Salut tout le monde ! C'est Monsieur Miguet, votre guide dans le monde fascinant de la littérature classique. Aujourd'hui, on plonge dans une comédie intemporelle : Le Tartuffe, écrite par Molière en 1664.
Cette pièce raconte l'histoire d'un imposteur, Tartuffe, qui se fait passer pour un homme pieux afin de manipuler une famille riche. À travers des situations comiques et des dialogues percutants, Molière dénonce l'hypocrisie religieuse et les faux dévots.
Préparez-vous à rire et à réfléchir avec cette satire mordante qui reste d'actualité même des siècles plus tard. Alors, prêts à découvrir les aventures de Tartuffe et de la famille qu'il tente de duper ?
Lors de sa première représentation, "Le Tartuffe" a suscité une vive controverse et a même été interdit par le roi Louis XIV en raison de ses critiques acerbes de la fausse dévotion. La pièce a finalement été autorisée en 1669, après quelques modifications, et est devenue l'une des œuvres les plus célèbres de Molière.
Salut tout le monde ! C'est Monsieur Miguet, votre guide dans le monde fascinant de la littérature classique. Aujourd'hui, on plonge dans une comédie intemporelle : Le Tartuffe, écrite par Molière en 1664.
Cette pièce raconte l'histoire d'un imposteur, Tartuffe, qui se fait passer pour un homme pieux afin de manipuler une famille riche. À travers des situations comiques et des dialogues percutants, Molière dénonce l'hypocrisie religieuse et les faux dévots.
Préparez-vous à rire et à réfléchir avec cette satire mordante qui reste d'actualité même des siècles plus tard. Alors, prêts à découvrir les aventures de Tartuffe et de la famille qu'il tente de duper ?
Lors de sa première représentation, "Le Tartuffe" a suscité une vive controverse et a même été interdit par le roi Louis XIV en raison de ses critiques acerbes de la fausse dévotion. La pièce a finalement été autorisée en 1669, après quelques modifications, et est devenue l'une des œuvres les plus célèbres de Molière.
Points clé de ce résumé sur Tartuffe
Molière, dramaturge et comédien français du XVIIe siècle, célèbre pour ses comédies satiriques.
Le Tartuffe
1664
Comédie classique
Le Tartuffe raconte l'histoire d'un imposteur, Tartuffe, qui se fait passer pour un homme pieux afin de manipuler une famille riche. La pièce dénonce l'hypocrisie religieuse et les faux dévots à travers des situations comiques et des dialogues percutants.
L'hypocrisie : La pièce met en lumière l'hypocrisie religieuse et les faux dévots.
La manipulation : Molière explore comment les individus peuvent être manipulés par des imposteurs.
La satire sociale : L'œuvre critique les travers de la société de l'époque à travers l'humour et la satire.
Résumé intégral sur Le Tartuffe
Bref aperçu de la pièce de théâtre de Molière
Dans Tartuffe, Molière dépeint un homme hypocrite se faisant passer pour un dévot afin de manipuler Orgon, un bourgeois aveuglé par sa foi. Malgré les avertissements de sa famille, Orgon veut marier sa fille à Tartuffe et lui confie ses biens. Grâce à un stratagème mené par Elmire, la supercherie est dévoilée. Alors que Tartuffe menace la famille, l’intervention finale du roi rétablit la justice : Tartuffe est arrêté, et l’ordre revient dans la maison.
Résumé par acte du Tartuffe
Acte 1
Madame Pernelle défend ardemment Tartuffe, que toute la famille considère comme un hypocrite. Orgon, aveuglé par sa foi en cet homme, ignore même la maladie de sa femme. Les tensions montent autour du mariage de Mariane, qu’il souhaite imposer à Tartuffe.
Acte 2
Orgon annonce à Mariane qu’elle doit épouser Tartuffe. Elle refuse, mais il reste inflexible. Dorine tente de raisonner tout le monde avec ironie. Finalement, elle aide Mariane et Valère à se réconcilier et à s’unir contre cette union imposée.
Acte 3
Tartuffe montre son vrai visage en déclarant son amour à Elmire. Damis surprend la scène et révèle tout à Orgon, mais ce dernier prend la défense de Tartuffe, déshérite son fils et lui offre sa maison ainsi que la main de sa fille.
Acte 4
Elmire piège Tartuffe pour ouvrir les yeux d’Orgon. Celui-ci, caché, découvre enfin l’hypocrisie de son protégé. Mais il est trop tard : Tartuffe possède des documents compromettants et réclame la maison, mettant la famille en grand danger.
Acte 5
Alors que la famille est menacée d’expulsion, un retournement inattendu survient : le roi, informé de la duplicité de Tartuffe, ordonne son arrestation. Orgon est sauvé, Mariane peut épouser Valère, et la pièce se clôt sur un appel à la modération.
Résumé par scène du Tartuffe
Acte 1
Scène 1
En sortant de chez Orgon, Madame Pernelle exprime son mécontentement envers les membres de sa famille, qu’elle juge irrespectueux. Elle ne tarit pas d’éloges sur Tartuffe, qu’elle présente comme un modèle de piété. Face à elle, les autres personnages dénoncent son aveuglement et remettent en cause la sincérité de Tartuffe, qu’ils jugent hypocrite et intéressé.
Scène 2
Cléante, le beau-frère d’Orgon, prend à son tour la parole. Il tente de démontrer à Madame Pernelle que son admiration pour Tartuffe est sans fondement. Dorine, la servante pleine de bon sens, confirme que l’influence de Tartuffe sur Orgon est extrême, au point que ce dernier ne jure plus que par lui.
Scène 3
Dans cette scène, Damis exprime une inquiétude sincère : il craint que Tartuffe ne s’oppose au mariage de sa sœur Mariane avec Valère. Il demande à ce que l’union ait lieu sans plus tarder. De son côté, Elmire, la femme d’Orgon, mentionne son intention de retrouver son mari pour évoquer ces tensions.
Scène 4
Dorine apprend à Orgon que son épouse a été malade la veille. Pourtant, il reste insensible à cette nouvelle et montre une totale indifférence. Toute son attention est accaparée par Tartuffe, qu’il considère comme un modèle de vertu. Cette scène souligne l’aveuglement d’Orgon.
