Écrite en 1641, soit quatre ans après Le Cid, la pièce de théâtre Cinna de Corneille a été publiée pour la première fois en 1643. Partons à la découverte de cette tragédie de l’un des plus grands dramaturges français.
Résumé scène par scène de Cinna de Corneille
ACTE I
Scène Première
La pièce débute avec un monologue de la part d’Emilie, la fille de Toranius qui a été banni par Auguste lors de son règne en tant que triumvir. Emilie a demandé à son amant, Cinna, de l’aider à tuer Auguste en échange de son amour. Elle est confrontée à un conflit intérieur, étant partagée entre son désir de vengeance et son amour pour Cinna qui est en danger.
Dans ce monologue, le personnage explore les risques et la nécessité de l’opération de vengeance, finalement elle arrivera à prendre une décision. Ce monologue sert également à fournir au public une première vue sur la situation initiale de la pièce: la conspiration d’Emilie et de Cinna contre Auguste, leur amour et les raisons de cette vengeance.
Scène 2
Fulvie, la confidente d’Émilie, essaie de la dissuader de se venger, car celle-ci pourrait la mettre en péril. Elle lui rappelle qu’Auguste a essayé de réparer le mal qu’il a pu faire. Fulvie lui suggère d’attendre que d’autres personnes se vengent à sa place, mais Émilie est déterminée à venger son père.
Scène 3
Cinna entre en scène et fait savoir à Émilie qu’il a obtenu l’adhésion des complices. Il souhaite défendre l’intérêt des Romains et ceux de la femme qu’il aime. L’attentat est prévu pour le lendemain lors d’une cérémonie au Capitole. Cinna souhaite porter le premier coup.
Scène 4
La joie des deux partenaires est de courte durée. En effet, l’arrivée d’Evandre, qui est un ancien esclave de Cinna, leur apprend qu’Auguste a convoqué ses deux conseillers, Maxime et Cinna. Emilie craint que leur complot soit découvert et que Cinna ne puisse pas tuer Auguste.
ACTE II
Scène Première
Auguste, étant fatigué du pouvoir, convoque ses deux plus fidèles conseillers, Maxime et Cinna, pour leur révéler son intention d’abdiquer. Cependant, Cinna fait un discours élogieux sur son pouvoir et lui rappelle à quel point ses victoires ont été légitimes. Il évoque la menace d’une guerre civile pour dissuader Auguste de sa décision. Maxime, quant à lui, encourage Auguste à suivre une voie républicaine et à abandonner le pouvoir. Pour maintenir la paix à Rome, Auguste choisit finalement de suivre les conseils de Cinna et lui offre la main d’Émilie en plus de l’associer au pouvoir. Il propose également à Maxime de devenir gouverneur de la Sicile.
Scène 2
Lorsqu’Auguste repart, Maxime demande à Cinna les raisons qui l’ont poussé à refuser l’opportunité d’une abdication pacifique. Cinna refuse de laisser à Auguste la gloire et l’impunité pour ses crimes. Toutefois, il reste vague sur ses véritables raisons, Maxime reste sceptique. Il comprend qu’il n’agit pas seulement pour le bien de Rome.
Acte III
Scène 1
Maxime est bouleversé après avoir appris que Cinna doit venger la mort du père d’Émilie s’il veut se montrer digne de son amour. Il comprend alors qu’il agit principalement en raison de son amour pour Émilie et non pour le peuple. Maxime confie qu’il est amoureux d’Émilie. Euphorbe, l’affranchi de Maxime lui fait remarquer qu’en participant à la conjuration menée par Cinna, il croit travailler en faveur de Rome alors qu’il travaille en faveur de son rival. Euphorbe tente de persuader Maxime de dénoncer Cinna. Maxime est réticent.
Scène 2
Cinna se confie à Maxime sur ses conflits intérieurs, se sentant indécis quant à poursuivre son plan de frapper Auguste qui l’a comblé de bénéfices, mais qui lui semble aussi inhumain. Il comprend que, du fait de son serment à Émilie, il heurte la morale et les dieux. Maxime, qui a décidé de mettre ses propres besoins en priorité, pousse Cinna à poursuivre son projet.
Scène 3
Les conflits intérieurs de Cinna se retrouvent dans ce monologue. Incapable de trahir Auguste et Émilie, il souhaite aller voir cette dernière afin qu’elle puisse changer d’avis.
Scène 4
Craignant que Cinna ne soit arrêtée, Émilie est partie voir Auguste et Livie, l’impératrice. Elle est satisfaite qu’Auguste lui ait accordé la main de Cinna. Déterminée à faire tuer celui qui a proscrit son père, elle accuse son amant de faire preuve de faiblesse. Bien qu’il sache que le ciel réprouve leur dessein, Cinna consent à tuer Auguste, mais précise à Émilie qu’il se donnera la mort ensuite.
