Une partie de campagne est une nouvelle de l’auteur français Guy de Maupassant, publiée en 1881 qui raconte une excursion d’une famille parisienne sur les bords de la Seine. Lors de cette journée, Henriette, la fille, et sa mère sont courtisées par deux jeunes hommes du coin. L’histoire se focalise sur la brève et intense romance entre Henriette et l’un des jeunes hommes, et la mélancolie qui s’ensuit lorsque la vie les sépare à nouveau. Explorons cette nouvelle du 19ème siècle ensemble.
Résumé détaillé de “Une partie de campagne” de Guy de Maupassant
Échappée belle des Dufour : de Paris à Bezons
En l’honneur de Mme Dufour, la famille organise un déjeuner hors de Paris. Ils partent tôt le matin en carriole, admirant le paysage une fois la ville traversée.
En chemin vers Bezons, ils admirent l’horizon depuis le rond-point de Courbevoie, identifiant plusieurs points notables comme Argenteuil et l’aqueduc de Marly. Le paysage est marqué par des usines et des maisons abandonnées, créant un contraste entre la beauté naturelle et l’empreinte industrielle. Traversant la Seine, ils ont été éblouis par sa luminosité et ont ressenti un soulagement loin de la pollution des usines.
La famille Dufour s’arrête devant l’auberge “Restaurant Poulin“, attirée par ses prestations annoncées sur l’enseigne. Après une courte hésitation, Mme Dufour accepte, séduite par la vue. En descendant de la voiture, il y a un moment amusant où M. Dufour aide sa femme à descendre, soulignant sa corpulence. La jeune fille descend avec agilité, tandis que le garçon aide la grand-mère. À proximité de la Seine, l’endroit est paisible et promet une pause agréable.
Tandis que les hommes se rafraîchissent, les dames s’amusent sur des escarpolettes. Mlle Dufour, une belle jeune femme, tente de se balancer seule, offrant un spectacle captivant aux hommes présents. Mme Dufour, quant à elle, appelle Cyprien (M. Dufour) pour l’aider à se balancer. Lorsqu’il s’exécute, elle est d’abord ravie, mais le mouvement intense la rend étourdie, ce qui provoque les rires des enfants qui observent.
Un moment intense
Après avoir passé commande pour le déjeuner, la famille Dufour est captivée par deux splendides yoles de canotiers amarrées à proximité. Nostalgique de ses années de canotage, M. Dufour contemple les embarcations tout en se remémorant ses exploits. Il se vante qu’avec de tels bateaux, il pourrait aisément naviguer à grande vitesse.
Alors que leur repas est servi, ils remarquent que deux canotiers athlétiques ont pris la meilleure place, bien au soleil. Avec courtoisie, ces jeunes hommes cèdent volontiers leur place à la famille. Cependant, la vue des bras musclés et nus des canotiers suscite à la fois la curiosité et un certain inconfort chez les Dufour. Une conversation s’instaure entre Mme Dufour et les canotiers, qui dépeignent leur existence en harmonie avec la nature. L’ambiance se réchauffe progressivement, accentuée par les effets de l’alcool.
Les canotiers suggèrent une balade en yole. Tandis que M. Dufour, charmé par la perspective de pêcher, décide de rester à quai avec le jeune garçon qui se révèle être son apprenti. Henri, l’un des canotiers, invite la jeune Henriette, Mlle Dufour, à bord. Le duo vit un instant intime et paisible sur l’eau. En approchant d’un bosquet, un chant de rossignol les enchante. Touchée d’entendre un rossignol pour la première fois, Henriette souhaite s’en rapprocher discrètement. Dans l’intimité du moment, Henri et Henriette succombent à une attirance mutuelle. Cependant, après cette intimité, une certaine froideur s’installe entre eux.
Parallèlement, il semble que Mme Dufour ait également passé un moment plaisant avec l’autre canotier. À leur retour, tous retrouvent un M. Dufour quelque peu agacé. Finalement, la famille Dufour décide de prendre congé des lieux.
