Résumé de La peur de Stefan Zweig
La peur est une nouvelle écrite par Stefan Zweig en 1913. Ce thriller psychologique paraît pour la première fois à Berlin en 1920. Résumé, présentation des personnages, analyse de l’œuvre : explorons ensemble ce drame psychologique du XXème siècle d’un grand auteur autrichien.
Résumé détaillé
Prise sur le fait
L’histoire se déroule au début du siècle à Vienne. Irène, une jeune bourgeoise qui s’approche de la trentaine, est mariée à un avocat fortuné, Fritz Wagner, qui est amoureux d’elle. Irène le trompe avec un homme du nom d’Édouard. Toutefois, à chaque fois qu’Irène se sépare de son amant, elle est pétrifiée. Elle se trouve honteuse et cela lui gâche, bien souvent, le peu de temps qui lui reste à profiter avec son amant. Un jour, alors qu’elle quitte son amant pour rejoindre son domicile, une femme la coince. Cette prolétaire semble en colère qu’Irène ait pu lui arracher son Édouard. La jeune femme la méprise.
Troublée, Irène finit par rentrer chez elle. Sa nervosité n’échappe pas à son mari.
Une situation excitante
Irène a fait la connaissance d’Édouard au cours d’une soirée, c’est un jeune pianiste à succès. Elle explique que ce n’est ni son physique ni son intellect qui la séduit, mais le goût du jeu et l’envie de se divertir.
Elle qui s’est mariée jeune et a connu les joies de la maternité assez tôt, elle a eu l’opportunité de revivre avec cet amant la passion et l’exaltation. Irène et Édouard ont commencé à se voir jusqu’à ce que dernier l’invite chez lui pour lui faire écouter un morceau de piano qu’il avait fait pour elle. C’est ainsi que leur aventure a commencé. Si au départ, celle-ci semble être excitante, très vite, elle devient banale. Ainsi, Irène sent une certaine excitation à l’idée que leur aventure commence à devenir dangereuse, cependant, elle préfère sacrifier son aventure avec Édouard que de perdre son confort.
C’est pourquoi Irène décide d’envoyer une lettre à son amant pour annuler tous les rendez-vous qu’ils ont prévus ensemble.
De l’excitation à la terreur
Ce dernier lui répond par un courrier : il la supplie de revenir sur sa décision et l’implore une dernière entrevue pour qu’ils puissent en discuter. Face à la situation, Irène se sent puissante. Elle a le pouvoir sur cet homme et cela rend l’aventure encore plus excitante. Elle revoit le jeune homme dans le salon de thé. Le pouvoir qu’elle a sur lui l’excite de plus en plus. Elle se sent désirée, elle se sent belle. En revenant chez elle, elle revoit la jeune prolétaire qui l’attend en bas de chez elle. Cette dernière où elle habite et elle sait également quel est son nom : Irène Wagner. La jeune bourgeoise passe de l’excitation à la terreur. Elle est à nouveau en proie à la peur. Elle est contrainte de tendre sa bourse à la jeune femme pour la faire partir.
En se demandant comment son mari pourrait réagir, elle se rend compte qu’elle ne connaît pas vraiment l’homme avec lequel elle partage sa vie depuis huit ans. Lorsqu’il rentre ce jour-là, elle se met à observer son mari, cet homme étranger, elle se plaît à le re-découvrir.
Le changement d’Irène
Irène commence à vivre dans la peur. Elle craint que la jeune femme puisse la dénoncer, elle angoisse que son mari puisse découvrir son infidélité. Elle reste alors enfermée pendant trois jours consécutifs dans son logement. Elle se prive de la seule vie qui a un réel intérêt pour elle : l’extérieure, la vie sociale. Très vite, ses enfants commencent à s’en rendre compte ainsi que les domestiques. Durant ces trois premiers jours d’”enfermement”, elle se rend vite compte qu’elle est devenue une étrangère au sein de sa propre maison. Elle n’arrive pas à trouver sa place.</p
Son mari l’invite à aller chez des amis. Lors de la soirée, Irène est heureuse. C’est la première fois qu’elle sort depuis trois jours et elle se met à profiter de tout ce que la soirée lui offre : mets, boissons, danse. Cela provoque l’étonnement de son mari qui lui demande froidement ce qu’elle a. Ils quittent la soirée et durant le trajet, aucun des deux ne brise le silence. Irène a peur, et s’il savait ?
Irène fait un cauchemar. En se réveillant, son mari est à ses côtés. Il est venu auprès d’elle, car il l’a entendu appeler “au secours”. Il lui demande alors ce qu’elle a. Il s’inquiète et cherche à comprendre. Il lui demande si elle n’a pas des secrets qu’elle voudrait lui révéler. Irène ironise la situation : “Parce que je ne dors pas bien, j’aurais des secrets ? Et pourquoi pas une aventure !”
Son mari capitule et la laisse seule dans la chambre. Les agissements de son mari l’inquiètent. Elle a peur, elle se demande pourquoi il réagit ainsi.