Scène 5
Inquiète des envies suicidaires de Cinna et reconnaissant qu’elle lui demande l’impossible, Émilie regrette de n’avoir fait aucun compromis. Elle envoie Fulvie pour chasser les envies suicidaires de l’esprit de Cinna, car elle ne souhaite pas qu’il meure.
ACTE IV
Scène Première
Euphorbe a averti Auguste du complot qui le visait. Il lui explique à quel point Cinna est prêt à aller jusqu’au bout de son entreprise. Très calculateur, il lui confie que Maxime, ne supportant pas cette trahison, a décidé de jeter dans le Tibre pour se donner la mort. Déçu, Auguste souhaite punir Cinna pour sa déloyauté. Maxime est pardonné.
Scène 2
Dans un long monologue, Auguste s’en remet au ciel pour savoir s’il doit continuer de régner et punir ou se donner la mort. La trahison de Cinna lui rappelle qu’il a de nombreux morts sur la conscience.
Scène 3
Auguste se livre à sa femme, Livie. Bien qu’il se sente trahi, elle lui suggère de faire preuve de clémence. Selon elle, tuer Cinna ne servirait qu’à déclencher une nouvelle agitation. Auguste refuse d’écouter les conseils de sa femme.
Scène 4
Fulvie apprend à Émilie qu’Auguste a convoqué Cinna pour s’entretenir au palais et que Maxime a péri après s’être jeté dans le Tibre. En plein désarroi, elle est prête à mourir.
Scène 5
Maxime apparaît devant Émilie lui montrant qu’il ne s’est pas réellement jeté dans le Tibre. Il essaie de lui faire croire qu’Evandre, l’affranchi de Cinna, les a trahis. Pour échapper à leurs poursuivants, il lui propose de fuir avec lui, espérant ainsi gagner son amour. Toutefois, Émilie n’est pas dupe. Elle refuse et accuse Maxime de les avoir trahis.
Scène 6
Délaissé, Maxime souffre du refus et des accusations de la femme qu’il aime. Il regrette d’avoir suivi les conseils d’Euphorbe. En le faisant, il a trahi tout le monde.
ACTE V
Scène Première
Auguste convoque Cinna pour lui rappeler tous les avantages qu’il lui a octroyés. Il l’accuse de chercher à prendre sa place en recourant à des conflits sanglants. Cinna a du mal à se défendre.
Scène II
Livie révèle à Auguste qu’Émilie, qu’il considère comme sa propre fille, est également impliquée dans le complot contre lui. Emilie arrive alors et assume l’entière responsabilité de ses actes, exprimant sa volonté d’en assumer les conséquences et de mourir aux côtés de son amant, Cinna. Auguste est choqué par la bravoure et l’altruisme d’Émilie. Emilie rappelle à Auguste qu’il est lui aussi responsable de la situation, et affirme qu’elle n’est pas plus coupable que lui. Livie intervient, soulignant qu’il s’agit d’une trahison d’état. Emilie souligne également que si Auguste devait sacrifier Cinna, elle pourrait devenir encore plus dangereuse, tandis que Cinna tente de la disculper, affirmant que la seule motivation de ses actes était de gagner son cœur. Emilie insiste sur le fait qu’elle n’était qu’une complice. Malgré cela, Auguste semble prêt à les punir tous les deux.
Scène III
Maxime révèle sa trahison, admettant avoir trahi son ami, son amant, son mentor, sa réputation et son pays sous l’impulsion d’un traître. Auguste, à travers une grande lutte intérieure, offre son pardon et récompense Cinna en lui offrant le consulat et Émilie. Les actions d’Auguste laissent toutes les personnes présentes touchées par sa nature aimable. Livie prédit que l’avenir de ce nouveau régime, béni par les dieux, sera exempt d’assassins et de conspirations grâce à la capacité d’Auguste à gagner le cœur du peuple.
Présentation des personnages
Cinna est l’un des conseillers d’Auguste. Le fait de vouloir conspirer contre son souverain n’est animé que par l’amour qu’il porte pour Émilie, et ce, même s’il pense dans un premier temps qu’il agit dans l’intérêt du peuple. Il finit par être trahi par Maxime qui convoite la même femme que lui.
Évandre est l’affranchi de Cinna qui annonce à Cinna qu’il est convoqué par Auguste lors du premier acte.
Émilie est la fille de Caïus Toranius qui, sous les ordres d’Auguste, a été assassiné. Elle conspire contre Auguste, qui la considère comme sa propre fille, afin de venger la mort de son père. Émilie symbolise la vengeance dans cette pièce de théâtre.
