Publiée le 5 juillet 1882 dans Gil Blas, Un Coq Chanta est une nouvelle courte (5 pages) de Guy de Maupassant. Explorons cette œuvre qui fait partie du recueil Contes de la Bécasse.
Résumé détaillé de Contes de la Bécasse – “Un Coq Chanta” de Guy de Maupassant
Mme Berthe d’Avancelles, une jeune femme brune, repoussait les avances du baron Joseph de Croissard. Celui-ci lui se ruinait pour la conquérir en donnant des fêtes et des chasses en son honneur. Son mari, M. d’Avancelles, ne se doutait de rien. Pendant une grande chasse, Mme Berthe fait une promesse au baron. Un jour d’automne, elle lui promet de lui céder s’il en vient à tuer l’animal. Le baron souhaite absolument venir à bout du sanglier pour obtenir les faveurs de sa belle. Toutefois, durant la chasse, Mme Berthe d’Avancelles ajoute une condition. L’animal devra périr sous ses yeux. Joseph de Croissard finit par tuer l’animal. Le soir, ils se promènent tous les deux dans le parc et le baron réussit à obtenir un baiser de sa bien-aimée. En retournant au château, Mme Berthe d’Avancelles refuse les bras du baron en lui annonçant : “non, je vais dormir… Qui m’aime me suive !“. Durant la nuit, le baron décide d’aller rejoindre la jeune femme dans sa chambre. Par chance, le verrou n’est pas poussé. Il entre et se met à lui embrasser les genoux. Mme Berthe d’Avancelles se lève et lui demande de l’attendre sur le lit en précisant qu’elle va revenir. Tout heureux, le baron s’installe confortablement sur le lit. Néanmoins, la journée l’a éreintée et il finit par s’endormir. Le lendemain, il est réveillé par le chant du coq. Confus par Mme Berthe d’Avancelle qui est présente et par l’endroit où il se trouve, celle-ci, qui visiblement n’a pas dormi lui répond avec arrogance sur le même ton qu’elle emploie avec son mari : “Ce n’est rien. C’est un coq qui chante. Rendormez-vous monsieur, cela ne vous regarde pas.“
Présentation des personnages
Le Baron Joseph de Croissard est un riche aristocrate qui poursuit ardemment Mme Berthe d’Avancelles. Toutefois, celle-ci n’a de cesse de l’éconduire. Il est décrit comme un homme fort et frais, large d’épaules, avec de longues moustaches blondes. Il se ruine en organisant de belles fêtes et de grandes parties de chasse dans son château normand de Carville pour la conquérir. Le baron incarne la richesse, la puissance et la virilité, mais aussi l’obsession et la détermination. Il est prêt à tout pour conquérir Mme Berthe, même si cela signifie dépenser une fortune en fêtes et en chasses. Finalement, il est vaincu par son désir ardent, et la fatigue aura raison de lui, laissant Mme Berthe prendre le contrôle de la situation.
Mme Berthe d’Avancelles incarne la femme fatale dans la nouvelle. Elle est décrite comme une jeune femme brune. Déterminée, elle a repoussé toutes les supplications de son admirateur, le baron Joseph de Croissard, jusqu’à ce qu’elle cède finalement à ses avances. Elle est également présentée comme une femme impitoyable qui ridiculise son mari. Elle manipule le baron de Croissard pour obtenir ce qu’elle veut. La séduction de Croissard est un jeu dangereux qui manque de se terminer par la tromperie et la trahison. En somme, elle représente une figure qui mêle séduction, manipulation et ambition, et qui peut causer la perte de ceux qui se laissent prendre à son jeu. En retrouvant le baron endormi, elle se rend compte que sa passion n’a pas été assez forte pour résister au sommeil. Elle est déçue et prend conscience que ce n’est qu’un homme comme tous les autres. C’est pour cette raison qu’elle s’adresse à lui sur le même ton qu’elle emploie avec son mari. Cette nuit, le baron a détruit toutes ses chances. Aux yeux de Mme Berthe, il est aussi méprisable que son mari.
M. d’Avancelles est le mari de Mme Berthe d’Avancelle. Il est décrit comme un petit homme chauve avec toutes les parties du corps trop courtes. Sa femme le méprise et ne lui pardonne pas sa faiblesse physique.
Analyse de l’oeuvre
La séduction et la tentation
La nouvelle Un Coq Chanta met en scène une situation d’adultère et de séduction. La femme, Mme d’Avancelles, est mariée, mais vit séparée de son mari pour cause de faiblesse physique. Elle est courtisée par le baron Joseph de Croissard, qui lui offre des fêtes et des chasses dans son château normand de Carville. “Tout le jour les chiens courants hurlaient par les bois à la suite du renard et du sanglier, et, chaque soir, d’éblouissants feux d’artifice allaient mêler aux étoiles leurs panaches de feu, tandis que les fenêtres illuminées du salon jetaient sur les vastes pelouses des traînées de lumière où passaient des ombres.“. Toutefois, Mme d’Avancelles ne répond pas aux avances de cet homme : “Mme Berthe d’Avancelles avait jusque-là repoussé toutes les supplications de son admirateur désespéré, le baron Joseph de Croissard.” Le mari de Mme d’Avancelles ne voit rien et ne sait rien de la tentation qu’il y a entre le baron et sa femme. Cette dernière lui préfère le baron qui a un air plus engageant que son mari avec ses “larges épaules“, son “encolure robuste” “et les longues moustaches blondes“.
