivés à Douarnenez, puis ont poursuivi leur voyage vers la pointe du Raz. Son ami est tombé malade, et ils ont été forcés de s’arrêter à Pont-Labbé, la ville la plus Bretonne de toute la Bretagne, où les habitants portent encore les costumes traditionnels bretons. Le médecin a recommandé un repos complet, et il a passé ses journées près de son ami, en compagnie de la petite bonne de l’auberge âgée de dix-huit ans, qui ne parlait pas un mot de Français. Une nuit, il a saisi la jeune fille, l’a entraînée dans sa chambre, et il l’a violée. Peu de temps après, lui et son ami sont partis et il a oublié cette aventure.

En 1876, lors d’une excursion en Bretagne pour documenter un livre, il retourne par hasard à l’auberge où il avait séjourné trente ans auparavant. Rien ne semblait avoir changé, le château se reflétait toujours dans l’étang et l’auberge avait été rénovée. Lorsqu’il demande au patron s’il connaissait les anciens propriétaires, celui-ci lui répond que c’étaient ses parents. Il se souvient alors de la jolie petite servante qu’avait l’auberge à l’époque. L’aubergiste lui apprend que cette servante est morte en couches et que le valet d’écurie qui se tenait dans la cour est son fils, sans père ni argent. Cette nouvelle le trouble et il décide de vérifier s’il pourrait être le père du jeune homme. Il essaie de parler au valet d’écurie, mais celui-ci ne parle pas français et ne sait pas son âge. Il obtient finalement l’acte de naissance qui révèle que le valet est né huit mois et vingt-six jours après son passage à Pont-Labbé. Le document indique que le père est inconnu et que la mère s’appelait Jeanne Kerradec. Hanté par des visions insupportables, se réveille avec le désir fou de revoir le valet d’écurie pour décider s’ils ont des traits communs. Il lui donne finalement de l’argent afin de l’aider, mais le jeune homme utilise l’argent pour s’enivrer dans un cabaret et assommer un cheval à coup de pioche.

Pour son bien, on lui demande alors de cesser de lui donner de l’argent à son fils, il comprend que le jeune homme utilisera l’argent à mauvais escient.
Le narrateur est tourmenté par cette incertitude depuis six ans, se rendant chaque année à Pont-Labbé pour observer son “fils“. Il a essayé de l’aider de différentes manières, mais rien n’a fonctionné. Le narrateur se sent coupable d’avoir tué la jeune servante et d’avoir engendré un fils pareil. Il souffre de le voir ainsi. Parfois, il a envie de l’embrasser, mais il ne l’a jamais fait. Finalement, le compagnon du narrateur conclut qu’il est bon “d’avoir vingt-cinq ans, et même de faire des enfants comme ça”.

Présentation des personnages

L’académicien, le narrateur de l’histoire, est un homme très respectable, qui se sent coupable d’une histoire qu’il a vécue lorsqu’il était plus jeune. Il confie à son vieil ami le sénateur qu’à l’âge de vingt-cinq ans, il a violé la servante d’une auberge. Pendant des années, il a oublié cette histoire jusqu’au jour où, en revenant à l’auberge, il aperçoit le fils de cette servante. Celle-ci est morte en couches et l’homme pourrait être son fils. Bien que l’académicien ne puisse pas prouver sa paternité, il est tourmenté par l’idée que ce jeune homme est peut-être son enfant. Il s’efforce alors de se rapprocher de lui, sans succès, espérant trouver des traits de ressemblance qui confirmeraient ou infirmeraient sa supposition. Le narrateur est également frustré par l’incapacité de cet homme à s’améliorer ou à sortir de sa condition de vie misérable.

Le sénateur est un vieil ami de l’académicien. Dans cette nouvelle, il a le rôle de celui qui écoute l’histoire. C’est lui qui aura le dernier mot en précisant : “C’est bon vraiment d’avoir vingt-cinq ans, et même de faire des enfants comme ça.