Scène 5
Cléante tente une dernière fois de faire entendre raison à Orgon. Il développe des arguments solides pour montrer que Tartuffe est un imposteur, un homme qui abuse de la générosité des autres. Malgré cela, Orgon continue de l’encenser sans la moindre remise en question. Cléante, inquiet, aborde aussi le mariage entre Mariane et Valère, mais Orgon reste silencieux, laissant planer l’incertitude.
Acte 2
Scène 1
Orgon annonce à sa fille Mariane qu’il souhaite la marier à Tartuffe. Face à cette décision, Mariane exprime clairement son refus. Pourtant, son père ne se laisse pas attendrir et lui impose sa volonté avec fermeté. La tension entre père et fille s’intensifie, illustrant un conflit générationnel fort.
Scène 2
Dorine, toujours aussi vive d’esprit, tente de dissuader Orgon de forcer ce mariage absurde. Elle utilise l’ironie et des arguments pleins de bon sens pour montrer l’incohérence de cette union. Orgon, vexé, riposte en dénigrant Valère, qu’il accuse d’être libertin, et va jusqu’à menacer physiquement Dorine, révélant son emportement.
Scène 3
Restée seule avec Mariane, Dorine ne mâche pas ses mots : elle critique la passivité de la jeune fille face aux ordres de son père. La peur de Mariane est bien réelle, mais Dorine feint alors de lui conseiller, avec ironie, d’épouser Tartuffe, soulignant ainsi l’absurdité de la situation.
Scène 4
Mariane et Valère se retrouvent pour évoquer la situation. Blessés dans leur fierté, ils prétendent l’un et l’autre ne plus vouloir lutter. Cette incompréhension mène à une dispute. Heureusement, Dorine intervient à temps, se moque gentiment d’eux et les pousse à s’unir dans leur opposition au mariage imposé, ramenant un peu de raison dans ce chaos amoureux.
Acte 3
Scène 1
Damis, informé du projet de mariage entre Mariane et Tartuffe, bouillonne de colère. Il souhaite passer à l’action et confronter directement Tartuffe. Mais Mariane, plus stratège, l’en dissuade et lui suggère d’adopter une tactique plus subtile pour faire éclater la vérité.
Scène 2
Tartuffe fait enfin son entrée. Choqué par la tenue de Dorine, il adopte une attitude faussement pudique. Mais lorsqu’elle lui annonce l’arrivée imminente d’Elmire, son comportement change du tout au tout : il se radoucit aussitôt, révélant son hypocrisie.
Scène 3
Face à Elmire, Tartuffe ne résiste pas à l’envie de lui déclarer son amour. Elmire, choquée mais lucide, le menace : elle avertira Orgon s’il ne renonce pas à épouser sa fille. Elle se montre ferme tout en gardant son calme, déterminée à protéger Mariane.
Scène 4
Damis, qui s’était caché pour surprendre la conversation, entend tout. Révolté, il décide de révéler l’hypocrisie de Tartuffe à son père. Il y voit l’occasion idéale pour démasquer enfin celui que tout le monde dénonce sauf Orgon.
Scène 5
Devant Madame Pernelle et Orgon, Damis accuse Tartuffe d’avoir tenté de séduire Elmire. Cette dernière, lassée, préfère quitter la scène. Orgon reste sourd à toute accusation, renforçant la tension familiale.
Scène 6
Tartuffe, dans un jeu d’humilité théâtral, avoue ses fautes en exagérant sa honte. Orgon, aveuglé par sa foi en lui, le défend avec ferveur. Il cherche un bâton pour frapper Damis et annonce son intention de le déshériter. Il affirme aussi vouloir marier Mariane à Tartuffe le soir même.
Scène 7
Feignant de vouloir partir, Tartuffe déclare qu’il ne veut pas causer de conflits. Orgon, au contraire, l’en empêche et va encore plus loin : il lui promet son soutien, lui offre l’accès à sa maison, lui confie sa femme et déclare vouloir en faire son héritier.
Acte 4
Scène 1
Cléante, toujours fidèle à sa modération, tente de raisonner Tartuffe. Il lui demande de renoncer à l’héritage et à l’union avec Mariane, et surtout de pardonner à Damis. Mais Tartuffe, sous des airs bienveillants, justifie son emprise par un prétendu devoir moral et finit par s’éclipser sans céder.
Scène 2
Dorine, très inquiète, implore Cléante d’user de son influence pour empêcher le mariage entre Tartuffe et Mariane. Sa demande est teintée d’une urgence dramatique qui souligne l’impasse dans laquelle se trouve la famille.
Scène 3
Face à Elmire, Mariane, Cléante et Dorine, Orgon persiste dans sa décision. Ni les supplications de sa fille, ni la sagesse de Cléante, ni les mises en garde d’Elmire ne l’ébranlent. En dernier recours, Elmire élabore un plan pour piéger Tartuffe et convaincre Orgon de ses véritables intentions.
Scène 4
Conformément au plan d’Elmire, Orgon accepte de se cacher sous une table. Elle insiste pour qu’il ne réagisse à aucun mot, même en cas de provocation. Orgon accepte, bien que visiblement mal à l’aise, soulignant la tension croissante de la scène.
Scène 5
Tartuffe, croyant être seul avec Elmire, lui réitère ses intentions amoureuses et exprime clairement son mépris pour Orgon. Le piège fonctionne : la duplicité du faux dévot est exposée sans ambiguïté.
Scène 6
Sous le choc, Orgon sort de sa cachette. Elmire, lucide, lui conseille de retourner sous la table pour obtenir des preuves irréfutables. C’est un moment de retournement décisif, où Orgon commence à douter pour la première fois.
Scène 7
Orgon, n’en pouvant plus, confronte Tartuffe et lui ordonne de quitter les lieux. Mais Tartuffe retourne la situation : il affirme être désormais le maître de la maison et menace la famille de les chasser.
Scène 8
Désemparée, Elmire ne comprend pas comment Tartuffe peut se permettre un tel affront. Orgon finit par lui révéler qu’il a fait une donation officielle de la maison et qu’il s’inquiète aussi d’une cassette qu’il a confiée à Tartuffe, contenant des documents compromettants.
Acte 5
Scène 1
Orgon, visiblement accablé, confie à Cléante son inquiétude : la fameuse cassette contenant des papiers importants pourrait être tombée entre les mains de Tartuffe. Cléante l’exhorte à faire preuve de retenue, malgré les circonstances.
