Une descente dans le maëlstrom est une nouvelle écrite par l’auteur américain Edgar Allan Poe. Elle est publiée pour la première fois en 1841. Avant qu’elle ne soit traduite par Charles Baudelaire dans Histoires Extraordinaires, elle avait déjà été traduite en 1846 par E.D. Forgue. Explorons ensemble cette nouvelle dont la forme pourrait s’apparenter à de la science-fiction.
Résumé détaillé de Une descente dans le maelström d’Edgar Allan Poe
Arrivée au sommet d’Helseggen
Le narrateur atteint le sommet d’Helseggen en Norvège, dans la province de Nortland située dans le district de Lofoden avec son guide. Le narrateur se met à avoir le vertige et le guide lui conseille de regarder à l’horizon. En s’exécutant, le narrateur voit différents paysages que le guide se met à lui décrire. Très vite, leur quiétude est troublée par de puissants tourbillons qui se forment en dessous d’eux sur la mer. Le guide lui explique qu’il s’agit du Maelström, un grand tourbillon que les gens d’ici appellent le Moskœ-Strom. Le guide se met à expliquer au narrateur la puissance du courant qu’il y a dans ces eaux et lui donne des exemples de navires, de baleines ou d’ours qui ont eu le malheur de se trouver en son sein.
L’histoire du guide
Le guide se met à raconter une histoire qui lui est arrivé avec le Maëlstrom (Moskœ-Strom). Il explique au narrateur qu’avec ses deux frères, ils avaient eu l’habitude de pêcher dans cette zone dangereuse de Norvège, car ils pouvaient attraper en un jour ce que les autres pêcheurs attrapaient en une semaine. Ils connaissaient les risques et faisaient attention à ce tourbillon que l’on appelait le Moskœ-Strom. En effet, les trois frères savaient quand il devait y aller et combien de temps, ils devaient y rester. À deux reprises, il leur est arrivé de se faire surprendre, mais ils ont toujours réussi à attendre avant de pouvoir traverser les eaux. Son frère aîné avait un fils de dix-huit ans et le guide avait lui aussi deux fils, mais, conscient des risques, ils n’acceptaient pas que leurs enfants viennent pêcher avec eux.
“Le 10 juillet 18…”, le guide était parti pêcher avec ses deux frères. Ils venaient tout juste de charger le navire de poisson qu’ils se sont rendu compte qu’il était l’heure de rentrer. En effet, la montre indiquait sept heures. Le temps était calme et ils filèrent sur l’eau. Progressivement, le temps se dégrada et une tempête soudaine arriva. Le guide et ses frères essayèrent tant bien que mal de résister à la tempête qui se montrait de plus en plus violente. Le guide expliqua qu’il espérait qu’ils puissent au moins échapper au Moskœ-Strom, mais il se rendit vite compte qu’il fonçait droit devant et que le courant commençait à s’accélérer. Lorsqu’il vérifia l’heure qu’il était à sa montre, il se rendit compte que celle-ci avait été bloquée à sept heures. Sans s’en apercevoir, ils avaient laissé passer le répit de la marée et le tourbillon du Maëlstrom déchargeait toute sa puissance.
La lutte pour la survie
Le guide confia au narrateur que contre toute attente, il n’avait plus peur. Il savait qu’il était condamné, il s’était résigné à mourir. Il était subjugué devant cette puissance divine et était triste de pouvoir voir quelque chose qu’il ne pourrait jamais raconter à qui que ce soit.
Le guide et ses frères ont lutté pendant des heures contre le Maëlstrom. Il expliqua au narrateur comment il avait pu voir ses frères mourir tour à tour. Toutefois, il ne trouva pas la mort, le tourbillon le recracha et il fut repêché par ses camarades de pêches qui eurent du mal à le reconnaître. En effet, lui, qui la veille avait les cheveux noirs, avait à présent les cheveux blancs. Quand il leur raconta son histoire, ils ne voulurent pas le croire.