Des sentiments qui persistent
Quelques mois après sa liaison intense, Henri découvre fortuitement qu’Henriette s’est mariée à l’apprenti de son père. Lors d’une conversation avec Mme Dufour, la mère d’Henriette, Henri est prié de dire à son ami canotier de venir dire bonjour à la famille Dufour à l’occasion. Cela crée une tension sous-jacente. Un an plus tard, le souvenir de cette liaison conduit Henri à revisiter les lieux de leur escapade. Il y croise Henriette, désormais en compagnie de son mari. Malgré le temps écoulé et les événements survenus, une tension évidente persiste entre Henri et Henriette, témoignant de la profondeur de leurs sentiments et de la vivacité de leurs souvenirs.
Présentation des personnages
M. Dufour est le pilier de la famille. C’est le mari de Pétronille et le père de Henriette. Il conduit la carriole en dehors de Paris. Il semble faire preuve d’impatience et peut souvent paraître maussade. Autrefois canotier, il semble nostalgique de cette époque. Aujourd’hui, il travaille en tant que quincailler sur Paris et tient son propre commerce. Il incarne cet homme qui, avec le temps, a perdu la passion de sa jeunesse.
Mme Dufour (Pétronille) est une femme pulpeuse vêtue d’une robe de soie cerise le jour de leur sortie. Dotée d’une nature joviale et sociable, elle est néanmoins très attentive aux apparences. Elle symbolise cette quête incessante de plaisir et de divertissement.
Mlle Dufour (Henriette) est une ravissante jeune fille n’ayant pas encore vingt ans. Grande et élancée, sa peau brune contraste avec ses grands yeux et sa chevelure d’ébène. Bien qu’elle paraisse émotionnellement perturbée par l’atmosphère et les événements de la journée, elle se laisse emporter par ses désirs aux côtés d’Henri, le canotier. Elle incarne la fougue de la jeunesse et l’émergence de la sensualité.
Les deux canotiers sont décrits comme robustes et solidement bâtis, le teint hâlé par le soleil et vêtus de maillots de coton blanc. Passionnés par leur quotidien en tant que canotiers, ils évoquent avec entrain leurs diverses aventures. Ils incarnent ce contraste entre la simplicité authentique de la vie rurale et le superficiel de la vie parisienne. En quelque sorte, ils sont aussi le symbole de l’interdit : Henri partageant un moment d’intimité avec Henriette, et son compagnon avec Mme Dufour.
Le jeune garçon aux cheveux jaunes est l’apprenti de M. Dufour. Destiné à reprendre le magasin de ce dernier, il est aussi le fiancé d’Henriette.
La vieille grand-mère est une personne âgée qui accompagne la famille.
Les autres personnages de la nouvelle sont des figurants ou des personnes rencontrées en cours de route, comme les ouvriers endimanchés dans la gargote ou les gamins curieux qui regardent la famille sur les escarpolettes.
Analyse de l’oeuvre de Maupassant
Quel était le contexte historique et social au XIXe siècle ?
Le contexte historique et social dans lequel se déroule Une partie de campagne de Guy de Maupassant est essentiel pour comprendre les motivations des personnages et l’atmosphère qui imprègne cette nouvelle. L’histoire se situe au XIXe siècle en France, une période charnière marquée par d’importants bouleversements sociaux, économiques et culturels.
La Métamorphose Française du XIXe Siècle
Le XIX siècle en France est une période de profonds changements. Elle est marquée par des événements tels que la Révolution française (1789-1799), l’Empire napoléonien (1804-1814), la Restauration monarchique (1814-1830), les Trois Glorieuses (1830) qui ont abouti à la Monarchie de Juillet, la Révolution de 1848 et la Deuxième République, et enfin, le Second Empire sous Napoléon III (1852-1870).
Sur le plan social, le XIXe siècle est une période de transition. La société française est divisée en classes sociales bien définies, avec une aristocratie, une bourgeoisie montante, et une grande population paysanne. Les changements économiques liés à la révolution industrielle ont commencé à transformer la France, avec l’émergence de nouvelles classes sociales, notamment la bourgeoisie industrielle et commerciale.