Payer sa liberté
Attablée avec son mari et ses enfants, Irène reçoit une lettre. On lui demande 100 couronnes. Elle comprend alors que c’est la jeune femme. Elle accepte d’acheter une nouvelle fois son silence. Dans la précipitation, elle se rend compte qu’elle a laissé la lettre à la vue de tous sur la table. Elle finit par la récupérer et la jeter aux feux. Son mari la rejoint et lui explique qu’elle a tout à fait le droit de recevoir des lettres sans lui en parler. Petit à petit, elle sent que le regard de son mari change. Elle se demande s’il sait ou s’il cherche simplement à comprendre ce qu’il se passe.
Irène se met à ressortir espérant que les 100 couronnes lui donnent un peu de répit. En proie à la peur, sa sortie ne lui donne pas la satisfaction escomptée. Elle tombe sur son amant qui l’implore de revenir auprès de lui. Irène lui en veut de cette situation. Elle finit par se dire qu’elle ne connaît pas cet homme et se demande ce qu’elle fait avec lui. Elle se rend compte aujourd’hui qu’elle souhaite retrouver sa place au sein de sa maison. Que les choses simples comme son mari ou ses enfants prennent une grande place dans son cœur. Elle finit par comprendre que la femme qui avait eu une aventure avec cet Édouard n’existe plus. Elle lui est étrangère.
Quand on aime, on pardonne
La jeune femme continue de faire chanter Irène en lui demandant 200 couronnes. La jeune bourgeoise sait qu’elle recule pour mieux sauter. Elle ne fait qu’acheter du temps. Elle a conscience qu’elle sera obligée de tout révéler à un moment, car le montant ne va pas cesser d’augmenter et elle ne sera plus en mesure de payer. Irène se rend compte que son mari fait attention à elle. Elle ne sait pas s’il le fait par amour ou s’il essaie de la piéger, la rendre mal au point qu’elle en avoue ses crimes. Elle vit dans la peur constante. Un jour, son mari cherche à ce que sa fille avoue qu’elle a cassé un jouet et il organise un tribunal fictif. Lorsque sa fille avoue sa faute, il la condamne à ne pas aller à la fête qui a lieu le lendemain.
Irène échange avec son mari, lui expliquant qu’il a été trop dur avec elle. Celui-ci lui donne raison, il sait que bien souvent, les personnes qui mentent et qui ne souhaitent pas confesser leur crime se font du tort à elle-même. Ils sont emprisonnés dans la peur et dans la crainte que le ou les secrets soient révélés. Irène pense que c’est surtout la honte qui les consume. Fritz ne veut pas que sa femme puisse croire qu’il n’est pas capable de pardonner. Il décide donc d’aller voir sa fille pour lui dire que la sanction n’existe plus et qu’elle pourra aller à la fête demain. Irène aimerait tout révéler à son mari, mais elle en est incapable.
La révélation
Irène sait pertinemment que l’étau se resserre. Mais tant qu’elle le peut, elle fait tout pour dissimuler son secret. Jusqu’au jour où la jeune femme qui la fait chanter arrive chez elle. Cette dernière lui réclame 400 couronnes. Irène lui explique qu’elle n’a pas cette somme. La jeune femme lui demande alors sa bague de fiançailles. Si au départ, la jeune bourgeoise refuse, elle arrache la bague de son doigt lorsqu’elle entend son mari rentrer. La jeune femme s’éclipse avec la bague et Irène prétend que cette dame voulait des renseignements.
À table, Fritz se rend compte que sa femme n’a plus sa bague. Celle-ci lui ment une nouvelle fois, lui expliquant qu’elle l’a donné à nettoyer.
Irène commence à avoir des idées suicidaires. Elle se met à chercher la jeune femme pour récupérer sa bague, mais elle n’arrive pas à la trouver. Elle tente de demander de l’aide à son amant qui lui assure qu’il ne connaît absolument pas la jeune femme dont elle parle. D’ailleurs, son amant l’a déjà remplacé par une autre. Irène décide alors d’aller chercher de la morphine chez le pharmacien afin de se donner la mort. Au moment où elle paie, elle tombe sur son mari qui récupère la fiole. Ils regagnent leur domicile.
Son mari lui avoue tout. En apprenant son infidélité, il a payé une actrice au chômage afin que sa femme quitte son amant et revienne auprès de lui et de ses enfants.
Il ne savait pas que tout cela allait la mettre dans tous ses états et qu’elle vivrait dans la peur constante. Irène s’endort. Quand elle se réveille le lendemain, elle s’aperçoit que sa bague de fiançailles est revenue à son doigt. Elle n’a plus peur et sait que le meilleur est devant elle.
Présentation des personnages
Irène Wagner est une femme d’une trentaine d’année marié à Fritz Wagner depuis 8 années. Elle apprécie les mondanités et passe son temps hors de sa maison, délaissant son mari et ses enfants. Elle trompe son mari avec Édouard, un pianiste qu’elle a rencontré. Loin de le trouver à son goût, c’est surtout l’aventure qu’elle recherche dans cette relation. Elle finit par vivre dans la peur constante lorsqu’elle est surprise par une jeune femme. Cette dernière se met à la faire chanter. La peur augmente au point qu’Irène en vienne à penser au suicide.