Scène 2
Damis affirme à son père qu’il est prêt à le défendre contre Tartuffe. Mais Cléante, toujours dans une posture de sagesse, tente d’apaiser les tensions et de ramener le calme.
Scène 3
Orgon confronte sa mère Madame Pernelle avec la vérité sur Tartuffe. Malgré l’évidence, elle continue de défendre le faux dévot. L’exaspération d’Orgon monte. Dorine, Damis et Cléante partagent une inquiétude croissante concernant les intentions de Tartuffe.
Scène 4
L’arrivée de Monsieur Loyal, huissier de justice, confirme la catastrophe : la maison appartient désormais à Tartuffe, et la famille d’Orgon doit quitter les lieux dès le lendemain. Devant la colère de Damis, Cléante maintient un discours d’apaisement et de prudence.
Scène 5
Madame Pernelle ouvre enfin les yeux : elle comprend que Tartuffe est un manipulateur. Elmire suggère alors qu’un plan d’action pourrait encore inverser la situation en leur faveur.
Scène 6
Valère arrive précipitamment pour avertir Orgon que Tartuffe a dénoncé la cassette au roi, ce qui met Orgon en danger. Il lui propose une solution radicale : fuir pour se protéger.
Scène 7
Tartuffe arrive avec un agent du Roi, décidé à faire arrêter Orgon. Mais contre toute attente, l’agent révèle que le Roi connaît les manœuvres de Tartuffe. C’est donc Tartuffe qui est arrêté. Orgon, soulagé et joyeux, annonce avec enthousiasme le mariage de Mariane et Valère. Cléante, fidèle à lui-même, l’invite une dernière fois à la modération.
Analyse des personnage du Tartuffe
Présentation des personnages de ce résumé sur cette pièce de Molière
Personnage | Description | Rôle |
---|---|---|
Tartuffe |
Imposteur par excellence, manipulateur et faux dévot, qui trompe Orgon et sa famille. | Symbole de l'hypocrisie religieuse et de la manipulation. |
Orgon |
Bourgeois respectable, aveuglé par sa dévotion envers Tartuffe, ce qui le conduit à des décisions irrationnelles. | Figure de l'aveuglement et de la rédemption. |
Elmire |
Épouse d'Orgon, lucide et intelligente, qui démasque Tartuffe grâce à son esprit et son courage. | Voix de la raison et de l'action féminine. |
Dorine |
Servante impertinente et pleine de bon sens, qui voit clair dans le jeu de Tartuffe et défend les intérêts de la famille. | Représentante de la voix du peuple et du bon sens. |
Mariane |
Jeune fille soumise aux décisions de son père, promise à Tartuffe contre son gré. | Victime du pouvoir patriarcal, évoluant vers l'affirmation de soi. |
Damis |
Fils d'Orgon, impétueux et rebelle, qui tente de dénoncer Tartuffe sans succès. | Symbole de la jeunesse passionnée et de la sincérité. |
Madame Pernelle |
Mère d'Orgon, traditionaliste et autoritaire, qui défend Tartuffe jusqu'à la fin. | Figure de l'autoritarisme et du conservatisme. |
Cléante |
Beau-frère d'Orgon, voix de la raison et de la modération, qui tente de ramener Orgon à la réalité. | Représentant de la dévotion authentique et de la sagesse. |
Valère |
Amoureux sincère de Mariane, fidèle malgré les obstacles. | Archétype du jeune homme épris et constant. |
Laurent |
Valet de Tartuffe, complice silencieux de ses manigances. | Symbole de l'hypocrisie organisée. |
Monsieur Loyal |
Huissier au service de Tartuffe, instrument de la loi détournée. | Figure de l'injustice légale. |
L'Exempt |
Agent de la justice royale, qui arrête Tartuffe et rétablit l'ordre. | Symbole de la justice triomphante. |
Molière a écrit "Le Tartuffe ou l'Imposteur" en 1664, une comédie qui critique l'hypocrisie religieuse et la manipulation, en s'inspirant de la Compagnie du Saint-Sacrement.
Étude approfondie des personnages du Tartuffe de Molière
Dans cette comédie en cinq actes, Molière livre une critique audacieuse de la Compagnie du Saint-Sacrement, une confrérie influente du XVIIe siècle, dont certains membres utilisaient la religion comme masque pour interférer dans les affaires privées et troubler l’ordre familial. En choisissant le registre comique, l’auteur parvient à dénoncer sans agressivité les abus de la dévotion ostentatoire.
Autour du personnage de Tartuffe gravite une galerie de figures profondément typées : entre l’aveuglement d’Orgon, la malice de Dorine, la sagesse de Cléante et l’intelligence d’Elmire, chaque interaction éclaire les tensions sociales, morales et religieuses qui traversent la pièce. Les dialogues révèlent une époque marquée par des luttes d’influence, où la piété devient parfois une arme sociale redoutable.
Cette étude vous propose une analyse détaillée et nuancée de chaque personnage, en mettant en évidence leurs contradictions, leurs motivations et leur fonction dramatique. À travers ces portraits, c’est une part essentielle du théâtre classique français qui se donne à comprendre : une œuvre critique et humaniste, portée par une plume aussi drôle que lucide.
Tartuffe, l'imposteur par excellence
Un personnage construit par le regard des autres
Tartuffe est l’un des rares personnages de théâtre dont l’impact précède l’apparition. Il ne surgit qu’à l’acte III, mais il est au cœur de toutes les discussions bien avant. Ce choix scénique malin de Molière donne au spectateur le rôle d’enquêteur : vous entendez des avis opposés, et vous êtes invité à trancher une fois le masque tombé.
Orgon et Madame Pernelle peignent un homme pieux, alors que Dorine, Cléante et Damis dénoncent une imposture. Ces points de vue divergents créent une tension dramatique qui rend son arrivée scénique aussi attendue que redoutée.
La maîtrise de l'art de la dissimulation
Expert en manipulation, Tartuffe adapte sa posture à chaque interlocuteur. Face à Orgon, il joue la piété ; avec Elmire, il laisse entrevoir un visage plus sensuel. Ce jeu de dupes rend le personnage fascinant, car il incarne une hypocrisie fluide, stratégique, presque théâtrale.
Son entrée avec la réplique "Laurent, serrez ma haire avec ma discipline" met immédiatement en scène son exhibitionnisme religieux. Ces accessoires ne sont là que pour décorer son image de saint homme... une image bien loin de la réalité.