Présentation des personnages
Le narrateur est celui qui nous raconte l’histoire. Nous ne savons rien sur lui et il n’apparaît presque pas dans l’histoire. Nous savons simplement qu’il a été emmené sur le sommet d’Helseggen par le guide et qu’il semble avoir le vertige.
Le guide était un loup de mer. Il avait l’habitude de pêcher avec ses deux frères dans une zone d’archipel dangereuse en Norvège là où l’on trouve le tourbillon que l’on appelle le Maëlstrom. Toutefois, malgré les dangers, lui et ses frères allaient pêcher là-bas, car ils trouvaient du poisson en abondance. Ils avaient conscience des risques qu’ils prenaient, mais avec le temps, ils avaient su développer des stratégies pour ne jamais se laisser surprendre par le dangereux tourbillon. Un 10 juillet, ils se font avoir, à cause d’une panne de montre. Le guide passe de la peur au courage et enfin à l’émerveillement devant ce dangereux tourbillon qu’il voit comme étant la représentation de la puissance divine. Il finit par survivre avec des séquelles : il n’a plus la force qu’il avait et ses cheveux sont devenus blanc.
Analyse de l’oeuvre
Une nouvelle à mi-chemin entre le fantastique et la science-fiction
Dans Une descente dans le maelström, nous avons deux descriptions de ce tourbillon dangereux. La première est réalisée par le narrateur, qui est un voyageur guidé par un homme aux cheveux blancs sur les sommets d’Heggelsen. Cette description, qui s’étale sur plusieurs pages, permet de donner au lecteur un premier aperçu de ce qu’est le Maëlstrom. On peut y noter des sensations auditives “j’eus la perception d’un bruit très fort et qui allait croissant, comme le mugissement d’un immense troupeau de buffles dans une prairie d’Amérique” et des sensations visuelles “Pendant que je regardais, ce courant prit une prodigieuse rapidité. Chaque instant ajoutait à sa vitesse, – à son impétuosité déréglée. En cinq minutes, toute la mer, jusqu’à Vurrgh, fut fouettée par une indomptable furie ; mais c’était entre Moskœ et la côte que dominait principalement le vacarme.“. Le narrateur fait également référence à certains auteurs qui ont décrit ce phénomène tels que Jonas Ramus et Kircher. Ce dernier comparait le Maëlstrom à “un abîme qui traverse le globe”.
Puis après cette longue description, le narrateur, qui n’a la perception de ce Maëlstrom que par ses facultés visuelles et auditives ainsi que ses connaissances, laisse la place au marin qui a réellement été confronté à ce type de phénomène.
Cette nouvelle d’Edgar Allan Poe peut relever de la science-fiction dans le sens où il décrit avec une précision scientifique le bateau qui s’engouffre dans ce dangereux tourbillon. La nouvelle peut également être vue comme étant fantastique dans le sens où le guide explique au narrateur qu’il s’est “un peu étourdi la tête”, tout ce qu’il a vécu n’aurait pu être qu’une hallucination.
Une nouvelle dans laquelle Poe manie les figures de styles
Dans cette nouvelle, Poe utilise de nombreuses fois le verbe “raconter” qu’il utilise à de nombreuses reprises dans le texte “ je vous ai amené ici […] pour vous raconter toute l’histoire”, “jamais homme n’y a survécu pour la raconter”. Le verbe “décrire” n’est pas en reste puisqu’il apparaît également énormément dans le texte. L’utilisation du verbe “raconter” n’est pas anodine puisque, selon sa définition dans le Petit Robert, il signifie : “Exposer par un récit (des faits vrais ou présentés comme tels)”. Il suggère donc que les faits exposés peuvent être vrais ou faux. Ainsi, nous sommes dans l’hésitation, le guide a-t-il réellement vécu cette histoire ou, s’étant “un peu étourdi la tête”, aurait-il halluciné ?
Dans cette aventure, Poe accorde deux champs lexicaux que nous n’avons pas l’habitude de voir s’accorder ensemble : l’horreur et l’admiration comme nous pouvons le constater dans de nombreuses phrases : “la magnificence et l’horreur du tableau”, “l’étrange et ravissante sensation de nouveauté qui confond le spectateur” ou encore “angoisse suprême de l’immersion”.