Jeanne Kerradec est la servante d’une auberge où l’académicien séjourne avec son ami malade. Cette jolie blonde est âgée de dix-huit ans au plus. Elle a des yeux bleu pâle et elle ne cesse de rire, laissant dévoiler ses “dents fraiches“. Comme la plupart des gens de la région, elle ne parle que le breton. Elle ne connaît donc pas un mot de français. Un jour, elle est violée par l’académicien. Par la suite, elle l’évitera, mais lorsque celui-ci sera sur le point de partir, elle reviendra le voir pour passer une dernière nuit en sa compagnie. Elle est vue comme une simple distraction pour le narrateur néanmoins, il semble que, malgré la barrière de la langue, Jeanne Kerradec a développé des sentiments pour l’homme qui l’a violé. Quelques mois plus tard, elle meurt en couches en donnant naissance à son fils.

Le fils de Jeanne Kerradec est un “bâtard”. C’est un ivrogne et un boiteux. Cet homme, maigre et sale a l’aspect misérable est, contrairement à sa mère qui était une jolie femme, pas très agréable à voir. Il n’a reçu d’elle que la couleur de ses cheveux blonds. Ce jeune homme est un raté qui, selon l’aubergiste, est resté dans sa famille par simple charité. Ce jeune homme symbolise la tragédie et la douleur de l’incertitude, de la perte et de la condition humaine.

Analyse de l’oeuvre

Le schéma narratif

Situation initiale L’académicien raconte au sénateur, une histoire qu’il a vécue avec un de ses amis lorsqu’il était âgé de vingt-cinq ans. Ils étaient partis faire un voyage pédestre en Bretagne.
Élément perturbateur Durant leur voyage, l’ami du narrateur est tombé malade, ce qui les a obligé à séjourner dans une auberge à Pont-Labbé où ils ont vu un médecin qui a vivement recommandé un peu de repos.
Péripéties 1. Le narrateur viole la servante puis oublie cette histoire
2. Trente ans après, il revient et apprend que la servante est morte en donnant naissance à un bâtard.
3. Ce “bâtard”, est-il son fils ? Le narrateur tente d’en avoir le cœur net et se rend compte qu’il s’agit bien de son fils.
4. Tentatives pour aider son fils en donnant de l’argent.
Dénouement L’argent exploité par le jeune homme est utilisé à mauvais escient. Obligation du narrateur d’arrêter de lui donner des sous : “Lui donner de l’argent, c’est vouloir sa mort.” (Parole de l’aubergiste). Le narrateur quitte l’auberge en laissant quelques pièces.
Situation Finale Le narrateur continue de rendre visite à son fils régulièrement. Il se sent coupable de cette situation. Pour lui, il est responsable de la mort de cette servante et de la condition misérable de son fils. Néanmoins, jamais il n’aura le cran de lui révéler son existence. “Et je sens, parfois, d’intolérables envies de l’embrasser. Je n’ai même jamais touché sa main sordide.

Des personnages en proie au désespoir

En lisant ce récit, on constate que les personnages sont tous confrontés à un profond désespoir. La servante met au monde un enfant non désiré et meurt sans jamais révéler l’identité du père. L’enfant, qui grandit dans des conditions misérables chez des aubergistes, n’a jamais eu l’opportunité de s’instruire ni de mener une vie épanouissante. Sans amis, sans famille, sans amour, ce fils “bâtard” est contraint à des travaux dégradants et routiniers, ignorant tout du monde qui l’entoure. De son côté, l’académicien éprouve de profonds remords pour avoir abandonné son fils et ne sait comment s’y prendre pour l’aider. Les trois personnages semblent pris au piège de leur destinée, incapable de s’épanouir et de trouver un sens à leur existence. Cette histoire souligne l’importance de l’éducation et de l’amour dans la vie des enfants, et montre qu’un manque d’affection et de guidance peut les condamner à une vie de désespoir.

Dans cette nouvelle la beauté et la laideur se rencontrent pour engendrer un enfant qui ne sera pas agréable à regarder. En effet, même si nous n’avons pas de description physique de l’académicien, cette phrase qu’il prononce en voyant le fils de la servante est porteuse de sens : “Il n’est pas beau et ne ressemble guère à sa mère. Il tient du père sans doute.“. Le père étant l’académicien, nous pouvons supposer qu’il lui a transmis ses défauts physiques.

