Écrite à Paris le 1er janvier 1677 sous le titre Phèdre et Hippolyte, Phèdre est une tragédie en vers et en cinq actes de Jean Racine, un auteur français. Il n’adopta le titre Phèdre qu’en 1687, lors de la seconde édition de ses Œuvres. Il s’agit d’une histoire inspirée de la mythologie grecque dans laquelle la réalité rejoint la fiction d’une façon poétique. Elle relate l’amour passionnel que l’épouse d’un roi ressent à l’égard de son fils.
Résumé scène par scène
Acte I en 5 scènes
Thésée était le roi d’Athènes et comme tout autre souverain respecté, il avait de nombreuses épouses à qui il ressentait un amour égal et inconditionnel, dont Phèdre fait partie. Hippolyte, fils de Thésée et d’Antiope, une Amazone, déclare à Théramène, son gouverneur, qu’il quitte Trézène pour partir à la recherche de son père qui s’est volatilisé. Mais bien sûr, il y a une seconde raison pour son départ : il est amoureux d’Aricie, une jeune fille qu’il ne peut pas épouser pour des raisons politiques. C’est une ancienne princesse rescapée d’un massacre et il pense qu’elle le hait.
Après avoir tenté de cacher ses sentiments par peur de représailles, Phèdre finit par avouer à sa confidente et nourrice, Oenone, la passion ardente qu’elle ressent pour son beau-fils. Après cet aveu, le bruit de la mort du souverain se répand dans tout le royaume. C’est Phèdre elle-même qui annonce l’horrible nouvelle à Hippolyte.
Acte II en 6 scènes
Aricie confie à Ismène sa servante qu’elle est amoureuse d’Hippolyte. Celui-ci arrive, dévoile également ses sentiments et propose à sa bien-aimée de lui rendre le trône d’Attique. Cet entretien est interrompu par Phèdre, venue pour plaider la cause de son jeune fils, Acamas, à la succession de Thésée, mais qui finit par lui avouer ses sentiments. Face à l’indifférence du prince, elle lui arrache son épée et menace de se suicider, mais Oenone l’arrête à temps.
Toujours sous le choc, Hippolyte apprend des nouvelles troublantes : le prétendant au trône de Crète, Acamas, a été proclamé roi par les Athéniens et une rumeur affirme que son père serait toujours en vie.
Acte III en 6 scènes
De retour à Trézène, Thésée s’étonne de recevoir un accueil déplaisant. Hippolyte désire fuir sa belle-mère et pense avouer son amour pour Aricie à son père. De son côté, Phèdre est entièrement envahie par la culpabilité.
Dans l’unique but de gagner l’amour d’Hippolyte, elle propose de lui offrir le trône d’Athènes. Mais lorsqu’elle prend conscience qu’elle veut acheter l’amour de son beau-fils, elle s’accable de honte. Elle implore donc les dieux, surtout Vénus, de lui venir en aide.
Pour ne pas être démasquée par son Thésée, Phèdre veut se tuer. C’est là que sa confidente lui propose de faire exiler Hippolyte par son propre père, en l’accusant d’avoir fait des avances à sa belle-mère.
Demeurant froide, elle repousse la tendresse et les attentions de son époux. Celui-ci finit par être méfiant. Hippolyte vient aussi déclaré à Thésée qu’il quitte Trézène, ce qui rend son père encore plus méfiant. Le jeune prince est inquiet des révélations que pourrait faire sa belle-mère et craint ainsi de perdre l’amour de son père.
Acte IV en 6 scènes
Consciente des risques que sa maîtresse pourrait encourir si jamais elle était reconnue coupable, Oenone vient mettre son plan à exécution. Elle annonce à Thésée qu’Hippolyte a tenté de séduire sa femme. Elle calomnie le fils en l’accusant d’amour incestueux envers Phèdre. Enragé, le roi maudit son propre fils et demande au dieu Neptune de le tuer. Trompé par des propos félons, il veut faire avouer son erreur à Hippolyte, mais les seuls aveux que fait le jeune homme sont ceux de ses sentiments pour Aricie. Thésée décide donc de bannir son fils.