Fritz Wagner est un homme fortuné. Cet avocat compréhensif est très amoureux de sa femme. Maintes fois, il essaie de tendre la perche à Irène pour que celle-ci lui avoue ses fautes. Mais cette dernière ne lui dit rien. En voyant qu’elle essaie de mettre fin à ses jours, il lui révèle le stratagème qu’il a mis en place. Il n’a fait ça que pour qu’elle quitte son amant et revienne vers lui et ses enfants.
Édouard est un jeune pianiste à succès qui tombe sous le charme d’Irène Wagner. À la différence d’Irène qui ne cherche que l’exaltation procurée par cette aventure, l’amant a de réels sentiments pour Irène. Il est complètement démuni lorsque celle-ci lui envoie une lettre pour le quitter. Il cherchera à comprendre, il souhaitera la récupérer, mais en vain. Il finira par la remplacer.
La jeune femme se fait passer pour une prolétaire qui connaît la misère. Irène lui a piqué son Édouard et elle cherche à tirer profit de la condition sociale de cette jeune bourgeoise. En la faisant chanter, elle devient l’objet de peur d’Irène. Cette dernière a peur que cette jeune femme se mette à tout révéler à son mari. Finalement, cette extorqueuse se révèle être une actrice au chômage payée par Fritz pour que sa femme quitte son amant.
Analyse de l’oeuvre
La peur dans toute sa splendeur
Cette œuvre de Stefan Zweig pourrait se résumer ainsi : l’histoire d’une femme qui est aux prises avec la peur. L’auteur nous raconte la lente descente aux enfers de cette jeune bourgeoise qui, se faisant surprendre par une tierce personne, est totalement paralysée par la peur. Dans ce drame psychologique, Zweig décrit les actions, les réactions ainsi que les sentiments d’Irène, et ce, sans jamais la juger. D’ailleurs, cette jeune bourgeoise n’a pas besoin de ça, tout au long de ce thriller psychologique, elle se juge elle-même. En effet, en ayant bafoué les règles sociales, en ayant délaissé son mari et ses enfants, pour jouir d’une aventure, Irène s’est couverte de honte. Elle vit dans l’angoisse constante que son adultère puisse être révélée. Elle a peur des conséquences. Si son mari tente plusieurs fois de la libérer en l’amenant à se soulager de ce secret inavouable, Irène continue à mentir ce qui l’entraîne toujours plus dans une situation inconfortable. Plus les jours passent, plus l’étau se resserre et plus la situation devient incontrôlable.
Une prison mentale
Du fait de sa volonté de garder cette infidélité secrète, Irène s’enferme. La peur et la honte font d’elle une femme qui n’est plus que l’ombre d’elle-même. Une femme qui sent peu à peu sa vie l’abandonner. Un être qui aspire, peu à peu, à épouser la mort. En réalité, c’est elle-même qui s’enferme dans cette prison mentale à l’instar des clients de son mari qui refusent de dire la vérité. En choisissant de ne rien révéler, elle se torture psychologiquement. Elle détient la clé de sa libération, mais elle choisit de se taire, optant pour le mensonge, ce qui ne fait que solidifier le “cachot de sa propre peur” dans lequel elle s’enferme peu à peu. Dans sa prison mentale, Irène anticipe les choses. Elle se fait des films. Elle a la nette impression que tout le monde la juge, que son mari ne lui pardonnera pas son infidélité.
Remise en question de la justice
Dans cette œuvre, Zweig invite le lecteur à réfléchir sur les mauvaises actions commises par un homme ou par une femme. Si une personne est sanctionnée au moment des faits, cela est juste. Toutefois, est-ce juste de punir quelqu’un pour un acte qu’il a commis un ou deux ans auparavant ? En effet, au bout d’un certain temps, ce crime n’est “plus le sien”. On juge un étranger, car l’homme qui se présente à la barre n’a plus rien à voir avec cette personne qui a commis ces fautes à l’époque. Ces propos sont illustrés par le mari d’Irène qui lui parle de ce fameux voleur qui a été puni pour des actes commis trois ans auparavant. Pour Fritz, cette décision constitue une injustice : cet homme n’est plus ce voleur qu’il était. D’ailleurs, c’est exactement ce qu’il se passe avec Irène. Si on peut lui reprocher le fait d’avoir trompé son mari, elle finit par quitter son amant. En parallèle de sa descente aux enfers, la jeune bourgeoise voit en elle, s’opérer une profonde transformation. Elle finit par voir en son amant, un parfait étranger, se demandant comment elle a pu vivre une aventure avec cet homme. Elle se rend également compte des choses qui sont essentielles pour elle : son mari, ses enfants. Nous avons donc deux Irène dans cette histoire. La jeune bourgeoise que l’on voit au début de cette nouvelle est une parfaite étrangère pour Irène à la fin de drame psychologique.