Fulvie est la confidente d’Émilie qui lui apporte de nombreux conseils dans la pièce. Même si Émilie ne l’écoute pas toujours.
Maxime complote également contre Auguste toutefois, il choisit de trahir son ami, Cinna, parce qu’il est amoureux de la même femme : Émilie. Jaloux, il utilise un stratagème, sous les conseils d’Euphorbe, mais cela ne se déroule pas comme il l’aurait souhaité puisqu’Émilie reste fidèle à Cinna. Il finira par avouer ses méfaits. Ce personnage incarne la lâcheté.
Euphorbe est l’affranchi de Maxime qui lui donne des conseils pour se retourner contre son ami, Cinna, qui est également son rival.
Auguste est l’empereur de Rome, mais il est perçu comme un tyran par les personnages principaux. Il est confronté à des choix difficiles tout au long de l’histoire. Il ne sait pas s’il doit conserver son pouvoir ou renoncer à sa charge, s’il doit s’en remettre à la justice ou exercer sa propre vengeance. Cependant, en faisant preuve de clémence, il parvient à s’élever au-dessus de ces dilemmes et se montre finalement comme un héros.
Livie est la femme d’Auguste qui est présente pour lui donner de nombreux conseils.
Polyclète est l’affranchis d’Auguste.
Analyse de l’oeuvre
Dans la pièce de théâtre Cinna de Corneille, l’intrigue est basée sur la conspiration de Cinna et le pardon d’Auguste, raconté par Sénèque dans De clementia. Corneille a également utilisé la conversation d’Auguste avec Mécène et Agrippa, telle que décrite par Dion Cassius, et a remplacé ces personnages par Cinna et Maxime. Il a également ajouté le personnage d’Émilie, une femme romaine qui cherche à se venger et à devenir libre, ainsi que Maxime, qui est poussé à la perfidie par un amour malheureux sur l’instigation d’Euphorbe.
L’intrigue implique des sentiments tendres associés à des enjeux politiques élevés, et Émilie est un personnage fort et déterminé qui n’aime que dans le but de se venger.
La rhétorique est prédominante dans la pièce, et Cinna et Maxime ne sont que des marionnettes entre les mains d’Émilie. Cette dernière détient l’autorité au nom de son père assassiné par Auguste. Ce thème de la vengeance et de l’emprise de la volonté sur l’amour est souvent présent dans les œuvres de Corneille, particulièrement chez les personnages féminins.
Corneille a utilisé la clémence d’Auguste comme un moyen de faire passer un acte exceptionnel, qui pourrait sembler invraisemblable aux contemporains, comme étant vraisemblable dans la pièce Cinna. Cette clémence est présentée comme une vertu, qui justifie l’acte exceptionnel d’Auguste qui gracie les conjurés contre toute attente. Cela permet de justifier cet acte invraisemblable comme étant vraisemblable, en s’inscrivant dans le cadre de la vraisemblance, et donc de l’inattaquabilité. Cela représente un exemple de ce qu’on appelle la “vraisemblance extraordinaire” et la clémence, en tant que vertu la plus élevée de l’idéal humain qu’est le héros magnanime, est à l’origine de l’acte le plus admirable. Cependant, il est aussi souligné que la clémence d’Auguste peut être liée au fait qu’il aspire à sa propre gloire.
Cinna a été largement acclamée par le public et les critiques. Elle a été louée pour sa beauté, considérée par beaucoup comme égale à celle des œuvres de Sénèque. Le sujet de la pièce, qui est historique, est capable d’équilibrer efficacement la tension entre les faits et la vraisemblance sans compromettre l’un ou l’autre. Contrairement aux pièces précédentes, elle ne dépeint pas de thèmes controversés tels que le parricide ou l’inceste. En outre, les éléments fictifs de la pièce ont été acceptés comme étant plausibles, ce qui en fait l’une des œuvres les mieux accueillies de Corneille. C’est ainsi que Cinna a été considéré comme l’une des plus grandes pièces tragiques, non seulement de son époque, mais peut-être de tous les temps.
Cette œuvre de Corneille est une tragédie écrite en alexandrins.
Bien que Cinna soit une tragédie, Corneille nous offre une fin heureuse où Auguste fait preuve de clémence envers les complotistes. La tragédie réside dans cette atmosphère tendue qui règne dans toute la pièce où les personnages sont sujets à la colère, l’amour, la jalousie pour conspirer contre leur souverain, et ce, au détriment de la raison. Les monologues nous permettent de savoir les conflits intérieurs qui les hantent.
Dans son œuvre théâtrale, Corneille utilise l’empire romain dirigé par Auguste pour évoquer la tyrannie exercée par le premier ministre Richelieu sous le règne de Louis XIII. C’est l’occasion pour l’écrivain de leur demander de faire preuve de plus de clémence.