Phèdre reprend ses esprits et veut défendre la personne qu’elle chérit. Mais quand elle apprend de la bouche de son mari que son beau-fils aime plutôt la princesse rescapée, elle devient folle de douleur. La jalousie lui donne encore une fois l’envie de mourir. Sa confidente tente de la raisonner et la convaincre de laisser le temps alanguir son amour. Mais voilà que Phèdre la maudit, et ne peut vivre avec un amour monstrueux et illégitime en elle.
Acte V en 7 scènes
Hippolyte promet à Aricie de l’épouser et de fuir avec elle, hors de la ville. Il part donc en premier et la jeune femme devra le rejoindre. Thésée a vu son fils et Aricie ensemble et commence à douter de la révélation d’Oenone. Avant son départ, la princesse désire rencontrer le roi, très désireux de connaître la vérité, mais encore furieux pour être lucide.
Sans oser discuter de manière franche, elle laisse entendre l’existence d’une machination qui accable son amant pourtant innocent. Perdu dans un abysse de perplexité, Thésée ordonne que la confidente de sa femme paraisse devant lui pour raconter tout ce qu’elle sait à propos de toute cette histoire.
Même si Hippolyte a clamé son innocence, Neptune a accompli la punition demandée par le roi d’Athènes. Le dieu a fait sortir un monstre géant des profondeurs de la mer. Le prince l’a vaincu, mais il avait les pieds coincés dans les rênes de ses chevaux. Effrayés par le monstre, ces derniers se sont enfuis, abandonnant le malheureux à mourir des suites de ses blessures.
C’est Théramène qui vient rapporter la mauvaise nouvelle au roi qui est immédiatement submergé par les remords et la tristesse. Il regrette amèrement d’avoir voué son propre fils aux foudres de Neptune et pleure sa mort à la fois cruelle et héroïque.
Après avoir été chassée par sa maîtresse, Oenone est pleine de désespoir et s’est jetée dans les flots. Accablée de remords, Phèdre s’est confessée à son époux afin de soulager sa conscience et lui a raconté la vérité. Pour rendre justice à la personne qu’elle aimait, elle décide de se suicider en ingurgitant un poison très puissant. À peine a-t-elle fini de prononcer sa dernière parole qu’elle s’effondre empoisonnée aux pieds de Thésée qui ne pouvait plus rien faire pour elle.
Entièrement dévastée par la mort tragique de son fiancé, Aricie est recueillie par le roi et devient même sa fille adoptive.
Les principaux personnages
Phèdre
« Phèdre n’est ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente ». Cette ambiguïté absolue du personnage fait tout son intérêt dramatique. Elle bascule du registre de la noirceur à celui du remords, de la violence obscure à de grands instants de lucidité, ce qui la pitié chez le spectateur. La passion qu’elle ressent pour son beau-fils domine toute sa vie et modifie sa personnalité en prenant diverses formes. Au début de la pièce, Phèdre apparait comme une femme languissante. Après sa rencontre avec Hippolyte, un dérèglement sensoriel se déclenche en elle et qui précède l’effroi de l’esprit, l’angoisse.
Néanmoins, son personnage est le plus poétique, le plus beau et le plus complet. La fatalité qui la pousse au crime en lui laissant la conscience de sa faute et qui la punit de l’insuffisance de sa vertu et de la mollesse de sa résistance, nous semble renfermer un enseignement dont personne ne puisse pas empoigner le sens. Son âme est une sombre lumière, une obscure clarté.
Hippolyte
Le jeune prince a beau démarrer la pièce, mais son rôle reste secondaire par rapport à celui de Phèdre. Quoi qu’il en soit, son personnage n’est sans intérêt ni complexité. Si Racine n’a pas repris la perfection physique et morale caractérisant Hippolyte dans la tradition mythologique, c’est pour que sa mort ne provoque pas un sentiment d’injustice et de révolte chez le spectateur. L’auteur présente son amour pour Aricie comme antithétique de sa personnalité. Il fait grande preuve de fidélité envers sa bien-aimée, à qui vont ses derniers mots. Maintenant, il est devenu un homme parmi les hommes, sujets aux lois de l’amour.