Stratège manipulateur et séducteur
Ce faux dévot ne se contente pas d’enfiler le masque de la foi : il lit dans les autres. Orgon cherche un repère moral ? Il en devient un. Elmire semble inaccessible ? Il la charme avec des justifications spirituelles. Tartuffe est un acteur au service de ses intérêts, toujours prêt à retourner une situation en sa faveur.
Il avance masqué, mais ses répliques trahissent son esprit retors : "Le ciel défend, de vrai, certains contentements ; mais on trouve avec lui des accommodements". Derrière ce sourire faussement vertueux, c’est l’homme cupide qui parle.
La chute du masque et la révélation
Tout bascule lorsque Elmire piége Tartuffe devant un Orgon caché sous la table. Dès qu’il se sent trahi, Tartuffe n’a plus de scrupules : il menace, revendique la maison et le fameux contrat de donation. Plus qu’un faux croyant, il devient un prédateur juridique.
Mais l’ultime rebondissement remet de l’ordre : l’Exempt du Roi rétablit la justice. La morale triomphe. Tartuffe est arrêté. Le masque tombe pour de bon, et vous, spectateurs ou lecteurs, saisissez toute la mécanique de son imposture, sociale, morale et politique.
Orgon : entre avuglement et rédemption
Un bourgeois respectable égaré par la dévotion
Orgon, figure de la bourgeoisie d’Ancien Régime, semble au départ un homme honorable et respecté. Ancien combattant de la Fronde, il incarne un père de famille traditionnel, soucieux de l’ordre et des valeurs morales. Mais c’est justement cette quête d’ordre, exacerbée par un contexte instable, qui le rend fragile face à l’emprise d’un imposteur comme Tartuffe.
En quête d’une vérité stable et rassurante, il accorde toute sa confiance à un homme qu’il croit vertueux, révélant ainsi les dangers d’une piété aveugle et non réfléchie.
L’obsession et la tyrannie familiale
Dès sa première apparition, Orgon étonne par son indifférence aux maux de sa famille et sa focalisation quasi obsessionnelle sur Tartuffe. Cette dévotion disproportionnée fait de lui une figure comique et inquiétante, dont l’autorité bascule vers l’autoritarisme.
Son comportement vire à la tyrannie domestique : il impose un mariage absurde à Mariane, renie son fils Damis, et prépare une donation qui mettrait toute la famille à la rue. Sous couvert de vertu, il exerce un pouvoir injuste et sourd aux appels à la raison.
Le parcours vers la lucidité
Ce n’est qu’en étant témoin de la duplicité de Tartuffe – grâce à la ruse d’Elmire – qu’Orgon accepte enfin de voir la vérité. Caché sous la table, il entend ce qu’il refusait d’admettre : le dévot n’est qu’un séducteur cupide. Ce moment déclenche un choc salutaire.
Peu à peu, il revient à lui-même. Sa rédemption est marquée par une forme d’humilité et de reconnaissance des torts. La fin de la pièce le voit regagner sa place de chef de famille, mais il ne doit son salut qu’à la clémence du Roi, soulignant la fragilité de l’homme face à la manipulation.
Elmire, l'intelligence et le pragmatisme féminin
Une femme lucide dans un monde d'illusions
Elmire est l’un des rares personnages à voir clair dès le début dans le jeu de Tartuffe. Elle ne se laisse pas abuser par ses apparences pieuses et perçoit d’instinct la duplicité du personnage. Contrairement à Orgon ou Madame Pernelle, elle reste ancrée dans le réel et ne se laisse pas emporter par l’aveuglement collectif.
Jeune et pleine d’esprit, elle comprend immédiatement que son charme devient un levier de manipulation pour Tartuffe — mais elle saura en faire une arme stratégique.
Le courage de l'action
Face à l'obstination de son mari, Elmire ne se contente pas de paroles. Elle agit. Son plan pour piéger Tartuffe est audacieux : feindre l’intérêt afin de le prendre en flagrant délit. Cela demande du sang-froid, une grande maîtrise de soi et surtout une confiance en ses capacités à rétablir la vérité sans déclencher de scandale.
La scène emblématique où Orgon se cache sous la table pour écouter les avances de Tartuffe (acte IV, scène 5) illustre parfaitement la finesse d’Elmire. Elle retourne les armes du manipulateur contre lui-même.
La voix de la modération
À la différence de personnages comme Damis, Elmire n’est pas guidée par l’émotion. Elle cherche d’abord à résoudre la situation dans le calme et la discrétion. Sa priorité est de préserver l’unité familiale et d’éviter les conflits ouverts. Ce n’est que face à l’intransigeance d’Orgon qu’elle décide de passer à l’action.
Modérée mais déterminée, elle représente un modèle d’intelligence féminine au service de la justice et de la raison, tout en agissant toujours avec élégance et efficacité.
Dorine : la voix du peuple et du bon sens
Une servante pas comme les autres
Dorine n’est pas une servante comme les autres. Elle dépasse largement son rôle en s’immisçant dans les décisions familiales avec une aisance surprenante. Sa liberté de ton, son ancienneté dans la maison et sa loyauté envers Mariane lui confèrent une autorité inattendue au sein de la maisonnée.
Son regard acéré et son bon sens lui permettent de démasquer dès le départ Tartuffe, là où d’autres, plus haut placés, s’égarent dans l’illusion.
Impertinence et courage
Ce qui frappe chez Dorine, c’est son audace. Elle n’hésite pas à interrompre Orgon, à le moquer, à lui opposer des arguments directs et percutants. Cette insolence ne relève pas de la provocation gratuite, mais sert une cause juste : protéger Mariane et défendre la vérité face à l’aveuglement paternel.
Par ses réparties mordantes et ses descriptions savoureuses — notamment celle de Tartuffe à l’allure repoussante — elle incarne une dimension comique essentielle tout en portant une critique sociale implicite.
Médiatrice et stratège
Au-delà de ses traits comiques, Dorine joue un rôle tactique essentiel. C’est elle qui apaise les tensions entre Mariane et Valère, qui invente des stratagèmes pour retarder le mariage imposé, et qui orchestre les scènes de confrontation avec une intelligence vive.
Dotée d’une capacité à lire les émotions des autres, elle agit toujours avec une longueur d’avance, faisant d’elle un personnage-clé dans la lutte contre l’imposture de Tartuffe.
