La Montagne du dieu vivant est la troisième nouvelle du recueil Mondo et autres histoires de Jean-Marie Gustave Le Clézio, publié en 1978. Partons à la découverte de cette nouvelle du XXème siècle dans laquelle un enfant part à la découverte de lui-même.
Résumé détaillé de Mondo et autres histoires – “La Montagne du dieu vivant” de Jean-Marie Gustave Le Clézio
Reydarbarmur : l’appel de l’inconnu
Jon admire l’imposante montagne Reydarbarmur dominant le panorama. Captivé, il s’en approche sans en connaître la raison. En route, il examine la flore et la faune alentour, discernant une présence énigmatique. Un susurrement apaisant effleure son ouïe, bien que nulle présence ne soit visible.
Il franchit un torrent et se retrouve entouré d’une lumière inhabituelle. Jon se dévêt afin d’éprouver davantage cette sensation, s’enveloppant dans la mousse glaciale avant de reprendre sa progression vers la montagne. Parvenu à sa base, il remarque une fissure et gravit les monolithes pour atteindre le sommet. Depuis cette hauteur, il contemple une vaste vallée parsemée de lave et de mousse, donnant l’impression d’avoir tout oublié de son ancienne existence.
Jon perçoit une présence indéfinissable et un regard ténébreux et intense qui semble envelopper la terre entière. Les yeux clos, il prête l’oreille aux sons mystérieux qui l’entourent : des chuchotements féminins, des frémissements d’ailes et de vagues, le vrombissement d’abeilles et de moteurs qui résonnent en écho sur les versants montagneux.
L’exploration de soi à travers la nature
Poussé par une force inexpliquée, Jon escalade la montagne composée de lave et de basalte jusqu’à son apogée. Il y découvre une vallée de roche lustrée et entrevoit la flamme ardente à l’intérieur du massif. Il se dirige ensuite vers le cœur d’une plaine recouverte de lave où le vent cesse soudainement. Jon y trouve trois bassins sculptés dans la roche et s’approche de l’un d’entre eux abritant un arbuste.
Envoûté, il observe les nuées de près, les scrutant se déplacer rapidement, absorbant l’air et les roches silencieusement et sans effort. Le passage des nuages laisse derrière lui une couche de perles blanches étincelantes. Jon se réjouit d’être si proche des cieux, loin des territoires peuplés par les hommes. La lave, de son côté, s’écoule paisiblement et constamment vers le bas, tandis que les blocs de roche sombre se solidifient lorsque les nuages s’éloignent.
Jon explore par la suite une mare d’eau pluviale à proximité d’un champ de lave et découvre un rocher atypique. Ce dernier, noir et de forme similaire à la montagne qu’il a grimpée auparavant, présente une base anguleuse et un sommet hémisphérique. Jon tente de soulever le rocher, mais il semble rivé au sol par un poids étonnamment disproportionné par rapport à ses dimensions.
Captivé par la pierre, Jon effleure sa surface, explorant chaque relief et trace. La fascination le submerge, le délestant de son enveloppe corporelle pour l’emporter sur un nuage. Trois petites cavités au sommet de la roche attirent son attention, et une étrange sensation l’étreint lorsqu’il contemple cette particularité.
L’inconnu au sommet de la montagne
Lorsqu’il rouvre les yeux, un enfant se tient devant lui sur une dalle basaltique, près d’un bassin. La lumière environnante est intense, les cieux s’étant dégagés. L’enfant interpelle Jon par son prénom, et bien que l’origine de cette connaissance demeure un mystère, Jon se pose un millier de questions, auxquelles l’enfant répond de manière évasive. Jon apprend que l’enfant vit seul dans la montagne, sans famille, quant à son nom, l’enfant ne le révèle pas. Jon s’émeut de cette existence solitaire, mais l’enfant ne semble pas craindre sa condition. Il s’enquiert des talents musicaux de Jon. Ce dernier joue de la guimbarde jusqu’au coucher du soleil. L’enfant invite Jon à rester pour la nuit. Après quelques hésitations, Jon acquiesce. L’enfant lui propose de boire de l’eau qui vient des nuages. Puis, il l’amène à un endroit pour admirer la voûte étoilée. Jon entend tous les sons de la nature et se sent transporté par eux. L’enfant s’endort et Jon le regarde avant de s’endormir lui-même.