La véritable faiblesse d’Hippolyte, ce n’est pas Aricie, mais plutôt Thésée. Il finit par mourir à cause de sa timidité devant l’autorité de son père. Quand ce dernier l’accuse injustement d’avoir séduit Phèdre, il se refuse à dénoncer la machination de sa belle-mère. Aspirant à un héroïsme digne de celui de Thésée, le prince a peur devant l’univers terne du palais de Trézène, mais aussi devant les sentiments de l’amour.
Thésée
Devenu roi d’Athènes après une bataille contre les Pallantides, Thésée a vécu un passé très glorieux. Mais comme son fils, il a une faiblesse : les femmes. Ses aventures galantes sont mentionnées plusieurs fois dans la pièce, tel un thème récurrent. Le roi apparaît toutefois comme un séducteur fatigué, prompt à se jeter dans les bras de sa reine après son expédition.
Racine n’en fait pas un personnage burlesque : il maintient toujours sa qualité de héros, envers qui les dieux, particulièrement Neptune, ont des dettes. Capable d’exploits héroïques et de revenir des enfers, il se montre piètre souverain et a du mal à discerner à temps les mesquines manipulations d’une simple servante.
Il achève la tragédie en contemplant le malheur tout autour de lui : époux abusé, père accablé, roi écrasé par le destin.
Oenone
Bien qu’elle soit un personnage secondaire, Oenone joue pourtant un rôle capital dans la pièce. Elle se dévoile comme la face d’ombre de sa maîtresse, mais bien plus encore. Elle personnifie la voix de la raison lorsque Phèdre s’abandonne à sa folie, ainsi que de la vie lorsque celle-ci veut se donner la mort. Ses conseils n’ont rien de raisonnable ni d’objectif, mais sont motivés par un dévouement sans limites qui ressemble à une passion ardente.
Son principal rôle est d’engager la reine à ne pas s’abandonner à elle-même, à agir. Elle est un moteur essentiel de la tension tragique, jusqu’à la mort, la sienne et celle de Phèdre.
Aricie
Aricie est une pure invention de Racine par rapport à la tradition antique, néanmoins, elle joue un rôle capital dans l’organisation psychologique de la pièce. Elle symbolise un maillon dans la chaîne infernale de la haine et de l’amour qui lie les protagonistes : Phèdre ressent de l’amour pour Hippolyte qui aime Aricie qui aime Hippolyte. Thésée ayant du pouvoir sur chacun d’entre eux.
Analyse de la pièce
Une tragédie janséniste de la fatalité
Même s’il s’est écarté de Port-Royal, Racine est toujours resté fidèle à la notion de fatalité propre aux jansénistes. Même si l’homme peut croire et se battre, il demeure prisonnier d’un destin de ressort divin qu’il ne peut pas contrôler. C’est ce que Phèdre n’arrête pas de proclamer en invoquant la lignée dont elle est la dernière descendante.
Phèdre est une tragédie qui se développe par degrés, à partir d’un mouvement initial irréversible. Le spectateur peut lire la mort d’Hippolyte telle une action des dieux prouvant leur contrôle sur la vie humaine.
Des passions plus que troubles
L’amour dans la pièce se cabre d’autant plus qu’il est interdit : interdit par la loi morale pour Phèdre et interdit par le pouvoir en ce qui concerne Aricie. A la jonction de ces deux interdits se situe Thésée. On voit en lui la figure de la loi plus que celle du père. Une telle assimilation n’est pas fortuite, car c’est justement cet homme du désir qui représente l’interdiction du désir.
Ici, la loi cache un réel dysfonctionnement sous l’apparence de l’ordre. Sous la malédiction qui frappe Phèdre se lit le dénouement tragique du détraquement de l’économie du désir engendré par le roi lui-même. Pas étonnant que son fils, qui n’est autre que le fruit de son désir, doit mourir par l’ordre qu’il donne, mis à mort par l’entremise du dieu Neptune, en annulant ainsi sa descendance.