Mariane, une jeune fille entre soumission et résistance
Une victime du pouvoir patriarcal
Mariane incarne la jeune fille noble du XVIIe siècle, soumise aux volontés de son père. Destinée à épouser Valère, l’homme qu’elle aime, elle se retrouve brutalement promise à Tartuffe, sans consultation ni égard pour ses sentiments. Ce revirement impose un choix cornélien entre devoir familial et amour sincère.
Timidité et manque d'assurance
Douce, réservée, Mariane ne possède ni la verve de Dorine ni l’assurance d’Elmire. Face à son père, elle reste en retrait, laissant souvent les autres parler en son nom. Ce silence révèle non pas un manque d’intelligence, mais plutôt les limites imposées par son statut de jeune fille dans une société patriarcale.
Elle peine à défendre son bonheur et dépend largement de l’aide de sa servante pour formuler ses objections ou exprimer ses émotions, notamment dans sa relation avec Valère.
L’évolution vers l’affirmation de soi
Peu à peu, Mariane sort de sa passivité. Le danger d’un mariage imposé agit comme un déclencheur : elle exprime son refus plus clairement, allant jusqu’à envisager le couvent comme ultime échappatoire. Cette révolte mesurée représente un pas vers l’émancipation.
Finalement, une fois l’ordre restauré et Tartuffe démasqué, elle retrouve sa liberté de choix et la possibilité d’un mariage d’amour. Sa trajectoire offre une réflexion sur les limites et les possibilités d’affirmation féminine dans un monde encore dominé par l’autorité des pères.
Damis ou l'impétuosité de la jeunesse
Un fils rebelle et passionné
Damis, le fils d’Orgon, incarne l’énergie brute et la révolte spontanée de la jeunesse face à l’autorité jugée injuste. Dès le début, il se méfie de Tartuffe et n’hésite pas à afficher son hostilité. Sa fougue tranche avec la passivité de sa sœur Mariane et l’esprit raisonné de Cléante.
L’échec de la confrontation directe
Sa dénonciation frontale de Tartuffe à son père, après avoir surpris ses avances envers Elmire, se retourne contre lui. Orgon, aveuglé par son admiration pour le faux dévot, l’accuse de mensonge et le bannit. Cette scène souligne les limites de la vérité brute quand elle n’est pas accompagnée de stratégie.
Une présence symbolique
Bien qu’il apparaisse peu, Damis symbolise une jeunesse impatiente mais animée d’un profond désir de justice. Sa colère est authentique, même si elle manque de subtilité. Il rappelle que la sincérité, même maladroite, peut être une force si elle s’inscrit dans une lutte collective contre l’imposture.
Sa réintégration à la fin de la pièce, une fois Tartuffe démasqué, valorise sa loyauté familiale et montre que la fougue peut être pardonnée lorsqu’elle est guidée par l’honneur.
Madame pernelle : l'autoritarisme traditionaliste
Une gardienne des valeurs conservatrices
Madame Pernelle incarne l’intransigeance d’un certain conservatisme moral propre à l’Ancien Régime. Elle critique vivement les membres de sa propre famille et défend farouchement Tartuffe, qu’elle considère comme un modèle de piété. Ce personnage, ancré dans une vision ancienne de la société, illustre les résistances au changement et à la modernité.
Un personnage comique et satirique
Par ses jugements tranchés, ses interruptions intempestives et son refus d’entendre raison, Madame Pernelle devient un ressort comique de premier plan. Sa façon de s’imposer dans la conversation sans jamais écouter donne lieu à des scènes à la fois drôles et révélatrices d’une critique sociale implicite de Molière.
L’évolution tardive
Son entêtement à défendre Tartuffe, même face à l’évidence, souligne la profondeur de son aveuglement. Ce n’est qu’à la toute fin de la pièce qu’elle se rend enfin à la vérité, ce qui met en lumière la difficulté de faire évoluer ceux qui sont profondément attachés aux apparences religieuses.
Madame Pernelle est ainsi une figure double : comique par son décalage, mais aussi critique d’un certain ordre moral, prompt à juger et lent à comprendre.
Cléante ou la voix de la raison modérée
Le représentant de la dévotion authentique
Cléante, beau-frère d’Orgon, représente l’esprit modéré et lucide qui tranche avec les comportements excessifs des autres personnages. Il défend une religion sincère, loin des apparences hypocrites de Tartuffe, et tente sans relâche de rappeler Orgon à la raison. Sa célèbre tirade sur la fausse dévotion souligne les dangers des excès moraux et religieux.
Le conseiller rationnel
Tout au long de la pièce, Cléante agit comme une voix posée. Il discute, argumente, propose — sans jamais hausser le ton. Il incarne une forme de sagesse calme, préférant le dialogue à la confrontation. Son rôle de médiateur entre Orgon, Damis, et Mariane donne à la pièce un équilibre face aux tensions grandissantes.
La fonction philosophique et morale
En plus de son implication dans l’intrigue, Cléante exprime la pensée morale de Molière. Il ne rejette pas la foi, mais condamne ceux qui s’en servent pour manipuler. En cela, il rassure le spectateur : ce n’est pas la religion qui est critiquée, mais l’hypocrisie qui se cache derrière elle.
Avec Cléante, Molière propose un modèle d’honnête homme éclairé par la raison, porteur d’une morale sincère et d’un discours équilibré — un personnage essentiel pour comprendre le message profond de la pièce.
Les personnages secondaires
Dans "Tartuffe", certains personnages secondaires, bien que moins présents sur scène, jouent un rôle stratégique dans la dynamique de l’intrigue. Ils enrichissent le propos moral et social de la pièce en incarnant différents rouages de l'ordre familial, amoureux ou juridique.
Valère : l’amoureux constant
Valère, prétendant sincère de Mariane, est l’archétype du jeune homme épris, fidèle malgré les obstacles. Son rôle met en lumière les tensions amoureuses classiques des comédies du XVIIe siècle.
- Représente un parti socialement acceptable pour Mariane.
- Exprime une jalousie orgueilleuse mais reste fidèle.
- Retrouve Mariane dans le dénouement heureux de la pièce.
Laurent : le valet complice
Laurent, bien qu’il n’apparaisse jamais directement sur scène, est fréquemment évoqué par Tartuffe, ce qui laisse deviner son rôle dans l’ombre.