Ce qui est intéressant dans cette nouvelle, c’est que même si les trois personnages sont en proie au désespoir, il n’y a que l’académicien qui souffre. En effet, la servante n’a plus l’occasion de souffrir étant donné qu’elle est morte. Le fils, quant à lui, ne semble pas avoir conscience de sa condition. En tant qu’ivrogne, il s’arrange toujours pour trouver de l’alcool ou pour utiliser son argent à mauvais escient : “il ne connaissait pas d’autre destination à ce métal que le cabaret“, “J’ai essayé de lui rendre la vie moins pénible. Il est irrémédiablement ivrogne et emploie à boire tout l’argent qu’on lui donne ; et il sait fort bien vendre ses habits neufs pour se procurer de l’eau-de-vie.“. Toutefois, cette vie misérable dans laquelle il est installé ne semble pas le déranger, il semble se satisfaire de sa morne existence. Sa condition est donc plus une souffrance pour l’académicien, qui se sent responsable des malheurs de ce jeune homme. L’existence de ce dernier et sa condition misérable sont d’autant plus dérangeantes pour l’académicien parce qu’il s’agit de son fils. Il est donc en quelque sorte son reflet, ce qui explique “la sensation étrange, confuse et intolérable” qu’il éprouve “en face de lui“. Comme il le précise si justement, “grâce aux terribles lois de l’hérédité, il est moi par mille choses, par son sang et par sa chair, et il a jusqu’aux mêmes germes de maladies, aux mêmes ferments de passions.” Ainsi, les souffrances qui l’habitent peuvent avoir germé jusqu’à sa progéniture.

Un syndrome de Stockholm ?

Au XIXe siècle, les servantes d’auberge en Bretagne française étaient souvent issues des milieux modestes. Elles travaillaient de longues heures pour un salaire assez bas. Elles étaient également considérées comme des employées subalternes malgré l’importance de leur rôle qui consistait à s’assurer du bon fonctionnement de l’établissement. La servante dans cette histoire est une femme locale. Son nom nous le confirme. En effet, “Kerradec” semble être d’origine bretonne. “Ker” est un préfixe courant en breton qui signifie “village” ou “lieu habité“, tandis que “radec” pourrait être une variante du mot “radeg“, qui signifie “épice” dans la langue locale. Jeanne Kerradec est une jolie jeune femme de dix huit ans qui ne sait pas parler le français. Elle a le malheur de plaire au narrateur qui ne voit en elle qu’un moyen de se distraire pendant que son ami est malade (“les servantes d’auberge étant généralement destinées à distraire ainsi les voyageurs”.). Après avoir profité d’elle, le narrateur s’en va et au bout de huit jours, cette aventure est déjà de l’histoire ancienne. Néanmoins, sans le savoir, il a laissé une trace indélébile chez cette servante qui meurt plusieurs mois après sa venue en enfantant d’un “bâtard“.

Dans cette relation entre le narrateur et la servante, nous pouvons y voir une sorte de syndrome de Stockholm. Un phénomène où la victime se met à éprouver des sentiments pour son agresseur. En effet, dès leur première nuit, nous avons à faire à une relation sexuelle abusive où Jeanne Kerradec tente de se débattre en vain : “J’avais fait cela en riant ; mais, dès qu’elle fut chez moi, le désir de la posséder m’envahit. Ce fut une lutte longue et silencieuse […] Oh ! elle se débattit vaillamment […]; et parfois nous heurtions un meuble […] puis nous recommencions notre acharnée bataille, moi l’attaquant, elle résistant. Épuisée enfin, elle tomba ; et je la pris brutalement, par terre, sur le pavé. Sitôt relevée, elle courut à la porte, tira les verrous et s’enfuit.
Toutefois, lorsque le narrateur est sur le point de partir, la servante revient le voir pour passer un moment agréable avec lui. “Elle se jeta dans mes bras, m’étreignit passionnément, puis, jusqu’au jour, m’embrassa, me caressa, pleurant, sanglotant, me donnant enfin toutes les assurances de tendresse et de désespoir qu’une femme nous peut donner quand elle ne sait pas un mot de notre langue.”.

En oubliant cette aventure, huit jours plus tard, le narrateur permet à Maupassant d’illustrer l’une de ses idées récurrentes. Selon l’auteur français, la femme est la seule capable d’aimer véritablement, tandis que l’homme est souvent poussé par des passions éphémères qui ne peuvent rivaliser avec l’amour sincère.

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