Publié en août 2006 aux éditions Barzakh et en coédition chez Actes Sud, Eldorado est un roman qui met en scène le sud de l’Italie en mélangeant alternativement les histoires des différents protagonistes. Écrit par l’écrivain français Laurent Gaudé, il retrace un sujet actuel qui fait parfois polémique : l’immigration clandestine de l’Afrique du Nord vers l’île de Lampedusa.
Résumé de l’œuvre Eldorado de Laurent Gaudé
Depuis vingt ans, Salvatore Piracci est un commandant dans la marine italienne, et depuis maintenant trois ans, il est le commandant de la frégate Zeffiro, basée à Catane et chargée de surveiller les embarcations amenant clandestinement des immigrés sur l’île italienne de Lampedusa. Pendant l’une de ses permissions, il déambule dans les rues de Catane et fait une rencontre assez drôle. Effectivement, une femme qui ressemble à un spectre le suit jusque chez lui.
« Vous ne me reconnaissez pas, commandant ? », demande la jeune femme. Elle lui avoue ensuite qu’ils se sont déjà rencontrés en 2004, alors que le navire de Piracci avait intercepté un bateau libanais, le Vittoria.
À la dérive depuis des jours, le navire devenait le théâtre d’une scène tragique : les passeurs ont abandonné le bateau en pleine nuit, laissant les immigrés seuls, sans nourriture, sans eau.Plusieurs passagers ont alors perdu la vie, et parmi eux se trouvait le bébé de onze mois de la jeune femme.Il meurt de soif et jeté par-dessus bord.
Elle souhaite alors se venger et demande à Salvatore son arme pour éliminer l’homme d’affaires syrien qui a affrété le bateau.« Damas affrète un navire de crève-la-faim qu’il lance à l’assaut de la forteresse européenne ».
Face à la grande détermination de la femme, le commandant finit par céder et lui donne l’arme.
Pendant ce temps, au Soudan, Soleiman et Jamal s’apprêtent à quitter leur vie, leur famille, leur pays, leurs habitudes et leurs coutumes. Ils ont décidé de rejoindre illégalement l’Europe pour trouver une vie meilleure.Toutefois, les deux frères sont très inquiets et craignent la traversée et ce qu’ils pourraient trouver sur place.
Dans ce passage, Soleiman semble être le plus angoissé des deux et afin de se rassurer, il met toute sa confiance en son frère. Il croit que grâce à ce dernier, il ne risque rien et qu’ils réussiront à avoir un avenir meilleur, une fois sur le territoire français.
De retour à Catane où Salvatore discute avec son ami et confident Angelo et relate le destin tragique de la jeune femme à qui il a remis son arme. Un bateau débarque alors le chercher, puisqu’ils doivent aider un cargo en détresse et partager des canots de sauvetage à des migrants clandestins qu’il transportait.
La mer est agitée et le danger est réel, une petite accalmie décide donc les autorités italiennes à intervenir afin de sauver ces pauvres gens. Malheureusement, la mer se déchaine à nouveau et Piracci est contraint à abandonner les recherches.
De leur côté, en compagnie d’un guide, les frères Soleiman et Jamal passent la frontière entre le Soudan et la Libye. Toutefois, Jamal tombe malade et affirme à son frère qu’il ne peut pas continuer. Il lui donne alors un collier de perles vertes ainsi que l’argent qui leur reste pour que celui-ci puisse arriver à bon port et trouver les moyens de s’en sortir. Soleiman poursuit donc seul le voyage tout en tentant de surmonter son anxiété.
Ayant du mal à croire en la nécessité de son travail, Salvatore oscille entre insatisfaction et dégoût. Il refuse de cacher un des clandestins qu’il a sauvé lorsqu’ils seraient sur le sol italien. Le doute continue de s’installer et le commandant réfléchit à la possibilité d’en protéger un en le choisissant au hasard.