- Exécute des gestes ostentatoires de piété sur ordre de Tartuffe.
- Symbole d’une hypocrisie organisée, non isolée.
- Reste invisible pour renforcer l’image de sainteté de son maître.
Monsieur loyal : l’instrument de la loi détournée
Le nom de Monsieur Loyal est une ironie évidente : il incarne un agent de la loi qui agit sans discernement, au service de l’injustice. Son langage doux contraste avec la violence de son acte.
Nom | Fonction | Impact dramatique |
---|---|---|
Monsieur Loyal | Huissier | Ordonnance d’expulsion au profit de Tartuffe |
Laurent | Valet de Tartuffe | Complice silencieux, soutien logistique de l’imposture |
L’exempt : deus ex machina royal
Dans les toutes dernières scènes, l’Exempt arrive avec un retournement spectaculaire. Son rôle est bref mais décisif, incarnant la justice royale triomphante.
- Arrête Tartuffe alors que celui-ci semblait victorieux.
- Rétablit l’ordre familial et juridique.
- Permet à Molière de saluer l’autorité du roi Louis XIV.
Chacun de ces personnages, bien que secondaire, participe activement à la construction d’un univers théâtral cohérent et à la dénonciation de l’hypocrisie sous toutes ses formes.
une galerie de portraits à portée universelle
L’étude approfondie des personnages du "Tartuffe" met en lumière la richesse psychologique et l’ancrage social de cette comédie emblématique de Molière. Loin de se limiter à une satire de l’hypocrisie religieuse, la pièce brosse un tableau nuancé des comportements humains, en explorant des thématiques telles que l’aveuglement idéologique, les tensions familiales ou encore les abus de pouvoir.
En dotant chaque protagoniste, du plus central au plus discret, d’une voix propre et d’un caractère bien défini, Molière transcende la farce pour livrer une œuvre à la portée universelle. Les figures comme Tartuffe, Orgon, Elmire ou Dorine ne sont pas seulement des archétypes comiques : ce sont aussi des miroirs de nos failles, de nos illusions et de notre quête d’équilibre moral.
La pérennité du "Tartuffe" tient à cette réflexion intemporelle sur la nature humaine, où se croisent fanatisme, manipulation et clairvoyance. Le comique de situation s’accompagne d’une véritable leçon d’éthique fondée sur la lucidité et la modération. Le spectateur ou lecteur d’aujourd’hui peut encore y reconnaître les travers de sa propre époque, preuve de la modernité inaltérable de cette comédie du XVIIe siècle.
Grâce à cette galerie de portraits à la fois mordants et profonds, Molière continue de faire réfléchir et de divertir, et c’est sans doute là la marque de son génie dramatique. La vitalité de ses personnages et la densité de ses dialogues expliquent pourquoi "Tartuffe" reste une référence incontournable du théâtre classique, régulièrement adapté et célébré sur les scènes du monde entier.
Analyse du Tartuffe : Quand l'Hypocrisie se Fait Démasquer
Une création sous le feu de la controverse
Un contexte historique explosif
Le Tartuffe naît dans une France du XVIIe siècle agitée par de profondes tensions religieuses. Le 12 mai 1664, lors des célèbres festivités de « Les Plaisirs de l’Île enchantée » organisées à Versailles, Molière présente pour la première fois sa pièce devant Louis XIV. Le choc est immédiat. Les groupes dévots influents, très présents dans la société de l’époque, réagissent violemment face à ce qu’ils perçoivent comme une attaque directe contre la religion. Malgré son goût personnel pour la pièce, le roi choisit de céder à la pression et en interdit la représentation publique. Ce geste révèle les contradictions internes de la monarchie absolue, partagée entre contrôle politique et soumission à l’influence religieuse.
Dans ce climat tendu, l’audace de Molière n’en est que plus marquante. Comme le note le critique Michel Delon, l’auteur incarne un « paradoxe » permanent : il est à la fois « homme de pouvoir et de contestation », présent à la cour tout en restant en marge. Cette position fragile ne l’empêche pas de défendre ardemment sa pièce, qu’il retravaille à plusieurs reprises. Il faudra attendre 1669 pour que la version complète soit enfin autorisée à la scène.
Une bataille pour la liberté d'expression
L’histoire tourmentée du Tartuffe reflète les limites de la liberté artistique sous l’Ancien Régime. Molière, refusant d’abandonner son projet, propose en 1667 une version modifiée intitulée L’Imposteur. Elle sera, elle aussi, interdite dès le lendemain de sa première. Pendant cinq longues années, l’auteur mène un combat opiniâtre pour la reconnaissance de son œuvre. Ce n’est qu’en 1669 que la pièce pourra être jouée dans son intégralité.
Cette lutte prend tout son sens dans une lecture politique : elle montre que la satire moliéresque dérange, car elle met à nu les mécanismes de pouvoir et les abus des prétendues autorités morales. La Révolution française viendra d’ailleurs relire ce conflit à travers le prisme des nouvelles valeurs républicaines. En s’en prenant aux hypocrites plutôt qu’à la foi, Molière offre une défense indirecte mais puissante de la liberté d’expression et de la pensée critique, toujours aussi actuelle aujourd’hui.
Les personnages dans Tartuffe : un miroir de la société
Tartuffe : l'anatomie d'un imposteur
Tartuffe, le personnage éponyme du célèbre chef-d'œuvre de Molière, n’apparaît qu’à l’acte III. Cette absence prolongée crée une attente dramatique tout en laissant les autres personnages tisser, chacun à leur manière, l’image d’un homme pieux… ou d’un imposteur. La fascination d’Orgon pour lui naît dès leur première rencontre à l’église :
« Il attirait les yeux de l'assemblée entière
Par l'ardeur dont au Ciel il poussait sa prière ;
Il faisait des soupirs, de grands élancements,
Et baisait humblement la terre à tous moments. »
Ce tableau exagérément édifiant résume toute l’hypocrisie du personnage : Tartuffe dissimule son vice derrière une posture religieuse théâtralisée. Sa stratégie repose sur l’adaptation de son attitude selon son interlocuteur, multipliant les visages : dévot austère avec Orgon, séducteur empressé face à Elmire. Cette faculté d’adaptation, doublée d’un usage machiavélique de la parole, confère au personnage une densité psychologique rare dans le théâtre classique.