Après une partie de chasse, ils s’échappent ensemble dans le parc et succombent à leur passion. “Puis ils tournèrent à droite dans un petit chemin couvert, et soudain, pour éviter une branche qui barrait la route, elle se pencha sur lui, si près qu’il sentit sur son cou le chatouillement des cheveux. Alors brutalement il l’enlaça, et appuyant sur la tempe ses grandes moustaches, il la baisa d’un baiser furieux.“. Néanmoins, lorsqu’ils arrivent au château, Mme d’Avancelles prend congés du baron en l’invitant de manière implicite : “Non… je vais dormir… Qui m’aime me suive !“. Il est intéressant de noter que ce “Qui m’aime me suive !” est une sorte de clin d’oeil à la phrase que le baron avait dit peu de temps avant qu’il ne tue le sanglier : “Alors le baron, poussant un rire de triomphe, cria : “Qui m’aime me suive !” Et il disparut dans les taillis, comme si la forêt l’eût englouti.“.
Maupassant met donc en avant la séduction et la tentation, ainsi que l’adultère. Le baron utilise sa richesse et son pouvoir pour séduire Mme d’Avancelles, qui est elle-même une femme déterminée et indépendante. Le mari de Mme d’Avancelles, quant à lui, est décrit comme un homme faible et sans importance.
Le récit souligne également la luxure et le désir charnel qui submergent les personnages. Lors de la chasse, le baron et Mme d’Avancelles sont décrits comme des amants passionnés, s’embrassant avec fougue sous la lune qui rêve de succomber à leur désir dans un lit inconnu.
Une femme manipulatrice
Cette nouvelle met en scène la manipulation et le mensonge, notamment de la part de Mme Berthe d’Avancelles, qui se joue de son admirateur, le baron Joseph de Croissard. Tout d’abord, elle repousse toutes les supplications de ce dernier, mais finit par accepter ses avances, tout en lui faisant miroiter un possible amour en retour. Elle utilise également son mari, qu’elle tient à l’écart, comme prétexte pour justifier ses rendez-vous avec le baron.
La manipulation est également mise en évidence lors de la chasse, où Mme d’Avancelles retient le baron près d’elle, l’empêchant de participer à la chasse, alors qu’elle lui a promis une récompense s’il tue l’animal.
“Mme d’Avancelles, par malice, retint le baron près d’elle, s’attardant, au pas, dans une grande avenue interminablement droite et longue et sur laquelle quatre rangs de chênes se repliaient comme une voûte.“
Elle joue avec ses sentiments, lui reprochant de ne pas s’intéresser à elle, tout en l’attirant irrésistiblement vers elle. “” Vous ne m’aimez donc plus ?” disait-elle. Il répondait : “Pouvez-vous dire des choses pareilles ?” Elle reprenait : “La chasse cependant semble vous occuper plus que moi.” Il gémissait : “Ne m’avez-vous point donné l’ordre d’abattre moi-même l’animal ?” Et elle ajoutait gravement : “Mais j’y compte. Il faut que vous le tuiez devant moi.”“
Le mensonge est donc présent tout au long de la nouvelle. Mme d’Avancelles manipule le baron pour obtenir toujours plus de lui. Toutefois, ce dernier finit par s’endormir. Quand il se réveille, Mme d’Avancelles qui n’a pas dormi, ne veut plus jouer. Elle le méprise comme elle méprise son mari : “Alors elle, qui n’avait point dormi, regardant cet homme dépeigné, aux yeux rouges, à la lèvre épaisse, répondit, du ton hautain dont elle parlait à son mari : “— Ce n’est rien. C’est un coq qui chante. Rendormez-vous, monsieur, cela ne vous regarde pas.“”
La nature dans Un Coq Chanta
La chasse est un thème central de la nouvelle. Elle est utilisée pour décrire l’obsession du baron de Croissard pour Mme Berthe d’Avancelles, ainsi que leur jeu de séduction. La chasse est présentée comme une activité noble et aristocratique, associée à la virilité et à la puissance masculine. Tout ce que le mari de Mme Berthe d’Avancelles n’est pas. Le baron organise des chasses pour Mme d’Avancelles dans son château normand de Carville, ce qui montre à la fois sa richesse et son désir de gagner les faveurs de sa bien-aimée. Il est utile de noter qu’entre le baron et Mme d’Avancelles s’installent une certaine forme de chasse où l’homme tente de chasser désespérément sa proie qui arrive toujours à lui glisser entre les doigts.
La nature est omniprésente dans la nouvelle, en particulier les bois, les sentiers et les clairières qui servent de décor à la chasse. Les descriptions des paysages d’automne évoquent une atmosphère de mélancolie et de désolation, renforçant ainsi l’idée d’un désir caché et d’une passion interdite. Le fait que l’action se déroule à l’automne n’est pas anodin. Cette saison est souvent associée à la mort et au déclin, symbolisant ainsi la fin d’un cycle de vie. Cette symbolique est renforcée par les feuilles qui tombent et les odeurs de terre humide qui évoquent la décomposition. Dans la nouvelle, l’automne représente le déclin de la moralité et de la retenue, où les personnages sont en proie à leurs désirs et à leurs pulsions les plus profondes. Toutefois, cette saison permet de créer une rupture où Mme Berthe d’Avancelles ne voit plus son prétendant avec la même passion. Celui-ci s’est endormi et ne l’a pas attendu. En un sens, malgré toute sa richesse et toute sa “virilité“, ce n’est qu’un homme. Vers la fin, elle le trouve tout aussi méprisable que son mari. À quoi bon affirmer sa virilité masculine si nous ne sommes pas capables d’être de bons amants ? Tel pourrait être la moralité apportée par cet auteur français dans cette courte nouvelle.