Submergé par les remords, Piracci jette son dévolu sur le capitaine du navire qui a jeté les clandestins à la mer. Il le tabasse et déverse toute sa colère sur lui. Peu après, il se rend au cimetière de Lampedusa, devant les tombes des immigrants, où il rencontre un homme qui lui parle d’Eldorado : « L’herbe sera grasse, dit-il, et les arbres chargés de fruits. De l’or coulera au fond des ruisseaux, et des carrières remplies de diamants à ciel ouvert réverbéreront les rayons du soleil. Les forêts frémiront de gibier et les lacs seront poissonneux. Tout sera doux là-bas. Et la vie passera comme une caresse ».
Soleiman se retrouve maintenant entassé avec d’autres clandestins dans une camionnette, en compagnie de leurs passeurs, à Al-Zuwarah, en Libye.Après une heure de route, les passeurs les laissent dans un cul-de-sac et tentent de les racheter.Mais Soleiman ne se laisse pas faire et essaie de les défendre pour empêcher ces hommes d’accomplir leur triste dessein.
Ils le passent donc à tabac. Lorsqu’il reprend connaissance, il se rend compte que tous les clandestins se sont enfuis, à l’exception de Boubakar, un Malien boiteux. Celui-ci lui montre le chemin à prendre et se propose de l’accompagner.
Après ses gestes plutôt violents, Salvatore risque la mise à pied. Il refuse d’aller à la convocation qui lui a été envoyée par l’officier supérieur. Il informe même sa décision de tout abandonner au profit de son ami Angelo. Ainsi, il quitte la Sicile à bord d’une petite barque pour rejoindre la Libye, laissant derrière lui ses papiers italiens.
Il effectue alors la route inverse de celle du flux migratoire en rejoignant le continent que tous désiraient quitter.Une étape qui lui permet de se mettre dans la peau des hommes qu’il n’a pas pu sauver ainsi que de cette femme qui fuyait son pays pour offrir un avenir meilleur à son fils.
Toujours accompagné de Boubakar, Soleiman roule dans un camion rempli vers Ghardaïa, en Algérie.Comme il n’a presque plus d’argent, il décide d’assommer un marchand et de lui dérober son argent pendant un arrêt à Ouargla. Grâce à cet argent volé, Boubakar cherche un moyen de franchir la frontière marocaine, mais Soleiman a du mal à assumer son geste et décide de s’éloigner en pensant qu’il ne mérite pas de continuer le périple.
Et pourtant, une rencontre assez mystérieuse le fait changer d’avis et lui redonne confiance en lui. Enfin, il se sent en sécurité.
Arrivé en Afrique, Salvatore perd progressivement son envie de vivre après avoir rencontré la chef des passeurs, la reine d’Al-Zuwarah dans une prison libyenne.Elle lui propose de travailler pour elle et lui montre une très grosse somme d’argent pour le convaincre. Mais l’ancien commandant refuse et s’enfuit vers Ghardaïa pour échapper à de telles obligations. En chemin, il s’attriste des chimériques rêves d’Eldorado animant tant les migrants qui partent vers la mort.
Désespéré, il essaie de se suicider en s’immolant par le feu, mais ne réussit pas puisqu’il n’a pas de briquet.
À Ghardaïa, Salvatore Piracci rencontre Soleiman qui le confond avec une ombre de Massambalo, messager d’une divinité qui veille sur les voyageurs en leur portant chance.L’italien se prête alors au jeu.
Le changement d’attitude de Soleiman le fait penser que « l’Eldorado n’était pas pour lui » et sa voie est de transmettre la « fièvre de l’Eldorado ».
En errant sur la route, perdu dans ses pensées, Piracci se fait écraser par un camion de clandestins et entend des bruits tout autour de lui. Fracassé, son corps utilise ses dernières forces afin de délivrer un message à tous ces hommes à la recherche d’Eldorado : il leur dit de partir « sans attendre, à l’assaut des frontières ». Il finit par mourir, apaisé.
Arrivés au Maroc, Soleiman et Boubakar vivent dans un camp de migrants avec qui ils prennent d’assaut l’enclave espagnole de Ceuta. En s’entraidant, les deux hommes réussissent à faire partie des rares individus à franchir l’ultime frontière.Arrivés blessés à Ceuta, ils projettent enfin un destin plus favorable.