Certains chercheurs, dans leurs études sur « le dynamisme de la peur chez Molière », montrent comment Tartuffe exploite les insécurités religieuses d’Orgon. Plus qu’un menteur, c’est un manipulateur émotionnel qui joue sur les angoisses et les quêtes de rédemption pour asseoir son ascendant.
Orgon : l'aveuglement et la tyrannie domestique
Orgon incarne le chef de famille autoritaire dont la dévotion excessive le rend aveugle au bon sens. Sa relation avec Tartuffe bascule rapidement dans l’obsession, au point qu’il néglige ses proches et agit contre leurs intérêts. Son aveuglement s’exprime dans une réplique devenue culte :
« Le pauvre homme ! »
Répétée sans cesse en dépit de tout ce que l’on révèle à Orgon sur Tartuffe, cette phrase est une caricature de la naïveté. Elle révèle la rupture entre perception et réalité que produit une emprise psychologique bien rodée. Orgon, autrefois maître de sa maison, devient ainsi le pantin docile d’un faux dévot.
Une lecture foucaldienne du Tartuffe permet d’interpréter la maison d’Orgon comme un espace de circulation du pouvoir. Les personnages y entrent en conflit, s’affrontent pour influencer ou résister. Orgon n’y est pas le seul maître : Elmire, Dorine ou même Cléante y exercent, chacun à leur façon, une autorité contre-pouvoir.
Elmire : l'intelligence et la ruse féminine
Elmire, seconde épouse d’Orgon, apporte une réponse tout en finesse à la menace Tartuffe. Là où son mari se laisse aveugler, elle garde une lucidité calme et décide de piéger l’imposteur. Sa stratégie repose sur une mise en scène volontairement équivoque, destinée à faire tomber le masque de Tartuffe sous les yeux d’Orgon :
« Je vais par des douceurs, puisque j'y suis réduite,
Faire poser le masque à cette âme hypocrite. »
Cette réplique illustre le pragmatisme et le courage d’Elmire. Elle accepte d’entrer dans un jeu dangereux pour défendre sa famille. Sa posture ne relève ni de la soumission ni de la provocation : elle agit en stratège, avec tact et fermeté, dans un univers qui accorde peu de place à la parole féminine.
Le personnage d’Elmire, à travers cette démarche, préfigure une forme de résistance féminine intelligente. Elle ne revendique pas frontalement un pouvoir, mais l’exerce avec discrétion et efficacité, à rebours des rôles genrés traditionnels. Une leçon d’équilibre entre discernement moral et action concrète.
Les grands thèmes de cette pièce de théâtre de Molière : une critique sociale toujours actuelle
L'hypocrisie religieuse : au-delà de la simple satire
La critique de l'hypocrisie religieuse forme l’axe central de la pièce Le Tartuffe. Molière ne remet pas en question la foi véritable, mais dénonce ceux qui en font un masque pour servir leurs intérêts personnels. Cette nuance est brillamment formulée par Cléante dans une réplique qui reste l’une des plus célèbres du théâtre classique :
« Il est de faux dévots ainsi que de faux braves ;
Et comme on ne voit pas qu'où l'honneur les conduit,
Les vrais braves soient ceux qui font beaucoup de bruit,
Les bons et vrais dévots, qu'on doit suivre à la trace,
Ne sont pas ceux aussi qui font tant de grimace. »
À travers Tartuffe, Molière attaque les faux dévots qui profitent de leur image de piété pour s’introduire dans les foyers et en prendre le contrôle. Cette dénonciation prenait un sens politique fort à l’époque, où des confréries comme la Compagnie du Saint-Sacrement jouaient un rôle actif dans la société et cherchaient à contrôler les mœurs.
- La religion n’est pas en cause : seul son détournement est visé.
- Tartuffe se présente comme le défenseur de la morale, mais ses actes le trahissent.
- Cléante incarne une foi authentique et tolérante, opposée au fanatisme.
Pouvoir et manipulation : les mécanismes à l'œuvre
Le personnage de Tartuffe agit comme un révélateur des failles du pouvoir patriarcal. La soumission d'Orgon, chef de famille pourtant autoritaire, révèle combien l’autorité peut vaciller lorsqu’elle repose sur la peur ou le besoin de croire. Ce que Molière met en scène, ce n’est pas simplement une imposture individuelle, mais bien un mécanisme de domination psychologique.
Plusieurs études contemporaines, notamment celles sur le dynamisme de la peur, expliquent comment Tartuffe manipule Orgon en exploitant sa culpabilité, sa soif de rédemption et son besoin de structure. Le pouvoir, dans la pièce, n’est pas statique : il circule entre les personnages selon leur capacité à influencer ou à résister.
- Orgon perd son autorité car il l’a transférée à un imposteur.
- Tartuffe exerce son emprise par la culpabilisation et la peur de l’enfer.
- Les autres membres de la famille tentent de rétablir un équilibre perdu.
La famille comme microcosme social
La maisonnée d’Orgon fonctionne comme une miniature de la société française du XVIIe siècle. On y retrouve les tensions entre les générations, les inégalités de pouvoir entre hommes et femmes, ainsi que les stratégies individuelles pour échapper à la domination. Le mariage de Mariane, imposé par son père, devient le symbole d’un système rigide que la pièce vient interroger.
À travers cette intrigue, Molière défend implicitement le libre arbitre et l’idée que les femmes et les jeunes gens devraient avoir voix au chapitre dans les décisions qui les concernent. Cette approche résonne encore aujourd’hui dans les débats sur les droits individuels et les libertés familiales.
- La cellule familiale devient un champ de lutte entre autorité et émancipation.
- Le mariage forcé symbolise l’emprise patriarcale.
- Les femmes, à travers Elmire ou Dorine, démontrent une grande intelligence stratégique.
L'art comique de Molière : une mécanique de précision
Les ressorts du comique
Le Tartuffe repose sur un savant dosage de procédés comiques, qui donne à la pièce une vitalité scénique exceptionnelle tout en soutenant sa visée critique. Molière mobilise plusieurs formes de comique : le comique de mots, visible dans les jeux de langage et les malentendus ; le comique de situation, qui culmine dans la fameuse scène de la table ; le comique de caractère, incarné par des figures comme Orgon ou Madame Pernelle ; enfin, le comique de mœurs, qui brocarde les usages sociaux de la bourgeoisie et la fausse piété.