Une bourgeoisie montante
La bourgeoisie montante joue un rôle central dans Une partie de campagne. Il s’agit de la classe sociale composée de commerçants, de propriétaires terriens, d’industriels et de professionnels libéraux. Tous ont connu une ascension économique considérable au XIXe siècle. Ils étaient souvent en quête de statut social et cherchaient à échapper aux contraintes de la vie urbaine pour trouver des lieux de détente à la campagne.
Dans la nouvelle, la famille Dufour, représentative de cette bourgeoisie montante, décide de passer une journée à la campagne pour échapper à la routine de la ville. Cette excursion est le reflet de l’intérêt croissant de la bourgeoisie pour la nature et la campagne comme échappatoire à la vie citadine stressante. C’est une tentative de retrouver un contact avec la nature et de s’offrir un moment de répit loin de l’agitation urbaine.
La Campagne, un dépaysement luxueux
L’attrait de la campagne au XIXe siècle était motivé par plusieurs facteurs. D’abord, la campagne était perçue comme un lieu de repos et de régénération, éloigné du tumulte des villes en pleine industrialisation. Les paysages bucoliques, les rivières, les forêts et la quiétude de la campagne offraient un contraste apaisant avec la vie urbaine chaotique.
Ensuite, la campagne était également associée à des idéaux romantiques. Le mouvement romantique du XIXe siècle célébrait la nature comme source d’inspiration, de beauté et de spiritualité. Les écrivains et les artistes de cette époque cherchaient à se reconnecter avec la nature pour puiser leur créativité. La campagne représentait un statut social. Posséder une maison à la campagne était un signe de réussite et de prospérité pour la bourgeoisie émergente.
Le style littéraire de Maupassant dans Une Partie de Campagne
Célèbre pour son style réaliste et précis, Maupassant exploite habilement différentes techniques narratives dans Une partie de campagne pour créer une expérience littéraire immersive.
Maupassant : le miroir réaliste de la campagne au XIXe Siècle
Dans la description de la campagne et des personnages, Maupassant adopte un style réaliste caractéristique de son époque. Il peint un tableau authentique de la vie à la campagne au XIXe siècle, sans idéalisation excessive ni embellissement. Par exemple, lors de la rencontre avec les canotiers, il décrit leur apparence physique de manière réaliste, soulignant les aspects les moins flatteurs de leur condition : “Ils étaient si fatigués qu’ils avaient l’air malades. Ils étaient en sueur, poudreux, le visage marbré de poussière.“
Ce réalisme sert à contraster le monde idéalisé dans lequel évoluent les Dufour au début de la nouvelle avec la réalité crue et parfois brutale de la campagne. Cela permet également au lecteur de ressentir plus intensément le contraste entre les deux mondes.
Entre prose terrestre et envolées lyriques
Lorsque les Dufour se retirent dans le bois pour échapper à l’orage, le style de Maupassant prend un tournant distinct. Il adopte une prose lyrique et poétique pour créer une atmosphère sensuelle et émotionnelle. Les descriptions deviennent plus riches, les sensations plus aiguës, et les émotions des personnages sont magnifiées.
Par exemple, lorsqu’Henriette est seule avec le canotier, Maupassant écrit : “Soudain, elle le sentit contre elle, tout le long d’elle, en elle, et elle trembla de la tête aux pieds.” Cette phrase illustre la manière dont Maupassant utilise une langue riche et évocatrice pour capturer l’intensité du moment et les émotions de ses personnages.
Cette prose lyrique et poétique sert à renforcer le thème de la séduction et du désir dans la nouvelle. Elle permet au lecteur de ressentir le charme irrésistible du moment et de s’immerger dans les émotions complexes d’Henriette. Cela montre la versatilité de Maupassant en tant qu’écrivain, capable de passer d’un style réaliste à un style poétique en fonction de l’atmosphère et des émotions qu’il souhaite transmettre.