Les principaux personnages
Le commandant Salvatore Piracci
Naviguant depuis 20 ans au large des côtes italiennes, ce garde-côte de 40 ans est divorcé de sa femme et n’a pas d’enfant. Il s’agit d’un personnage solitaire qui sait contrôler ses émotions. Au fil de l’histoire, il voit sa foi en sa mission s’ébranler, ce qui donnera un tout nouveau sens à son existence.
La « femme du Vittoria 2004 »
Cette émigrée est venue spécialement en Italie afin de trouver son Eldorado avec son fils. Cependant, ce dernier a perdu la vie pendant le périple, dans le navire qui les a fait venir. Elle désire à tout prix se venger de l’homme responsable de son malheur. Courageuse et très belle, elle dégage un soupçon de noblesse.
Angelo
Cet ancien constructeur de routes vend maintenant des journaux sur le port. Il s’agit du meilleur ami du commandant Salvatore. Ce vieil homme est toujours à l’écoute de ce dernier.
Soleiman
Plein d’ambition, ce jeune homme envisage de quitter la misère et d’atteindre l’Europe, là où la vie est plus facile selon lui. Suite au départ de son frère, il continue le périple vers le Vieux Continent afin de soigner son frère.
Jamal
C’est le frère de Soleiman. Il ne peut pas participer à « l’aventure », parce qu’il est très malade.
Boubakar
Ce personnage a quitté son pays, le Mali, depuis 7 ans pour trouver une vie meilleure. Il devient le compagnon de Soleiman et même son frère de substitution, et ensemble, ils réussiront à conquérir leur Eldorado. Il s’agit d’un homme maigre et petit d’une trentaine d’années environ, boiteux de la jambe gauche.
Clandestin inconnu
C’est un personnage masculin et complètement anonyme
La reine d’Al-Zuwarah
C’est une femme avide de pouvoir et une riche passeuse de la région
Analyse de l’œuvre de Laurent Gaudé
On peut dire que l’Eldorado de Laurent Gaudé se lit comme une tragédie dont les personnages cherchent à tout prix à s’affranchir d’une implacable destinée. Ainsi, cette œuvre cherche à susciter la pitié et l’horreur, comme avec l’agonie du fils de la « femme du Vittoria 2004 ». Ce roman aussi épique, à travers la fascinante épopée des migrants et la grande lutte contre la mer : « le commandant sut (…) que la mer s’était réveillée et que le vrai combat allait commencer ».
On découvre également une empreinte de lyrisme, surtout quand l’auteur évoque les luttes ainsi que les espoirs des migrants désespérés : « Je me mets à pleurer doucement de joie, pour la première fois de ma vie ».
Pour plusieurs critiques, ce roman est venu confirmer Laurent Gaudé telle une valeur sûre de la littérature française, en mesure d’aborder grâce au « souffle épique » les grandes difficultés qui s’acharnent sur le monde contemporain.
Le titre Eldorado évoque une région mythique d’Amérique du Sud, censée dissimuler des plaisirs et des richesses inouïs. Pourtant, pour les migrants africains, leur Eldorado n’est autre que l’Europe. Malheureusement, ce rêve de paradis est meurtrier. Il s’agit du « cimetière de l’Eldorado » que traverse Salvatore Piracci à Lampedusa.
Quoi qu’il en soit, l’auteur affiche que, curieusement, si ce rêve est meurtrier, il représente l’unique richesse des migrants et donne un sens à leur misérable vie.
J’ai beaucoup apprécié le registre épique utilisé dans l’oeuvre puisqu’on incarne Souleiman le jeune homme africain prêt à tous les sacrifices pour sortir de la misère.
Ce livre est poignant et les personnages sont attachants, quand on commence ce livre on a envie de connaitre la fin de l’histoire de tous les personnages.
Le fait que deux histoires se croisent donne au livre une impression de rapidité et de hâte.
Ce que j’ai le plus apprécié dans ce livre est le dévouement et l’amour de Soleiman pour son frère.