La scène où Orgon se cache sous la table pour observer Tartuffe tenter de séduire Elmire est emblématique de cette mécanique comique. Elle allie tension narrative, ironie dramatique et mise en scène visuelle pour produire à la fois du rire et une révélation décisive. Cet équilibre entre divertissement et dénonciation fait la force du théâtre de Molière.
Le langage comme révélateur des caractères
La langue dans Le Tartuffe joue un rôle crucial dans la caractérisation des personnages. Tandis que certains, comme Dorine ou Cléante, s'expriment avec franchise et clarté, d'autres, à l'image de Tartuffe, utilisent une parole chargée d’artifices, pleine de détours et de fausse bienséance. Ce contraste de styles linguistiques reflète les oppositions morales de la pièce.
Les tirades de Tartuffe, notamment lors de ses tentatives de séduction, regorgent de vocabulaire religieux détourné pour justifier ses désirs. L’un des exemples les plus frappants de cette hypocrisie verbale se trouve dans la scène avec Elmire :
« Mais enfin je connus, ô beauté toute aimable,
Que cette passion peut n'être point coupable,
Que je puis l'ajuster avecque la pudeur,
Et c'est ce qui m'y fait abandonner mon cœur. »
Cette façon de manipuler le langage religieux pour excuser des intentions charnelles révèle avec finesse comment les mots deviennent des armes quand ils sont instrumentalisés. Le discours n’est plus porteur de vérité, mais d’ambiguïté trompeuse.
Structure et rythme : une mécanique de précision
Le rythme dramatique du Tartuffe témoigne d’une maîtrise parfaite des codes théâtraux classiques. Le choix de retarder l’entrée en scène du personnage principal jusqu’à l’acte III est un coup de maître : cela crée une tension dramatique, tout en nourrissant la curiosité du public par les descriptions contradictoires des autres personnages. Quand Tartuffe apparaît enfin, l’effet est d’autant plus saisissant.
La pièce alterne avec brio les scènes de haute intensité et les respirations comiques. Cette alternance offre un équilibre qui maintient l’attention du spectateur tout en soulignant les moments clés de l’intrigue. Le dénouement, avec l’arrestation de Tartuffe par l’Exempt, vient ponctuer cette progression rythmée et logique, où chaque scène trouve sa place dans une architecture dramatique rigoureuse.
Avec Le Tartuffe, Molière démontre que le comique peut être bien plus qu’un simple divertissement : c’est un outil puissant de questionnement moral et social, manié avec une précision de dramaturge virtuose.
La postérité : Tartuffe à travers les siècles
Les adaptations : de Murnau à nos jours
Depuis sa création, Le Tartuffe n’a cessé d’inspirer metteurs en scène, réalisateurs et artistes du monde entier. Sa richesse thématique et dramatique en fait une œuvre caméléon, capable de se réinventer au fil des époques et des contextes culturels. L’une des premières adaptations marquantes fut celle du cinéaste expressionniste allemand F.W. Murnau, en 1926. Dans ce film muet, il offre une vision déroutante, oscillant entre fidélité et transformation, prouvant ainsi que l’essence du texte de Molière peut survivre à une transposition aussi radicale que celle du langage cinématographique silencieux.
Mais l’universalité du Tartuffe ne s’arrête pas à l’Europe. À Karnataka, en Inde du Sud, la pièce a été adaptée à la culture locale, preuve que les figures de l’hypocrisie, du pouvoir patriarcal et de la ruse féminine dépassent largement les frontières du XVIIe siècle français. Cette plasticité interculturelle fait du Tartuffe une source intarissable d’interprétations et de réinventions.
- 1926 : adaptation cinématographique par F.W. Murnau
- Années 2000 : mises en scène modernes axées sur le pouvoir et la manipulation médiatique
- Version indienne : transposition au Karnataka dans un contexte social local
- Théâtre contemporain : relectures féministes, queer ou politiques sur les scènes du monde entier
Lectures contemporaines et résonances actuelles
Le Tartuffe ne cesse d’être revisité par les penseurs contemporains. Une lecture foucaldienne de l’œuvre permet par exemple de considérer la maison d’Orgon comme un espace de pouvoir, un théâtre domestique où s’affrontent la domination patriarcale, les résistances féminines, les manipulations hypocrites et les contre-pouvoirs populaires incarnés par des personnages comme Dorine. Cette grille de lecture éclaire les tensions sociales qui structurent la pièce au-delà de son intrigue familiale.
Les thématiques portées par Molière trouvent une résonance profonde dans notre époque : l’hypocrisie religieuse dans un monde marqué par le retour du fondamentalisme ; la manipulation à travers les apparences dans une société saturée d’images et de réseaux sociaux ; l’émancipation féminine à travers des figures comme Elmire, qui continuent d’incarner l’intelligence et la résistance discrète.
la dénonciation par Molière des mariages imposés et son plaidoyer implicite pour l’autonomie des jeunes gens font écho aux débats actuels sur les droits individuels et la liberté de choix. Le Tartuffe, loin d’être un simple classique figé, reste un texte vivant, subversif, et essentiel pour interroger nos sociétés et nos valeurs.
Pourquoi lire Tartuffe en 2025 ?
Le Tartuffe de Molière, bien plus qu'une simple comédie classique, constitue une œuvre d'une profondeur et d'une richesse exceptionnelles qui continue de nous parler directement à travers les siècles. Sa critique de l'hypocrisie, son analyse fine des mécanismes de manipulation, sa défense d'une religion authentique contre ses détournements intéressés en font un texte d'une étonnante modernité.
La complexité psychologique des personnages, la virtuosité de la construction dramatique et l'efficacité des ressorts comiques témoignent du génie théâtral de Molière, capable de divertir tout en faisant réfléchir. Le Tartuffe nous invite à exercer notre vigilance critique face aux discours moralisateurs et aux apparences trompeuses, nous rappelant que l'habit ne fait pas le moine – ou plutôt, comme le dirait Molière :
« Le froc ne fait pas le dévot. »
Pour vous, étudiantes et étudiants d’aujourd’hui, cette œuvre offre un terrain d’exploration particulièrement fertile, tant par ses qualités littéraires que par les questions sociales, psychologiques et politiques qu’elle soulève. Étudier Le Tartuffe, c’est non seulement s’immerger dans un chef-d’œuvre du patrimoine culturel français, mais aussi développer des outils d’analyse critique essentiels pour naviguer dans la complexité du monde contemporain.
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