Jon se réveille lorsque le soleil apparaît à l’horizon, mais il se rend compte que l’enfant avec qui il était a disparu. Il regarde autour de lui et ne voit rien d’autre qu’un champ de lave noire et une vallée au loin. Se sentant seul, il cherche son compagnon et l’appelle, sans succès. Il se dirige vers le réservoir d’eau, le vieux buisson sec et le rocher en forme de montagne. Lorsqu’il comprend qu’il ne retrouvera pas son ami, il ressent une douleur vive dans sa poitrine. Il commence à courir vers la vallée en bas de la montagne. Il finit par retrouver son vélo où il rejoint la ferme. Il pose discrètement son vélo contre le mur et rentre dans la maison sans réveiller ses parents endormis.
Présentation des personnages
Jon vit dans un village islandais où il est fasciné par la montagne locale, le mont Reydarbarmur. Ce sommet est décrit comme magique et mystique, où l’on dit qu’il abrite un “dieu vivant“. Un jour, Jon décide d’escalader la montagne pour le rencontrer. Il abandonne sa bicyclette neuve au pied de la montagne et commence son ascension. Celle-ci met l’accent sur la beauté de la nature et la richesse de l’environnement. Jon n’est pas seul puisque la nature l’accompagne avec ses moucherons, ses abeilles sauvages et ses oiseaux. Jon est présenté comme un personnage innocent et naïf, qui défie les normes de la société occidentale.
L’enfant de la montagne est un personnage mystérieux qui apparaît à Jon lorsqu’il est en haut de la montagne. Celui-ci ne donne pas son nom, mais prétend vivre dans la montagne. Il n’a pas peur d’être seul et se sent bien dans sa “maison”. Au départ, il apparaît méfiant envers Jon, mais, progressivement, il se met à lui faire confiance. L’enfant demande à Jon s’il peut lui jouer de la musique et il écoute attentivement Jon qui utilise sa guimbarde. En un sens, on peut supposer que l’enfant est mélomane, d’une certaine façon. Malgré le fait qu’il apparaisse sous les traits d’un enfant, il semble être beaucoup plus âgé. D’autre part, il possède une certaine forme d’omniscience puisqu’il est capable de percevoir que les parents de Jon sont déjà en train de dormir. Cette rencontre symbolise l’amitié et la solidarité entre les enfants, qui sont unis dans leur quête de liberté et d’échappatoire à la société moderne. À la fin de la nouvelle, on peut se demander si cet enfant n’est pas le “dieu vivant” de la montagne.
Analyse de l’oeuvre
L’histoire se concentre sur l’ascension d’une montagne, un défi pour Jon qui symbolise une quête personnelle. Cette nouvelle peut être interprétée comme le pèlerinage spirituel de Jon à la recherche de sens, désireux de rencontrer le Dieu vivant au sommet d’une montagne sacrée.
Jon fait face à des épreuves et des rencontres qui mettent en évidence les questions morales et métaphysiques auxquelles l’être humain est confronté. Afin de plonger le lecteur dans l’expérience de Jon, Le Clézio crée un univers sensoriel riche en décrivant les mouvements et les sensations du protagoniste avec minutie, établissant ainsi une intimité entre le lecteur et le personnage. Le lecteur perçoit alors le monde et ses éléments à travers les textures, les odeurs, les lumières, les goûts et les sons. La nature occupe une place centrale, tant comme cadre d’action que comme reflet de l’état d’esprit du personnage principal, à l’instar d’autres personnages de Le Clézio tels que Lullaby ou Mondo. Cette approche évoque les œuvres de Jean Giono et Henri Bosco, qui mettent en scène la nature et les traditions provençales pour souligner leur importance dans l’épanouissement individuel.
Contrairement aux villageois, Jon ne craint pas la montagne, illustrant la connexion profonde entre l’enfant et la nature, un thème récurrent dans l’œuvre de cet auteur français. La montagne est utilisée comme métaphore de l’élévation spirituelle et de la transcendance de la condition humaine. À l’image de Lullaby, Mondo ou Juba, Jon cherche à s’isoler de la société et à se plonger dans ses rêves.
Cette nouvelle incite à réfléchir sur la notion d’espace sacré et la distinction entre espaces profanes et sacrés. La montagne, lieu privilégié entre terre et ciel, peut être considérée comme un espace sacré accessible seulement aux élus. Jon est choisi car l’enfant, assimilé au “dieu-vivant“, se révèle à lui. Son ascension peut ainsi être interprétée comme un acte de foi, une quête spirituelle pour se rapprocher du divin. La solitude de Jon renforce le caractère spirituel de l’ascension, car il parvient à être en harmonie avec la nature et à ressentir une extase particulière. La montagne dans la nouvelle de Le Clézio peut également être rapprochée d’autres récits qui présentent les montagnes comme un symbole de spiritualité, comme la montagne Horeb dans la Bible, l’Olympe dans la mythologie grecque ou Yggdrasil dans la mythologie scandinave.
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