Par ailleurs, Poe décrit le Maëlstrom de mille et une façon dans son texte :”tourbillon”, “vortex”. Pour susciter l’émotion du lecteur, il n’hésite pas à utiliser la métaphore “la gueule du terrible entonnoir”. Il use également de références culturelles en associant le Maëlstrom au fleuve des Enfers “Phlégéthon hurlant” ou à des références géographiques “la puissante cataracte du Niagara elle-même”.
Pour créer une image surnaturelle, propre au genre fantastique, de ce tourbillon, Poe n’hésite pas à utiliser la personnification en expliquant qu’il a “une voix effrayante, moitié cri, moitié rugissement”, il parle également de “la gueule même de l’abîme” et évoque sa colère “le tourbillon du Strom était dans sa pleine furie”.
L’aspect psychologique de cette nouvelle
Dans cette histoire, le guide vit une aventure où il traverse de nombreux sentiments à la fois. Au départ, il est plongé dans la peur et sait pertinemment qu’il est condamné et qu’il court à sa perte : “Nous étions destinés au tourbillon du Strom, et rien ne pouvait nous sauver”. Puis, le guide se met à dresser un tableau moins sombre dans lequel il explique que “Jamais [il n’oubliera] les sensations d’effroi, d’horreur et d’admiration qu’[il éprouva] en jetant les yeux autour de [lui].”. Il décrit la scène qu’il vit de façon poétique et pleine de beauté : “les rayons de la lune ruisselaient en un fleuve d’or et de splendeur le long des murs noirs et pénétraient jusque dans les plus intimes profondeurs de l’abîme […] semblaient chercher le fin fond de l’immense gouffre”.
Progressivement, le marin domine sa peur et contemple la scène d’une nouvelle façon “Je me sentis plus de sang-froid que quand nous en approchions. Ayant fait mon deuil de toute espérance, je fus délivré d’une grande partie de cette terreur qui m’avait d’abord écrasé. Je suppose que c’est le désespoir qui roidissait mes nerfs. Vous prendrez peut-être cela pour une fanfaronnade, mais ce que je vous dis est la vérité : je commençai à songer quelle magnifique chose, c’était de mourir d’une pareille manière, et combien il était sot à moi de m’occuper d’un aussi vulgaire intérêt que ma conservation individuelle, en face d’une si prodigieuse manifestation de la puissance de Dieu”. Le marin sait qu’il assiste à quelque chose de plus grand que lui et devant cette puissance contre laquelle il n’a aucun pouvoir, il ne peut que lâcher prise. Certains pourraient dire qu’il capitule et qu’il se donne volontier à la mort quand d’autres pourraient voir un acte héroïque dans lequel le marin, conscient qu’il n’est pas de taille face au tourbillon, décide de ne pas déployer ses forces en vains, pour se laisser aller. En effet, face au courant, il a été démontré qu’il ne sert à rien de lutter puisque, quoi qu’il arrive, le courant sera toujours plus fort. Toutefois, de nombreuses personnes ont réussi à se laisser porter par le courant en se mettant sur le dos (la technique de la planche). Cela économise les forces du nageur. Ainsi, nous pouvons nous demander si Poe ne suggère pas l’idée que la peur amène une personne à dépenser vainement toute son énergie dans une cause où il sait pertinemment qu’il ne sera pas victorieux, ce qui l’amène à une mort certaine. Cette idée se retrouve d’ailleurs dans l’épigraphe de la nouvelle “Les voies de Dieu, dans la nature comme dans l’ordre de la Providence, ne sont point nos voies ; et les types que nous concevons n’ont aucune mesure commune avec la vastitude, la profondeur et l’incompréhensibilité de ses œuvres, qui contiennent en elles un abîme plus profond que le puits de Démocrite” de Joseph Glanvil, un philosophe anglais du XVIIe siècle. En ce sens, en se soumettant au tourbillon, le marin se soumet à la volonté divine.
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