Guy de Maupassant utilise donc son talent littéraire pour créer un contraste frappant entre le style réaliste utilisé pour décrire la campagne et les personnages, et la prose lyrique et poétique employée dans la scène du bois. Cette dualité stylistique contribue à enrichir la narration et à intensifier les émotions des personnages, faisant de Une partie de campagne une œuvre littéraire remarquable.
Quelles sont les thématiques exploitées dans cette nouvelle de Maupassant ?
Nature Contrastée : Entre Romantisme et Réalité chez Maupassant
La nature occupe une place prépondérante dans Une partie de campagne de Guy de Maupassant. Elle est à la fois idéalisée et présentée de manière réaliste et brutale. Cela reflète les attitudes contrastées envers la nature à l’époque du XIXe siècle.
Dans la nouvelle, la nature est souvent idéalisée comme un lieu de beauté et de tranquillité. Lorsque la famille Dufour arrive à la campagne, elle est immédiatement séduite par la splendeur de la nature environnante. Les descriptions des paysages, des arbres, des champs, et de la rivière véhiculent un sentiment de quiétude et de sérénité. Par exemple, Maupassant écrit : “Ils avaient trouvé cette prairie par hasard, une prairie de rêve, une de ces plaines parfaites, une de ces plaines qu’on croit bénies.“
Cette idéalisation de la nature est une caractéristique du mouvement romantique du XIXe siècle, qui a célébré la nature comme source d’inspiration et de transcendance. Des auteurs comme Victor Hugo dans Les Contemplations ont également utilisé la nature comme toile de fond pour exprimer des émotions profondes.
Cependant, la nature est aussi présentée de manière réaliste et brutale dans la nouvelle. Les pêcheurs canotiers que rencontrent les Dufour dans la forêt sont décrits de manière moins romantique. Ils incarnent la dureté de la vie à la campagne, avec leur apparence usée par le travail et leur comportement rustre. Cette réalité contrastante de la vie à la campagne met en lumière les différentes facettes de la nature, à la fois sublime et impitoyable.
Un autre exemple d’une représentation plus réaliste de la nature est le moment où les personnages se font surprendre par l’orage. L’orage est décrit de manière intense et menaçante, soulignant ainsi la nature imprévisible et potentiellement dangereuse.
Séduction et Désir dans Une partie de campagne
Le thème de la séduction et du désir est au cœur de Une partie de campagne. Lorsque les Dufour rencontrent les canotiers, la jeune Henriette est particulièrement attirée par l’un des hommes. Cette attraction est subtilement décrite dans le texte : “La figure du canotier ne lui sortait plus de la tête.” Cette rencontre éveille les désirs d’Henriette, qui se sent séduite par la virilité et la jeunesse des canotiers.
Ce thème de la séduction et du désir rappelle des éléments du mouvement romantique, où les émotions et les passions étaient souvent mises en avant. Dans des œuvres telles que La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau, le thème de la passion amoureuse est également exploré de manière intense et tragique.
La Marque du Temps chez Maupassant
Le passage du temps est un élément essentiel de Une partie de campagne. La nouvelle évoque la brièveté des moments de bonheur et la façon dont les expériences laissent leur empreinte sur les individus.
Lorsque les Dufour quittent la campagne après avoir été surpris par l’orage, ils laissent derrière eux des souvenirs qui continuent à les hanter. La journée à la campagne devient un point de référence dans leur vie, un moment suspendu dans le temps. Maupassant écrit : “Il y a des heures qui passent et qui laissent une trace éternelle dans le cœur.” Cette citation illustre le thème du temps qui passe et de la façon dont les expériences marquent profondément les individus.
Ce thème du temps évoque également la notion de “carpe diem” (cueille le jour), une idée courante dans la littérature romantique et qui se retrouve dans des œuvres telles que Le Cid de Pierre Corneille. Il invite à profiter pleinement du moment présent, car le temps est fugace et les moments de bonheur sont éphémères.
Ainsi, Une partie de campagne de Guy de Maupassant explore ces thèmes de manière subtile et nuancée, en utilisant la nature, la séduction et le désir, ainsi que le temps qui passe pour créer une œuvre littéraire riche en émotions et en significations.